Le Monde titre : La crise politique en Allemagne est une très mauvaise nouvelle pour l’Europe.
On pourrait donc légitimement se dire que c’est une bonne nouvelle pour les peuples d’ Europe.
Le Monde étant le porte-parole de la fraction la plus européiste du grand capital, et l’affaiblissement le l’impérialisme germanique étant en soi une bonne nouvelle, il est légitime de s’interroger.
Comme toujours les choses sont un peu plus complexes.
Première donnée : le pays donné comme modèle par tous les politiciens (vraie droite, fausse gauche, fachos confondus), les médias, les experts et autres « élites » auto-proclamées est en crise politique ouverte.
Cette crise qui s’exprime politiquement est déterminée en grande partie par la crise du capitalisme qui frappe aussi l’ Allemagne. Depuis Schröder, le chancelier social-démocrate qui mis en œuvre les loi Hartz, le peuple allemand vit les conséquences de cette politique ultra-libérale : salaires bas, précarité, services publics en capilotade… Certes le grand capital allemand se porte bien mais certainement pas les travailleurs même si le « syndicalisme de service » qui fait saliver la CFDT permet à certains secteurs économiques, ceux dans lesquels est concentrée l’aristocratie ouvrière (elle-même de plus en plus « cernée ») d’atténuer la rigueur de la purge. Reste que cette société allemande connait des inégalités profondes, que la domination du grand capital y est aussi rapace qu’ailleurs, que tout l’Est du pays, les « Ossies » de l’ex-République démocratique allemande, reste profondément discriminé et marginalisé.
Deuxième donnée : l’affaiblissement du noyau dirigeant de l’ UE est en effet une bonne nouvelle. Il est vrai que l’UE rejetée de plus en plus nettement par les peuples et que ses dirigeants cherchent des solutions à ce rejet massif. Macron et Merkel voudraient approfondir encore la dimension supranationale et antidémocratique de l’ UE et son intégration à l’ensemble euro-atlantique en particulier à travers l’ OTAN, l’armée européenne et le « gouvernement de la zone euro ». Mais une telle politique nécessite l’assentiment d’une base de masse qui fait défaut autant au gouvernement allemand que français. En outre, toute une partie du grand patronat allemand – qui prêche la supranationalité aux autres pays mais qui campe sur des positions franchement nationalistes pour la RFA, refuse de payer le prix de ces « coopérations renforcées » et veut aggraver les asymétries existantes : à la RFA le pilotage global au nom de la « bonne gouvernance européenne », à chaque pays vassalisé l’obligation de régler par lui-même les énormes déséquilibres produits par l’alignement sur le mark des monnaies plus faibles, franc, lire, peseta, etc.. La crise politique de la CDU-CSU dans sa recherche d’alliances avec les Libéraux et les Verts démontre la difficulté de trouver un consensus même parmi la caste dirigeante qui reste encore sous la pression du vote des électeurs. Bref que Macron enrage de voir sa suzeraine Merkel obligée à des mois de négociations pour parvenir à former son gouvernement et accélérer la marche vers le Saint Empire Germanique est plutôt encourageant pour les progressistes internationalistes et patriotes : quand ceux d’en haut se disputent, des espaces s’ouvrent pour « ceux d’en bas »… et l’illusion mortifère d’une Europe « sociale », « démocratique », d’une « coopération à égalité entre Paris et Berlin », recule d’autant dans les consciences.
Troisième donnée : une situation de crise n’ouvre pas nécessairement une perspective progressiste. Les dernières élections législatives ont été marquées par l’affirmation d’un courant d’extrême-droite, l’ AfD (Alternative für Deutschland) dont l’essentiel des députés sont de francs nostalgiques du Grand Reich. Et des élections législatives après cette période de crise politique pourraient favoriser l’ AfD. Mais ce raisonnement s’il peut avoir une traduction concrète, a la faiblesse de ne pas analyser le pourquoi d’une telle situation dans un pays aussi puissant et aussi riche que l’ Allemagne fédérale. Pourquoi la vraie gauche allemande et nos camarades communistes en première ligne ne parviennent-ils pas à construire une véritable alternative progressiste ? Pourquoi la colère sociale s’exprime-t-elle par un vote en faveur de l’ AfD ? La criminalisation du communisme, le flot de propagande déversée contre la RDA, la dérive droitière et opportuniste de Die Linke avec à sa tête des anti-communistes patentés comme Gisy, un syndicalisme de collaboration de classe, des communistes frappés depuis des décennies par une répression ouverte ou sournoise, la dépolitisation qu’entraînent les « grandes coalitions » SPD-CDU pour faire la même politique au service des intérêts du grand capital, tout cela créé un écosystème politique peu favorable aux forces progressistes.
Reste qu’avant d’arriver aux élections il est possible d’assister, une fois encore, à la constitution d’une nouvelle « grand coalition » de la droite avec les sociaux-démocrates sous le prétexte fallacieux de barrer la route à l’ AfD. Ici aussi nous connaissons cette musique qui a amené des gogos mais aussi des capitulards, comme les dirigeants du PCF, à appeler à voter Macron pour, prétendument, barrer la route au FN… alors qu’à peine intronisé, Macron s’est empressé de perpétuer l’état d’urgence liberticide en l’inscrivant dans le marbre de la loi. Alors que c’est justement les politiques menées par les Macron, Schröder, Merkel qui aggravent chaque jour la fascisation et qui ouvrent les portes au fascisme.
Reste que nous devons soutenir nos camarades communistes, présents le 4 novembre dernier à notre meeting célébrant les 100 ans d’ Octobre 1917, qui dans des conditions idéologiques et politiques très difficiles tentent de desserrer l’étau qui étouffe l’Allemagne : la domination du grand capital impérialiste et l’UE prison de tous les peuples d’ Europe. Que l’impérialisme allemand soit le chef d’orchestre de l’UE n’empêchera pas les travailleurs allemands de se souvenir du message de Karl Liebknecht « L’ennemi principal est dans ton propre pays », et pas davantage les travailleurs français de soutenir le prolétariat qui a donné au monde Marx, Engels, Clara Zetkin et Rosa Luxembourg