Après 4 ans de progrès tout azimut, menaçant la domination impérialiste sur l’Afrique et le néocolonialisme de la Françafrique sur le Burkina, Thomas Sankara, jeune dirigeant du Burkina Faso est assassiné, un coup d’État soutenu par la France stoppe ainsi net les progrès du pays. Le Burkina Faso 30 ans plus tard est l’un des pays les plus pauvres du monde, un pays mis en coupe réglée par des décennies de dictature de Blaise Compaoré, l’homme de main de la Françafrique à Ouagadougou. Chassé par une insurrection populaire en 2014, Compaoré est réfugié en Côte d’Ivoire, un pays dirigé par Ouatara, ex- directeur adjoint du FMI est placé à la tête du pays après une intervention militaire de la France. La famille et les héritiers politiques de Thomas Sankara attendent de voir Compaoré rendre des comptes pour l’assassinat, en 1987, de l’ancien dirigeant du Burkina Faso ; les supporteurs de Laurent Gbagbo rêvent de le voir jugé pour son implication dans la crise ivoirienne ; des victimes de la guerre en Sierra Leone aimeraient qu’il s’explique sur son soutien à la rébellion qui les a martyrisés.
Manifestation à Ouagadougou
À l’appel du Comité international mémorial Thomas Sankara, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés au Conseil de l’entente, l’ex-siège de la révolutuion burkinabèse, où le Thomas Sankara en compagnie de plusieurs dirigeants a été assassiné le 15 octobre 1987 par un commando de militaire.
Avec des pancartes dénonçant « 30 ans d’impunité c’est trop », et la « honte à la justice pourrie et aux magistrats corrompus », le peuple burkinabé exige vérité et justice pour Thomas Sankara et ses compagnons.
Une manifestation s’adressant à la fois au pouvoir de Ouagadougou, mais également à sa tutelle, l’impérialisme français.
La France refuse toujours d’ouvrir ses archives
Alors qu’il ne fait guère de doute que l’assassinat de Thomas Sankara – un caillou puissant dans la chaussure de l’impérialisme français et de la Françafrique, à l’égard de qui le président Mitterrand n’avait pas caché son hostilité de même que son plus proche allié dans la région le dictateur africain de Côte d’Ivoire Houphouet-Boigny – n’est pas sans lien avec la politique de la France dans la région, Paris refuse toujours de lever le secret sur les archives pourtant désormais vieilles de 30 ans. Secret défense disent-ils.
Poings levés, entonnant l’hymne national burkinabè, les manifestants ont fait une halte devant l’ambassade de France où ils ont déposé un mémorandum exigeant « la levée du « secret défense » par l’État français concernant le dossier Sankara« .
« Trente ans après l’assassinat du Che Africain et ses douze compagnons, les familles et tous les peuples épris de justice attendent que la vérité soit dite dans cette affaire et que justice soit faite« , a déclaré le colonel Sanou, président du comité mémorial Thomas Sankara.
Trente ans après l’assassinat de Sankara, une douzaine de personnes ont été inculpées, dont des militaires de l’ex-régiment de sécurité présidentielle – l’unité qui a perpétré le coup d’État avorté du 17 septembre 2015 et qui a été dissoute -, dont le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré. Mais le principal bénéficiaire de l’assassinat de Sankara, le dictateur Blaise Compaoré n’a toujours pas été inquiété, alors qu’il bénéficie toujours de la protection de la Côte d’Ivoire et de la France.
Jbc pour www.initiative-communiste.fr
Thomas Sankara: Le révolutionnaire communiste Africain
Sur Thomas Sankara, par Pierre Olivier Poyard pour www.initiative-communiste.fr
Qu’est-ce qu’un communiste ?
Le terme de communiste est aujourd’hui galvaudé, vu les renégats, rejetons du réformisme, qui s’en réclament (HUE, GAYSSOT). Thomas SANKARA, président du Burkina-Faso (la Haute-Volta) de 1983 à 1987, héros et martyr de la jeunesse africaine, nous donne lui une idée plus claire et plus distincte du communiste, celle du marxiste-léniniste.
Le ML ne veut rien de très compliqué:
« Notre révolution n’aura de valeur que si nous pouvons dire que les Burkinabè sont un peu plus heureux »:
La révolution c’est le bonheur. La conquête du pouvoir n’a pas d’autre but que celui d’une vie meilleure, réponse des masses laborieuses exploitées aux crimes du capitalisme impérialiste. Le communiste porte cet espoir des masses: c’est leur héros.
Le ML est incorruptible:
« Terreur et vertu », il va jusqu’au bout. Jusqu’à la mort s’il le faut: de héros il devient martyr. SANKARA fut sacrifié le 15 octobre 1987 aux vautours de la « Françafrique », lors d’un complot compromettant des responsables français (Chirac, Foccart, Mitterrand, Penne), des dictateurs africains (Houphouët-Boigny, Eyadema, Kadhafi), des services secrets, des réseaux maffieux (dont l’IS, l’Internationale Socialiste), des mercenaires (Charles Taylor) autour du traître corrompu Blaise Compaoré, aujourd’hui président milliardaire du Burkina et ami de la France bourgeoise.
Le ML s’approprie l’histoire de l’émancipation humaine et en tire les leçons nécessaires.
À l’école de Marx et Lénine, SANKARA a appliqué, en leader charismatique mais démocrate, par le centralisme démocratique, les principes du communisme: lutte contre les ennemis de classe (« le capitalisme international (…), le bourgeois en Haute-Volta »), contre l’impérialisme (lire le discours sur la dette à Addis-Abeba en juillet 1987); internationalisme avec le Nicaragua, Cuba (« une révolution-sœur »), la Palestine, les militants noirs d’Amérique (« notre maison blanche se trouve dans le Harlem noir »); organisation de la jeunesse par « les pionniers développement du secteur public nationalisé et du travail des fonctionnaires sous contrôle des CDR (Comité de Défense de la Révolution) sans nouvelle classe privilégiée; planification économique par le CNR (Conseil National de la Révolution) de grandes campagnes populaires et volontaristes (comme « la bataille du rail ») ou patriotiques (produisons et consommons Burkinabè) basées sur la mobilisation des masses. Souvent à l’avant-garde: écologiste (campagne de verdissement du sahel) et féministe (journée des hommes au marché), SANKARA le communiste africain avait 20 ans d’avance.
Le ML organise la mobilisation populaire de masse, base de toute révolution: comités de sans-culottes en 1789, soviets en 1917; au Burkina, les CDR, lieux de pouvoir populaire, remplacent police, justice et armée: c’est le peuple en arme. « Nous affirmer marxiste-léniniste… c’est quelque chose qu’il faut mériter. »: plus que tout autre, SANKARA le méritait, cet africain exemple pour les révolutionnaires du monde entier.
Pour en savoir plus:
Bruno Jaffré, Biographie de Thomas SANKARA: La patrie ou la mort…, l’Harmattan, 2008; www.thomassankara.net
Pierre Olivier Poyard
Le documentaire : Capitaine Thomas Sankara
http://www.capitainethomassankara.net/
Il y a trente ans mouraient Thomas Sankara et son rêve d’émancipation du peuple burkinabé
Le 15 octobre 1987, le jeune révolutionnaire était assassiné après quatre ans passés à la tête du Burkina Faso. Qui a tué le « camarade président » ?
Par Morgane Le Cam (Ouagadougou, correspondance)
LE MONDE Le 13.10.2017 à 22h56
Le temps a suspendu son vol. Depuis longtemps l’écriture sur les registres fanés s’est effacée. Dossiers empilés en vrac sur les étagères, bureau, fauteuils, moquette envahis du désordre de la dernière heure. L’attaque surprise a figé les cadres aux murs et les plis des tentures de théâtre jaune impérial. Au fond d’une cour, le petit bâtiment aux baies vitrées est protégé des regards indiscrets par deux policiers. A l’extérieur, des chars abandonnés et des malles kaki dégueulant de vêtements militaires. On entre ici dans une page d’Histoire aux secrets inavouables.
Dans cette pièce exiguë du pavillon Haute-Volta, au sein du Conseil de l’entente, à Ouagadougou, s’est joué, le 15 octobre 1987, le dernier acte que certains disent empreint de drame cornélien et d’autres de tragédie shakespearienne. Le meurtre d’un héros commandité par son frère d’armes, son ami de toujours, l’histoire de la chute sanglante d’un personnage illustre entraînée par l’avidité de pouvoir de quelques-uns.
Dans le couloir longeant les rideaux aux pampilles d’un autre âge, il y a trente ans, le président Thomas Sankara, 37 ans, tombait sous les balles d’un commando, avec douze de ses compagnons. La fin d’une expérience révolutionnaire inachevée de quatre années et confirmée par le coup d’État assumé, dans l’heure qui suivit, par le capitaine Blaise Compaoré. Celui-là même qui avait porté son ami Thomas Sankara à la tête du Burkina Faso, le 4 août 1983.
« C’est moi qu’ils veulent »
De la réunion du secrétariat de la présidence du Conseil national de la révolution (CNR), l’organe principal du pouvoir à l’époque, dans l’après-midi du 15 octobre 1987, il n’y aura qu’un survivant : Alouna Traoré, chargé de l’information à la présidence.
« Nous étions dans la salle de réunion n o 7. La garde du président était postée dehors. A peine ai-je pris la parole que les crépitements ont commencé. “Sortez, sortez !”, nous criait-on. Le camarade président a été le premier à sortir, les mains en l’air, en disant “C’est moi qu’ils veulent”. Les autres ont suivi. Tous ont été tués à bout portant », se souvient Alouna Traoré. Trente ans après, il ne comprend toujours pas pourquoi il est en vie.
Les identités présumées des six membres du commando sont connues. Six militaires, membres du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô, dirigé à l’époque par Gilbert Diendéré, un proche de Blaise Compaoré. Il y a deux ans et demi, une enquête judiciaire a été ouverte. Une quinzaine de personnes ont été inculpées.
Mais, au Burkina Faso, une question taraude toujours les esprits : le numéro deux de la révolution a-t-il donné l’ordre de tuer le numéro un ? Quatre jours après l’assassinat, Blaise Compaoré, que son coup d’État a porté à la tête d’un Front « populaire », justifiera ainsi ce forfait qui, il l’assure, a été commis contre sa volonté : « Informés à temps, les révolutionnaires sincères se sont insurgés, déjouant le complot de 20 heures et évitant ainsi à notre peuple une tragédie sanglante, un bain de sang inutile. »
Pour le Front populaire, cette opération au « dénouement inattendu et brusque », qui devait se solder par la simple arrestation de Thomas Sankara, était nécessaire pour sauver la révolution. Selon eux, « Thom Sank » préparait l’assassinat de Compaoré lors d’une réunion prévue ce même 15 octobre, à 20 heures.
« Ce monsieur va tous nous buter »
Une version jugée peu crédible par les proches de Thomas Sankara. « Il était tellement convaincu de son amitié avec Blaise… On ne pouvait pas le lui enlever de la tête. Le papa de Thomas disait qu’il avait deux enfants : Blaise et Thomas, raconte Alouna Traoré. Ses proches l’ont prévenu que des complots contre lui se préparaient. Ses gardes du corps lui ont dit : “Ce monsieur, il va tous nous buter.” Il a répondu que jamais Blaise ne ferait ça. »
A plusieurs reprises, ses collaborateurs lui proposent de s’occuper du cas de Compaoré. « Ma position de ne pas attaquer Blaise, de ne jamais tirer le premier sur lui, ils ne la partagent pas. […] Mais en fait, je prépare une réponse institutionnelle, mais pas une tuerie générale », dira-t-il quelques jours avant sa mort à son ami Youssouf Diawara, comme ce dernier le relate dans son livre Dernière entrevue avec Thomas Sankara.
La réorganisation et l’unification plutôt que la prise d’armes, Sankara y croit. Lors de ses derniers mois, il se retire de la gestion du pouvoir pour préparer sa « réponse institutionnelle ». Il compte sur Compaoré pour gérer les affaires. Il lui proposera d’ailleurs un poste de premier ministre, que ce dernier refusera.
En 1987, la révolution ne tient plut qu’à un fil. A Ouagadougou, des tracts orduriers ciblant Compaoré et Sankara sont distribués à la sauvette pour les monter l’un contre l’autre. A cette guerre des tracts s’ajoute une déchirure entre les organisations membres du CNR. D’un côté, les partisans de l’ouverture et de l’union des organisations, avec Sankara en tête de proue. De l’autre, ses adversaires, tenants de la « rectification », en rang derrière Compaoré.
« Tout ça, c’est de l’habillage. C’est la volonté de satisfaire des ambitions individuelles qui a tué Sankara, pas une ligne politique, dénonce Basile Guissou, trois fois ministre sous la révolution. L’explication de cet assassinat est terre à terre : c’est le gâteau. Plusieurs fois, Sankara a dit en conseil des ministres : “Il y en a qui veulent manger, moi je les en empêche. Si vous voulez manger, il faudra passer sur mon cadavre d’abord. Nous avons pris le pouvoir pour servir le peuple et non pour nous servir.” »
« Un crocodile qui se nourrit de capitaines »
Par son incorruptibilité légendaire, Sankara dérangeait les révolutionnaires de circonstance. Aux dirigeants, il imposait l’austérité, l’exemplarité. Au peuple, il demandait la participation à l’effort, physique pour les travaux et pécuniaire pour les financer.
Le radicalisme de Sankara fascinait autant qu’il agaçait. Aussi, en août 1987, reconnaît-il « la nécessité de faire une pause » dans la révolution, pour « convaincre et non imposer », comme le relate Bruno Jaffré, son biographe, dans son nouveau recueil de discours, Thomas Sankara, la Liberté contre le Destin. « Nous préférons un pas avec le peuple que dix pas sans le peuple », arguait Sankara.
La « rectification » de la révolution qui, selon ses proches, a été utilisée comme prétexte par le camp de Compaoré pour justifier une opposition politique de façade derrière laquelle se terraient des ambitions personnelles motivées par l’irrésistible envie de posséder le pouvoir. A Youssouf Diawara, Thomas Sankara dira : « Je ne crois pas à une solution politique avec Blaise. Il veut le pouvoir, il veut être le premier, et cela depuis le premier jour. »
Lui ou son entourage ? Pour certains, le retournement de Compaoré contre son frère d’armes est à chercher du côté du voisin ivoirien. En 1985, Blaise se marie avec Chantal Terrasson de Fougères, une Ivoirienne proche de Félix Houphouët-Boigny, alors président de la Côte d’Ivoire, réputé pour sa proximité avec la France et pour son anti-communisme. Les agitations révolutionnaires du petit capitaine voisin agacent le chef de l’État, qui s’est lui-même décrit comme un « crocodile qui se nourrit de capitaines ».
« Houphouët ne pouvait plus dormir à cause du régime révolutionnaire d’à côté, cela pouvait donner des mauvaises idées à la jeunesse ivoirienne, explique Fidèle Toé, ami d’enfance et ancien ministre de la fonction publique de Sankara. Ces gens-là ont cherché le maillon pour infiltrer le CNR. Ç’a été Blaise. » Et quoi de mieux qu’un mariage pour sceller une alliance ad vitam aeternam ?
Mitterrand « admire ses qualités mais… »
Sankara, persuadé que « l’impérialisme sera enterré à Ouagadougou », dérange l’extérieur. Le président François Mitterrand dira, lors de sa visite à Ouagadougou en novembre 1986, qu’il « admire ses qualités qui sont grandes, mais il tranche trop, à mon avis, il va plus loin qu’il ne faut ». La Côte d’Ivoire et la France avaient intérêt à voir Sankara chuter. Quel rôle ont-elles joué ? Fantasme pour les uns, réalité inavouable pour les autres, la question reste en suspens.
En 1987, Sankara savait sa chute aussi proche qu’inéluctable. « Je me sens comme un cycliste qui est sur une crête et qui ne peut s’arrêter de pédaler sinon il tombe », déclarera-t-il. « C’est son idéalisme qui l’a perdu, regrette Alouna Traoré. D’aucuns disaient que c’était un rêveur, qu’il n’avait pas les pieds sur terre. » Une vision partagée par Fidèle Toé : « Thomas disait de Blaise : “Nous dormons sur la même natte mais nous n’avons pas les mêmes rêves.” » Le sien, et celui de millions de Burkinabés, a pris fin ce jeudi 15 octobre 1987, à 16 h 30, au Conseil de l’entente.