Au moment même où l’ouragan Irma – l’un des plus dévastateurs qu’a connu la Caraïbe – dévastait Cuba, le pouvoir états-uniens votaient la poursuite du blocus contre Cuba, prolongeant un acte de guerre économique, un violation du droit international et des droits de l’homme, régulièrement et systématiquement condamnée par l’ONU, (en 2016, c’était la 25e condamnation consécutive).
Alors que s’ouvre l’Assemblée Générale de l’ONU, le CETIM adresse une résolution à la 36e session qui s’ouvrait le 11 septembre 2017.
Dans un communiqué, la Mission Permanente de Genève a exigé de l’ONU la levée du blocus imposé par les Etats-Unis à Cuba depuis plus d’un demi-siècle.
Dans ce communiqué, la partie cubaine signale que les sanctions des Etats-Unis sont les plus « injustes et sévères » qui aient été appliquées à un pays. En même temps, elle signale que ce blocus est un obstacle à son développement.
L’ONU votera à nouveau dans 1 mois la résolution sur la nécessité de lever le blocus de Cuba instauré en 1962 par le Président John F. Kennedy.
Pendant ce temps, à Cuba, des organisations sociales organisent une série d’activités pour condamner ce blocus et faire pression sur le Gouvernement des Etats-Unis pour qu’il le lève
Pour le respect des droits du peuple cubain et pour la levée de l’embargo états-unien
Conseil des droits de l’homme 36e session, 11-29 septembre 2017
- Le CETIM est vivement préoccupé par l’embargo, unilatéral, illégal et illégitime, imposé par les États-Unis d’Amérique à Cuba depuis plus de 55 ans et provoquant de nombreuses violations des droits humains du peuple cubain. Cet embargo a récemment a été renforcé par le nouveau gouvernement états-unien.
- En effet, le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé le 16 juin 2017 à Miami sa décision de remettre en cause – dans les 90 jours suivants – certaines des mesures prises par son prédécesseur et d’imposer un revirement des relations que l’administration qu’il dirige doit désormais entretenir avec Cuba. Le processus de rapprochement entre les deux pays, engagé à la suite des déclarations conjointes des présidents Barack Obama et Raúl Castro le 17 décembre 2014, et qui avait conduit au rétablissement des relations diplomatiques le 20 juillet 2015 et à un début de développement de liens de respect et de coopération entre leurs gouvernements et leurs peuples, conformément aux buts et principes consacrés dans la Charte des Nations unies, est inversé. Est ainsi abrogé le décret présidentiel du 14 octobre 2016, qui ne renonçait pas à l’intention de fomenter un changement de système à Cuba, mais reconnaissait l’échec des moyens utilisés par Washington, comme aussi la souveraineté du peuple cubain et la légitimité de son gouvernement. Les négociations bilatérales menées depuis trois ans, ayant permis de réelles avancées (ouverture d’ambassades, accords migratoires, coopération en matière de sécurité…) et marchaient vers la normalisation, entrent dorénavant, de fait, dans une phase régressive. Les motifs invoqués par le président Trump sont belliqueux, anachroniques et interventionnistes : ils font référence à la défense des intérêts étasuniens à l’étranger contre l’« oppression communiste » et à la volonté réaffirmée d’ingérence de la Maison-Blanche dans les affaires intérieures du peuple cubain pour déterminer à sa place les institutions politiques et socio-économiques que celui-ci devrait adopter. Pour tous les peuples du monde qui réclament le respect de leur droit à l’autodétermination, ceci est absolument inacceptable.
- Le président Trump, en fâcheuse posture depuis son entrée en fonctions, contesté chez lui pour ses positions antisociales par une opposition qui ne faiblit pas (jusque dans les rangs des Républicains), critiqué de toutes parts à l’extérieur, notamment pour ses politiques migratoire et environnementale méprisant ses voisins et l’humanité toute entière, a jeté le dossier cubain en pâture aux franges les plus haineuses et revanchardes de son électorat. L’auditoire miaméen présent le 16 juin dernier au théâtre Manuel Artime (du nom de l’ex-mercenaire de la Brigade 2506 qui tenta en vain d’envahir Playa Girón en avril 1961 pour renverser le gouvernement issu de la révolution de 1959) n’était pas composé que de notables étasuniens ultraréactionnaires emmenés par le sénateur Marco Rubio, le congressiste Mario Díaz-Balart et le gouverneur de Floride, Rick Scott. Se rencontraient aussi parmi eux maints exilés cubains d’extrême-droite fanatiques et assoiffés de sanctions ; dont semble-t-il – le ministre des Affaires étrangères cubain Bruno Rodríguez a d’ailleurs mis au défi le président Trump de le démentir – d’anciens tortionnaires du gouvernement dictatorial de Fulgencio Batista et des individus connus de la justice des États-Unis pour avoir commis des actions terroristes contre Cuba. Cet ordre présidentiel a été imposé, sous l’influence de cette poignée d’individus plongés dans un obscurantisme d’un autre âge, contre l’opinion d’une nette majorité de citoyens étasuniens en quête de relations enfin apaisées avec Cuba. Et contrairement à ce que paraît croire le président Trump, mal entouré et conseillé, la communauté cubaine vivant aux États-Unis, dans les circonscriptions (notamment de Floride) où elle est la plus nombreuse, n’a pas voté majoritairement pour lui lors des élections de 2016. Tout cela ne fait qu’altérer un peu plus la crédibilité du président Trump.
- Il n’en reste pas moins que le nouveau « Mémorandum présidentiel de sécurité nationale sur le renforcement de la politique des États-Unis envers Cuba», signé le 16 juin 2017, prévoit un durcissement des actions contre la levée de l’embargo (blocus de facto) – alors que le 26 octobre 2016, au nom de son pays et pour la première fois, l’ambassadrice étasunienne Samantha Power s’était abstenue lors du vote de l’Assemblée générale. Le dispositif prévu par l’administration Trump entend frapper les moteurs de l’économie socialiste en interdisant toute activité de compagnies étasuniennes avec les entreprises liées aux ministères des Forces armées révolutionnaires ou de l’Intérieur cubains. Il vise spécialement le conglomérat GAESA (Grupo de Administración Empresarial SA.), dont dépendent, entre autres, Gaviota (tourisme), Antex (agence de joint-ventures), Cimex (import/export), Ausa (port de Mariel), mais aussi des sociétés des secteurs énergétique, industriel, immobilier, infrastructurel, bancaire et financier, et même agricole ou technologique. Le but visé est d’agresser Cuba en privant son économie du maximum de revenus en devises.
- En s’attaquant aux entreprises publiques, ces mesures affecteront toute l’économie, y compris le secteur privé. Elles représentent clairement un durcissement du blocus étasunien contre Cuba. Depuis plus de 25 ans, ce dernier est condamné par la quasi-unanimité des pays membres de l’Assemblée générale des Nations unies. En dépit d’injonctions réitérées de l’ONU, il continue cependant d’être imposé par la volonté unilatérale, mais isolée, du gouvernement étasunien. Imposé en 1962, ce blocus fut aggravé par les lois Torricelli de 1992 et Helms-Burton de 1996. Bien que quelque peu assoupli sous les mandatures Obama, l’essentiel du blocus demeure en vigueur. De source cubaine, ses dommages économiques dépassent les 100 milliards de dollars. Il freine les exportations, le tourisme, les investissements directs étrangers et les transferts de devises. Il touche l’industrie pharmaceutique et les biotechnologies où Cuba dispose d’un fort potentiel attractif et de nombreux brevets. Cruel, inhumain, il coûte surtout au peuple cubain d’incommensurables sacrifices, le privant de la jouissance de ses droits humains élémentaires, y compris ceux à l’autodétermination et au développement. Un drame humanitaire – qui est l’objectif de ce blocus – n’a été évité que par la volonté de l’État cubain de maintenir à tout prix son modèle social. La priorité accordée par cet État au développement humain explique l’excellence des indicateurs statistiques de santé et d’éducation à Cuba, en dépit de contraintes budgétaires. L’extraterritorialité de règles imposées à la communauté internationale par des sanctions unilatérales des États-Unis est une violation caractérisée de la Charte des Nations Unies. Il viole le droit international humanitaire, ainsi que le principe de souveraineté des États, confirmé par la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, de décider en pleine liberté de leur système politique, socio-économique et culturel. Il est contraire au droit à l’auto-détermination, en privant le peuple cubain de ses propres moyens de subsistance. Illégal, illégitime, il est assimilable à un acte de guerre non déclarée des États-Unis contre Cuba. Visant à porter atteinte à l’intégrité physique et morale d’un peuple, à lui faire subir le maximum de souffrances, il pourrait constituer un crime contre l’humanité. Il doit cesser immédiatement, inconditionnellement.
- De surcroît, le nouveau « Mémorandum présidentiel» du 16 juin 2017 accentue encore les restrictions à la liberté de circulation des citoyens étasuniens : ainsi, leurs voyages individuels à destination de l’île en tant que touristes sont interdits dans la catégorie « échanges peuple à peuple » et un contrôle plus strict sera effectué sur ceux voyageant sous une autre catégorie. Il s’agit donc d’une atteinte portée aux libertés civiles aux États-Unis.
- Les récentes mesures prises par le président Trump nuiront également, d’évidence, aux entreprises étatsuniennes elles-mêmes. Elles leur ferment absurdement des opportunités de débouchés multiples vers une économie émergente et proche, dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services – en plus d’aller à l’encontre des principes de libre-échange que les États-Unis revendiquent pour eux-mêmes et le monde. Cela fera perdre emplois et revenus aux travailleurs étasuniens – alors que le candidat Trump avait promis le contraire durant sa campagne – et entraînera un surcoût pour les contribuables, en contrôles bureaucratiques et autoritaires accrus – à l’opposé des idées de « moins d’administration et plus d’efficacité » prônées par le nouveau président. En bref, ces mesures seront contreproductives et néfastes pour l’économie des États-Unis elle-même.
- Ajouté à ceci, le gouvernement des États-Unis se prive de lui-même d’un partenaire voisin, précieux et prestigieux, pour renforcer la stabilité régionale en Amérique latine et caribéenne. On sait que le rôle de Cuba a tout à fait été fondamental, par exemple, dans l’organisation des négociations entre gouvernement colombien et guérilla des FARC-EP, qui se sont tenues à La Havane et ont finalement conduit au règlement de ce conflit vieux de plus d’un demi-siècle. Washington perd l’occasion de poursuivre la coopération engagée avec le gouvernement cubain en matière de lutte contre le terrorisme international, le trafic de drogues, le trafic de personnes, la cybercriminalité, la fraude fiscale, le blanchiment d’actifs financiers illicites… Inutile ici de s’étendre sur le fait que le gouvernement des États-Unis, dont la violence est hélas devenue depuis longtemps une modalité d’existence, se trouve fort mal placé pour donner à quiconque des leçons de démocratie ou de droits humains.
- Il ne pouvait en être autrement : ce revirement brutal du président Trump a soulevé une vague de protestations aux États-Unis, dans la classe politique (pas seulement chez les Démocrates), dans le monde des affaires (des représentants de la Chambre d’Agriculture de l’Indiana, État gros exportateur de produits alimentaires et dont est originaire le vice-président, Mike Pence, jusqu’à la direction de la chaîne hôtelière Starwood, qui a inauguré un Sheraton à Cuba il y a un an), comme aussi dans la société civile, dont maints acteurs appellent aujourd’hui le gouvernement à reconsidérer sa décision et à revenir à la raison. À l’étranger, les condamnations sont venues de partout : des gouvernements du Canada, du Venezuela, de la Bolivie, de la Russie, de la Belgique… Ont également convergé vers La Havane, de tous les continents, d’innombrables marques de sympathie et de solidarité.
- Le Conseil des droits de l’homme a condamné à plusieurs reprises les mesures coercitives unilatérales. Dans sa dernière résolution 34/13, adoptée le 24 mars 2017, il a réclamé, pour tous les États, de « s’abstenir d’imposer des mesures coercitives unilatérales et les exhorte à lever les mesures de ce type, qui sont contraires à la Charte et aux normes et principes régissant les relations pacifiques entre les États à tous les niveaux, (…), de ne pas reconnaître ni appliquer pareilles mesures ». Il leur a demandé « de prendre, selon qu’il y a lieu, des dispositions administratives ou législatives efficaces pour contrer l’application extraterritoriale ou les effets extraterritoriaux des mesures coercitives unilatérales ».
- Pour les raisons précédemment invoquées, nous nous prononçons pour la reprise du chemin de la normalisation des relations entre les États-Unis d’Amérique et la République de Cuba ; ce, en conformité avec les objectifs et principes consacrés dans la Charte des Nations unies. Cela passe par le respect absolu de l’indépendance de Cuba, de la souveraineté de son peuple, de la légitimité de son gouvernement, du droit inaliénable de tout État de choisir son système politique, socio-économique et culturel sans ingérence aucune de quelque nature que ce soit, de l’égalité et de la réciprocité des partenaires, et de l’intégralité du droit international existant. Cela implique aussi l’arrêt des programmes subversifs financés par le gouvernement étasunien (y compris en matière éducative) contre l’ordre constitutionnel à Cuba, la levée du blocus et le paiement de dédommagements, des compensations mutuelles au sujet des propriétés de biens nationalisés au début de la révolution, la fermeture de la base de Guantánamo (zone de non-droit) occupée depuis l’époque néocoloniale et la restitution à Cuba de ce territoire qui est sien, et la reconnaissance de l’autodétermination de Cuba et de son choix de construire une société différente, fondée sur la paix, la justice, l’égalité et le progrès social ; une société que son peuple et le gouvernement qu’il s’est librement donné veulent « socialiste, démocratique, prospère et soutenable ».
[1] Exposé écrit publié tel quel, dans la/les langue(s) reçue(s) par l’/les organisation(s) non gouvernementale(s), sans avoir été revu par les services d’édition.
[2] Déclaration élaborée en collaboration avec le Dr. Rémy Herrera, chercheur au CNRS, Paris.
source : CETIM
Le CETIM centre europe tiers monde est un institut international de recherche basé en Suisse à Genève, une association membre et contributrice du travail de l’ONU