Cette semaine, le 16 novembre dans toute la France, la CGT, FSU, SUD et c’est nouveau, FO, appellent à une nouvelle journée d’action contre la politique antisociale du gouvernement, notamment pour exiger le retrait des ordonnances loi travail. Une nouvelle journée qui va témoigner de la colère grandissante des travailleurs et de la nécessité de hausser le ton, de faire converger les luttes, en une manifestation nationale, à Paris afin d’impulser la grève générale.
Les syndicalistes de la CGT et de la FSU, rassemblés au sein du Front Syndical de Classe analyse la situation et fond des propositions pour un syndicalisme gagnant, un syndicalisme de classe et de masse. www.initiative-communiste.fr publie ci après le rapport du dernier conseil d’administration du FSC
Cher(es) camarades,
Suite à notre bureau du 20 octobre et à son analyse de la situation politique et syndicale, dont vous avez reçu le Compte Rendu, je ne crois pas nécessaire de revenir trop en détail sur l’offensive Macron, représentant direct de l’oligarchie connectée sur l’UE et sur l’OTAN, décidée à terminer le travail entrepris depuis plus de 30 ans pour reprendre tout ce que les travailleurs ont conquis par leurs luttes et pour formater la société pour le profit maximum.
Le contexte
Droit du travail, Sécu, services publics, logements populaires, transports, mise à mal des budgets des hôpitaux, des collectivités territoriales, suppression du tiers payant, blocage des salaires, allocations chômage…, tout doit disparaître pour permettre au capital d’accroître l’exploitation et de récupérer les milliards qui lui échappent encore grâce aux systèmes solidaires mis en place après la seconde guerre mondiale en application du programme du CNR.
Et bien évidemment, le tout dans un contexte totalitaire et anti-démocratique : rappelons que Macron n’a eu que 20 % des votants au 1er tour et qu’avec l’appui des médias et des grands groupes capitalistes qui les possèdent, il détient toutes les manettes politiques et vient de faire passer l’état d’urgence dans la loi « normale ».
Cette politique est pilotée au niveau européen pour la mise en place d’un vaste espace continental d’accumulation du capital permettant de mettre les travailleurs en concurrence et de détruire tout espace démocratique de contestation et d’expression politique des exploités. Un empire supranational à l’abri des peuples, des états balkanisés et des euros régions, une politique impériale appuyée sur les guerres impérialistes, voici la feuille de route du capital et que l’application du CETA hors de toute expression populaire résume parfaitement.
Face à cette guerre sociale sans limite, il n’y a pas pour l’heure , il faut bien le reconnaître, de mobilisation populaire à la hauteur de la situation. Alors que Macron est bien vu comme le président des riches et que ses contre-réformes par exemple sur la loi travail rencontrent l’opposition de la majorité de la population, nous avons eu depuis la rentrée une nouvelle succession de journées d’action plus ou moins bien suivies, insuffisantes bien sûr pour faire reculer le pouvoir.
Mais que manque-t-il pour créer le rapport des forces alors que depuis 1995 et jusqu’à 2016 face à la loi Travail, la combativité des travailleurs et des jeunes de France a été démontrée à de multiples reprises ?
Comment construire le rapport de force pour faire gagner les travailleurs
Ce qui pèse depuis des décennies, et cela concerne aussi bien le mouvement syndical que le mouvement politique, c’est le refus, voire le sabotage de toute perspective de classe, de toute perspective révolutionnaire.
Nous ne parlons même pas de la direction jaune de la CFDT. Nous ne dirons rien non plus de l’attitude indécente de Mailly soutenant les ordonnances et clamant dans la presse aux ordres qu’il ne manifestera jamais avec des politiques mais qui ne se gêne pas pour cultiver les rendez-vous discrets avec Macron…
Mais il faut bien parler de l’attitude de la direction CGT. Nous savons bien que la direction confédérale est traversée par la lutte entre syndicalistes sincères et ceux qui ont en 2005 essayé d’imposer le oui à la constitution européenne sous l’impulsion des Thibault et autres Le Duigou, sans même parler de leur créature Le Paon qui osait proclamer que l’entreprise était une communauté d’intérêts… Malheureusement, il faut observer que ces derniers semblent toujours tenir le haut du pavé et qu’ils impulsent toujours la même ligne, au point que Martinez pouvait déclarer récemment à la radio que « la CGT n’était pas anti-capitaliste ».
En réalité, la ligne confédérale n’a tiré aucune leçon des luttes PERDANTES antérieures (journées « saute-mouton », abandon des luttes à l’émiettement, aucun effort pour construire le blocage du profit capitaliste, aucune mise en cause de l’UE qui orchestre les régressions à l’échelle continentale, inféodation à la Confédération Européenne des Syndicats (C.E.S.) qui boycotte nos luttes, et dédain de la confédé à l’égard de la FSM). Elle refuse d’entendre les nombreux appels des bases syndicales de terrain au tous ensemble en même temps…
Au lieu de cela, la direction confédérale de la CGT a repris la vieille antienne hypocrite, chère à FO de Léon Jouhaux, André Bergeron et aujourd’hui Mailly, opposant le syndicalisme à « la » politique pour mieux refuser toute idée de grande manifestation nationale de combat à Paris .
La direction de la FSU n’a pas été plus claire que celle de la CGT : ménageant d’illusoires discussions avec ce gouvernement de guerre sociale et freinant des 4 fers l’unité de combat avec la CGT et Solidaires qui est pourtant la règle observée dans la plupart des départements.
Comment imaginer dans ces conditions que les masses des travailleurs pourraient spontanément construire un mouvement d’ensemble alors que les orga confédérées qui ont été créées pour tenir ce rôle jouent contre leur camp ?
Pourtant, de nombreux éléments porteurs d’espoirs sont à inclure dans ce panorama.
Au niveau des bases syndicales, le questionnement est majoritaire quant à la tactique des luttes, le ras de bol monte de plus en plus, des FD ou autres UD et syndicats de terrain interpellent directement Martinez et la direction confédérale, certaines fédé refusant même la journée du 16 novembre pour appler sur leurs mots d’ordre à un mouvement reconductible la semaine suivante. Ce qui signifie au passage et nous devons analyser ce fait une possible aggravation de la crise de la CGT avec peut-être une dé-confédéralisation à venir.
Dans le même temps, la Fédération Syndicale Mondiale fait d’importants progrès en France (adhésions de syndicats, d’UL et de fédés) et peut être un élément de reconfédéralisation sur des bases de classe.
Dans ce contexte, quel rôle doit être celui du FSC ?
Avant tout, continuer à jouer notre rôle d’aiguillon ou d’avant-garde idéologique pour aider les syndicalistes à identifier les obstacles qui empêchent la cristallisation de l’opposition populaire.
Depuis notre fondation, nombre de nos idées, parce qu’elles correspondent à la réalité, ont avancé et sont reprises désormais assez largement.
C’est ainsi que la phrase de Krasucki sur la régression sociale que nous avons exhumée est dans tous les cortèges, de même que le tous ensemble en même temps qui progresse avec la nécessité de la rupture avec le « syndicalisme » d’accompagnement, de dialogue social entre partenaires sociaux dont la vraie mission est de travestir en « syndicalisme » le choix de la défaite.
Il est toutefois une campagne que nous devons poursuivre et amplifier, celle concernant la popularisation de la FSM en France que nous avons été parmi les premiers et souvent les seuls en France à mettre en avant, en parallèle avec la dénonciation du discours sur « l’Europe sociale ». Ce n’est pas dans et pour la « construction » européenne, mais contre elle et hors d’elle que se construira l’Europe des luttes pour le progrès social, la souveraineté des peuples et la coopération internationale. Dans ce cadre, il est impératif de d’éclairer sans cesse sur la Confédération européenne des syndicats, appendice de l’UE pour casser le syndicalisme de lutte et laisser les mains libres au grand patronat européen.
Dans le même temps, de nouvelles problématiques apparaissent à mesure que les contradictions mûrissent.
Il est notamment un terrain qui devient un verrou objectif et une préoccupation grandissante chez de nombreux militants, je veux parler des rapports entre syndicalisme et politique et de l’unité de combat de toutes les forces politiques, syndicales, associatives prêtes à s’opposer à Macron sur des bases de classe.
Nous l’avons vu, Mailly et Martinez s’y opposent avec mépris au nom de l’indépendance syndicale et du chacun chez soi. Pourtant, nous le savons bien, l’indépendance syndicale, c’est d’abord par rapport au patronat, aux gouvernements successifs, à l’UE et à sa courroie de transmission « syndicale », la C.E.S., qu’il faut la reconquérir, et non en opposant les militants syndicaux, politiques et associatifs de la classe laborieuse qui doivent unir leurs efforts face au bloc agressif du MEDEF, de l’UE et du gouvernement.
En effet, ni le politique ni le syndical ne détiennent seuls la clé et aucun des deux ne l’a jamais emporté seul. Toutes les grandes avancées de notre classe (début du siècle, 36, 45, 68…) ont été arrachées à l’époque où le syndicalisme de classe CGT et les militants ouvriers de classe, alors principalement regroupés dans le PCF, portaient ensemble, chacun avec sa spécificité, les revendications de l’ensemble de notre classe.
En réalité, opposer syndicalisme et politique, c’est tout simplement se rallier à l’un des fondements de la scission de 1947 et de la création de FO avec le soutien de la CIA : construire une « syndicalisme indépendant », c’est-à-dire déconnecté des communistes et des aspirations populaires et directement connecté sur les intérêts capitalistes.
Pour aller plus loin encore, la CGT ou la FSU se réclament explicitement de la charte d’Amiens de 1906, et il faut les prendre au mot pour rappeler ce qu’elle contient concernant la double besogne, bien loin de ce que Martinez a pu dire sur la CGT pro-capitaliste :
- « Le Congrès précise, par les points suivants, cette affirmation théorique : dans l’œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs (…) . Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme : d’une part il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste, et d’autre part, il préconise comme moyen d’action la grève générale. »
On voit dans cette déclaration le poids de l’anarcho-syndicalisme à l’époque qui ne jure que par la grève générale et l’action du syndicat. Néanmoins, nous pouvons nous-aussi prendre au mot cette charte d’Amiens en développant l’idée que la première besogne sans la seconde condamne le mouvement syndical à aller de recul en recul comme c’est le cas depuis des années et que, pour la seconde et l’expropriation capitaliste, on doit cibler bien sûr la propriété des entreprises mais aussi l’État comme appareil de domination d’une classe sur les autres, autrement dit la politique, la question du changement de la société et de la constitution d’un pouvoir populaire.
C’est bien une campagne de grande ampleur que nous nous proposons de lancer sur ce thème, qui nous permettra aussi de cibler le syndicalisme ressemblé et les fausses divisions qui finissent par faire croire qu’une organisation syndicale de classe pourrait s’associer avec une organisation syndicale jaune mais jamais marcher côte-à-côte avec une organisation politique de classe !
Dans l’immédiat, retroussons nos manches pour assurer la réussite du 16 novembre.
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