par Georges Gastaud – 13 novembre 2017
En l’absence de tout critère anticapitaliste ou anti-impérialiste permettant de classer objectivement les régimes politiques existants, les médias français – y compris ceux de la fausse gauche – encensent le nouvel homme fort de Riyad, le prince Mohammed Ben Salman, souvent présenté comme « le fils préféré du roi Salman ». Courtisé par Macron, ce chouchou du vieux roi actuel est crédité par nos médias d’un immense mérite : il ouvre des cinémas et permet aux femmes de conduire une auto… Mais surtout, comme tous ses prédécesseurs richissimes et belliqueux, Ben Salman commande périodiquement des montagnes d’armes au complexe militaro-industriel « français », celui-là même qui détient 90% des grands médias chez nous…
Mais derrière ce ravalement « moderniste », au demeurant plus scénarisé que réalisé, le caractère ultra réactionnaire et FONCIEREMENT BELLICISTE du régime saoudien s’aggrave. En réalité, dans le sillage de Trump (qui a remis en cause l’accord sur le nucléaire iranien et qui prépare la guerre totale contre l’Iran), le nouvel « homme fort » du royaume saoudien est engagé…
- A l’intérieur de son pays, dans une politique continûment répressive contre les travailleurs, privés de tous droits (de se syndiquer, de faire grève, de manifester…), contre les intellectuels progressistes, emprisonnés, voire fouettés et torturés, contre la masse des femmes, toujours réprimées et traités en mineures, voire actuellement contre les rivaux de « MSB » au sein de la clique monarchique ;
- A l’extérieur, dans une politique de confrontation totale avec l’Iran, et plus généralement avec les populations et mouvement chiites du Proche-Orient, à commencer par l’Etat syrien (celui-ci est dirigé par des Alaouites, une branche du chiisme) et par le Hezbollah libanais, dont on sait le rôle anti-impérialiste qu’il a joué, aux côtés du PC libanais, contre les agressions à répétition d’Israël. C’est à cette aune anti-iranienne, anti-syrienne et pro-yanqui, voire pro-israélienne, que, semble-t-il, il faut « lire » le soudain départ pour Riyad de l’ex-premier ministre libanais Hariri : ce milliardaire sunnite, proche de la monarchie saoudienne, ne cache pas son objectif, qui est d’isoler le Hezbollah et de l’obliger à « lâcher » la Syrie alliée à l’Iran… et à la Russie.
On connaît également la manière dont Riyad a écrasé le « printemps arabe » au Bahreïn ; et l’on voit comment l’armée saoudienne armée, entre autres, par la France, écrase aujourd’hui sous les bombes le Yémen, un ex-pays d’orientation socialiste dont la population comporte en outre une minorité chiite redoutée par la pétromonarchie saoudienne. Riyad a tout fait par ailleurs pour déstabiliser la Syrie (dirigée par des Alaouites, comme nous l’avons dit, mais constitutionnellement… laïque et favorable à une certaine mixité, comme l’était aussi l’Irak « sunnite » avant l’invasion US). Quitte à armer contre Damas les pires intégristes… ceux-là même dont nos hypocrites dirigeants français disent combattre les attentats terroristes sur notre sol. Évidemment, les maîtres « musulmans » de Riyad ne voient aucune contradiction à écraser leurs frères mahométans du Proche-Orient et à s’acoquiner avec les « mécréants » d’Israël et de Washington sur fond de tractations financières et pétrolières et de manipulation à la baisse du prix du pétrole* : décidément, le dieu Dollar est grand !
Honte à Macron et aux impérialistes occidentaux qui, pour de sordides raisons de classe, fraient en permanence avec le régime grossièrement esclavagiste, misogyne, féodal et belliciste de Riyad, qui, avec l’Oncle Sam, l’Europe allemande, l’État colonialiste israélien et le Japon négationniste de Shinzo Abé, est un des cinq principaux piliers de l’ordre capitaliste mondial. Alors que le même Macron, qui vend la France à la découpe aux émirs du Qatar, d’ Abou Dabi, etc., n’a de cesse d’inventer toutes sortes de prétextes pour pourfendre les régimes progressistes d’Amérique latine*…
En tout cas, que les vrais progressistes de France ne se laissent pas duper par le ravalement de façade opéré par Ben Salman… Ce personnage machiavélique applique ici, manifestement, le mot d’ordre que l’écrivain italien Lampedusa mettait dans la bouche d’un de ses héros, le prince sicilien surnommé le « Guépard » : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ». En italien : « Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi. »
*dans le but non dissimulé de torpiller les économies russe et vénézuéliennes, qui sont largement tributaires de leurs exportations d’hydrocarbures.