Dans le plus grand secret et le silence des médias des milliardaires, le régime Macron s’attaque au lycée et à la réforme du BAC. Une réforme du BAC et du Lycée dont les détails devraient être finalisés d’ici la fin du mois de janvier, mais en réalité une réforme écrite de longue date. Une réforme du BAC en période de soldes qui prépare de fait la casse du lycée et est la poursuite au niveau de l’enseignement secondaire de l’entreprise de casse sociale lancée avec les lois Macron, El Khomri et ordonnances loi travail d’une part et la mise en place de la sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur et de l’Université. À Initiative Communiste ne se taira pas sur cette question majeure pour l’avenir de la jeunesse et du pays et donne la parole à Philophile (*) responsable syndicale en lycée qui explique les tenants et les aboutissants de cette réforme du Bac
La réforme du BAC en période de soldes
Le lycée qui accueillera les élèves de seconde en septembre 2018 pour les préparer au baccalauréat en 2021, ne ressemblera plus du tout à ce que vous avez connu ! Tout a commencé dès l’automne 2017 avec l’annonce de la nouvelle procédure d’affectation post-bac. Retour sur le hold-up du siècle.
L’effet domino.
Phase 1. Sous-dimensionner l’enseignement supérieur
L’enseignement supérieur étant notoirement sous-dimensionné pour accueillir le flot grossissant des lycéens, il fallait à tout prix ‘’réformer’’ le mode d’affectation des bacheliers vers les formations universitaires ( à lire ici notre article sur Admission Post-Bac et la sélection à l’Université). C’est chose faite depuis l’automne. Dès 2018, les lycéens auront le droit de ‘’choisir’’ les formations qui, en définitive, choisiront de retenir leur candidature (ou pas…).
Cette sélection dictée par la pénurie de places, sera donc désormais universelle, renforçant ainsi la marginalisation des classes populaires dans la population étudiante.
Phase 2. Supprimer l’examen national du baccalauréat
Le baccalauréat peut ainsi être « allégé » : réduction du nombre d’épreuves (réduisant par la même occasion les volumes horaires disciplinaires…), augmentation du contrôle local (renforçant les inégalités géographiques et donc sociales…).
Le bac cesse de facto d’être le premier grade universitaire – examen dont la réussite donne un droit égal d’accès à l’enseignement supérieur – pour se réduire à un simple diplôme de fin d’études secondaires (simple condition nécessaire et non suffisante, de l’accès à la fac), diplôme dont le caractère national et identique est par ailleurs remis en cause.
Qui plus est, le BAC et les diplômes nationaux sont la base de l’égalité de droits et de salaires des salariés puisqu’ils sont le référentiel servant de base à l’établissement des grilles des conventions collectives et des statuts de la fonction publique.
Phase 3. Réformer le lycée en machine à sélectionner
Le lycée n’a donc plus qu’à s’adapter à son nouveau rôle : assurer officiellement la sélection (sociale) à l’entrée de l’enseignement supérieur, en réduisant au passage le volume horaire d’ 1 / 6e comme cela est annoncé et par la même occasion, en supprimant 24 000 postes ( soit 1 / 6e des 142 000 enseignants en lycée)…
Réforme du lycée, casse du bac : un processus de Bologne à l’échelle des lycées.
Lancé depuis l’université italienne de Bologne en 1999, l’UE s’est dotée d’un processus d’harmonisation de son enseignement supérieur (semestrialisation, LMD, crédits d’enseignements ECTS), visant à s’imposer dans une soi- disant économie internationale de la connaissance. Ce processus, aussi connu sous le nom de stratégie de Lisbonne (2000), prend sa source au début des années 80. Il s’agit alors de transformer le champ des savoirs (à vocation émancipatrice) en un supermarché des compétences (permettant des profits). Depuis 1983, la table ronde des industriels européens (l’ERT) y joue, auprès de la commission européenne, un rôle majeur – comme le soulignent depuis bientôt 30 ans, quelques observateurs avertis. Ce processus en apparence généreux (offrant la possibilité aux étudiants de voyager), cherche de nouvelles marchandises à se mettre sous la dent. L’enseignement à distance, la formation tout au long de la vie, la certification payante de compétences, sont ses véritables objectifs, offrant ainsi des cerveaux employables, mobiles, et déjà endettés… au marché du travail. L’autonomie des universités (loi LRU), la réforme du collège, la sélection à l’entrée de la fac (loi Vidal) et bientôt, la libéralisation des frais d’inscription… parachèvent le dispositif.
Reste à décliner la chose au niveau des lycées, ce à quoi s’emploie notre ministre actuel en alignant le lycée et le baccalauréat sur les standards internationaux et européens : semestrialisation, recentrage sur 4 épreuves terminales, contrôle continu à l’allemande, modularité à l’anglaise, grand oral à l’italienne, un zeste de philosophie à la française et tri social universel… Le lycée de demain sera donc euro-compatible, quoi de plus naturel en somme pour un gouvernement euro-constructif ? D’où les hésitations syndicales actuelles, devant un projet qui risque de faire passer la ligne de faille, non pas entre, mais au sein même des appareils syndicaux, à l’instar de ce qui s’est produit en 2017 dans le paysage politique français.
Réduire les enseignement de près de 20% : un effet de seuil dramatique pour les lycéens
La réduction des horaires disciplinaires au lycée, dans la continuité de la dernière réforme du collège, risque de produire un effet de seuil (un saut qualitatif) encore plus radical que celui engendré par la montée en charge des effectifs des élèves dans les classes depuis que les politiques d’austérité s’invitent rue de Grenelle. Par exemple, la philosophie qui constitue une spécificité française héritée des lumières, semble préservée, elle ferait partie des 4 épreuves universelles maintenues à l’issue de la terminale. Mais on nous annonce dans le même temps que le volume horaire obligatoire qui lui serait alloué (dans un tronc commun), risque fort d’être anecdotique, laissant le choix aux lycéens d’approfondir cet enseignement sur un mode optionnel. Mais le choix des options (appelées majeures ou mineures dans un enseignement de spécialisation), sera dicté par les attendus de l’enseignement supérieur, lui même déjà largement gagné à une logique utilitariste. Bref, c’est un enterrement de première classe pour toutes les disciplines émancipatrices qui ne rentreront pas dans une stratégie efficace de poursuite d’études…
Gageons que la riposte des intellectuels sera à la hauteur des enjeux, comme les états généraux de la philosophie à la Sorbonne en 1979 avaient su le faire. Alors à quand des états généraux interdisciplinaires ?
Philophile
(*) pour des raisons que l’on comprend bien Philophile a souhaité s’exprimer sous pseudonyme