Monsieur le Directeur, bonjour.
Dans un message que vous m’avez adressé, vous m’invitez à votre pot de départ. Sachez que je vous en remercie et que j’apprécie le geste, mais toutefois je tiens à vous dire que :
Si vous êtes prêt à vous engager à mes cotés pour m’accompagner dans des réunions publiques où j’y défends l’idée d’un service public de l’électricité tel que je l’ai connu, c’est à dire une entreprise intégrée où toutes ses composantes qu’étaient la Production, le Transport, la Distribution et l’Equipement travaillaient main dans la main, au service de l’usager abonné. Si vous êtes prêt à défendre avec moi cette entreprise où justement, le terme social d’usager ou d’abonné, se substituait à celui plus commercial et surtout plus désuet et déshumanisé de client.
Si vous êtes prêt à lutter avec moi contre cette affreuse loi de transition énergétique qui, sous de faux prétextes écologiques entraînera notre pays vers des pénuries d’électricité, tout en laissant des milliers de poids lourds nous polluer et faire leur loi sur les routes et autoroutes. Si vous êtes prêt à venir expliquer avec moi aux citoyens que l’énergie hydraulique est une énergie de compensation indispensable au bon équilibre énergétique de notre réseau et que sa privatisation, imposée par cette loi, est une aberration technique et coûteuse.
Si vous êtes prêt à venir expliquer avec moi aux citoyens, que la privatisation des installations hydrauliques est un hold-up réalisé sur leur dos, puisque ce sont eux qui en ont payé les investissements et la maintenance. Un hold-up à l’avantage des actionnaires des multinationales qui se moquent bien de l’intérêt général, et qui n’auront qu’à engranger des bénéfices grâce à des installations déjà amorties. Pour autant, dès que les investissements d’entretien deviendront trop onéreux, ils réclameront sans rougir une nationalisation temporaire. Si vous êtes prêts à combattre avec moi la scélérate loi NOME qui impose à EDF de rétrocéder à ses concurrents un quart de sa production nucléaire à prix coûtant (le fameux tarif de l’ARENH).
Si vous êtes prêt à déclarer, comme l’a déclaré un de nos anciens PDG, que notamment en matière d’énergie électrique ’’ On n’a pas créé la concurrence pour faire baisser les prix, mais on a augmenté les prix pour permettre la concurrence ’’
Si vous êtes prêt à dire aux usagers que les énergies intermittentes solaires et éoliennes, telles qu’elles sont développées actuellement, ne sont pas à la hauteur des enjeux énergétiques de notre pays et que de meilleures solutions existent en la matière. En 1983 le partenariat public/public EDF-CNRS-COMES l’a prouvé, en réalisant un première mondiale, la centrale solaire thermodynamique expérimentale appelée ‘‘Thémis ’’. Une technique qui palie à l’intermittence du solaire, laissée malheureusement en sommeil en France, mais utilisée dans plusieurs pays où elle permet des productions conséquentes de plusieurs centaines de Mégawatts. La centrale marémotrice de la Rance (encore une première mondiale) est aussi un exemple de ce que le service public a pu et peut réaliser de meilleur en matière de renouvelable.
Si vous êtes prêt à enfoncer le clou avec moi, afin d’alerter l’usager, en lui disant que la gestion mercantile actuelle des énergies dites renouvelables nous fournit un Kwh très cher et difficile à planifier. L’alerter enfin pour lui dire que finalement, c’est lui qui paye en partie les installations liées au solaire et à l’éolien, à travers la CSPE (Contribution au Service Public de L’Électricité). Le comble de cette taxe, c’est qu’en plus elle est taxée à 20%. Si vous êtes prêt aussi à arracher le clou rouillé qui fait qu’EDF est liée à des producteurs affairistes par des contrats de vingt ans, qui lui font obligation d’achat en permanence. Du coup lorsqu’il y a trop d’énergie sur le réseau, les agents régulateurs sont obligés de jouer avec l’énergie de régulation et baisser la production hydraulique. Résultat des courses : On se prive d’un Kwh très bon marché (1.5 à 2 cts) pour de l’énergie qui coute de 8 à 25 cts voire plus. Si vous êtes prêt enfin à résumer le tout, y compris devant le politique, en disant que notamment en matière d’énergie, seul un service public Nationalisé peut amener des solutions alternatives pérennes dénuées de tout mercantilisme, prenant uniquement en compte l’intérêt général. Défendre l’idée enfin, que l’énergie fait partie des produits de première nécessité et qu’à ce titre, elle doit être uniquement l’affaire d’un monopole public, tel que la loi de nationalisation du 8 avril 1946 avait doté notre pays. Sur le plan social enfin : si vous êtes prêt à revenir à une entreprise où la considération des agents était plus liée à leurs compétences et à leur dévouement, qu’à leur docilité, voire leur aptitude à la génuflexion.
Si vous êtes prêt à agir pour que cesse dans notre entreprise, cette politique de sécurité hypocrite, incompatible avec les conditions de travail parfois très tendues sur le terrain. Une politique qui n’est là que pour couvrir les dirigeants en ciblant systématiquement le lampiste. Si vous êtes d’accord pour dénoncer cette politique de sécurité qui a prouvé son inefficacité en matière de résultats, multiplication des accidents et presque accidents en peu de temps (A noter que tous ne sont pas déclarés). Politique qui ne nous a pas empêchés de connaitre l’irréparable, avec plusieurs décès par électrocution, dont celui d’un collègue de travail il y a quelques années. J’étais encore en fonction à l’époque et ma mémoire n’a pas flanché là-dessus, soyez en certain.
Si vous êtes prêt à revenir sur réelle politique de formation interne, bénéfique au développement des agents, mais aussi à celui de l’entreprise. Une politique de formation, telle que vous et moi avons connue, notamment du temps des fameuses écoles des métiers, malheureusement disparues aujourd’hui.
Si vous êtes prêt à rejoindre avec moi Marcel Paul (par la pensée bien entendu ! Pour le reste, prenons notre temps on n’est pas pressé) afin de reprendre tous ces points essentiels de notre service public, mais aussi reconquérir avec les agents le statut d’avant garde qui leur avait été accordé en 1946. Ce statut qui, en étant plus favorable que le Code du Travail respecte la fameuse hiérarchie des normes mise en cause par la loi El Khomri. Ce statut enfin dont vous-même avez bien profité, mais qui est malheureusement bien écorné depuis. Enfin si vous êtes prêt à mettre de coté votre ‘‘devoir de réserve’’ alibi, et en tant que simple citoyen responsable, descendre dans la rue avec moi le 12 septembre prochain pour y défendre le code du travail. (Une invitation en vaut bien une autre) Je tiens à vous rappeler que ce code, au delà du statut d’agent EDF, vous a protégé durant votre carrière professionnelle et vous protège encore.
Si vous êtes prêt à vous engager sur tout ça, alors, là vraiment, vous serez un homme Monsieur le Directeur, un homme avec lequel j’aurai plaisir à me joindre pour son pot de départ. (Que Rudyard Kipling me pardonne pour ce petit plagiat) Un bon point quand même ! Vous avez cité la salle Marcel Paul, certains de vos prédécesseurs ne voulaient même pas en entendre parler. Etait-ce de l’ingratitude ? Faisaient-ils un complexe ? Il est vrai que face à ce Grand Monsieur, Ministre de la production Industrielle de 1945 à 1946 qu’était Marcel Paul, leur contribution fut bien modeste pour ne pas dire insignifiante, voire même parfois destructrice.
Dans votre message Monsieur le Directeur, vous souhaitez une réponse, et bien voila ma réponse.
Bien cordialement et avec mes salutations les plus sincères. Yves CIMBOLINI