LE PRCF DEFEND L’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE, TRES MENACÉE MALGRÉ LES APPARENCES PAR LA CONTRE-REFORME BLANQUER DU LYCÉE ET DU BACCALAURÉAT.
DANS CET ESPRIT, nous publions l’intéressante analyse produite par le secteur philosophie du SNES-FSU, le Syndicat national des enseignements de Second degré qui appelle à la grève le 22 mars.
Pour ceux qui refuseraient d’ouvrir les yeux, préférant faire l’autruche aux risques de « transformer les lanceurs d’alerte en Cassandre, à défaut d’écouter les syndicalistes et militants du PRCF qui ont analysé en détail la réforme Blanquer (lire ici), qu’ils écoutent donc ce qu’en disent les idéologues du régime Macron UE MEDEF. Confirmant en tout point ce sur quoi alerte le SNES. Tel l’édito de JF Pécresse dans le très patronal journal Les Échos.
« les effets de cette réforme seront nécessairement plus profonds, pour les enseignants et les établissements » (…) « c’est la demande d’enseignement qui va déterminer l’offre des enseignants, donc leur volume horaire. Un renversement complet du modèle actuel, dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences. Temps de travail des professeurs, pluridisciplinarité, nombre d’élèves par classe, organisation des établissements : c’est un vaste maelström qui se prépare dans l’Éducation nationale » « l’annualisation du temps de travail des enseignants, sujet tabou depuis 1950, qui a enfin une chance d’être inscrite au tableau. Faute d’enseignants suffisants pour répondre à la demande, notamment dans les nouvelles disciplines voulues par le ministre de l’Éducation nationale, c’est la question de la bivalence des professeurs qui va devoir être posée, autrement dit leur capacité à enseigner deux matières. Enfin, puisque tous les lycées ne pourront pas assurer l’intégralité de l’offre nouvelle, l’État risque fort de devoir regrouper plusieurs établissements en « petites universités » dans lesquelles les lycéens devront se rendre pour suivre différents cours »
Lycées à deux vitesses, fermetures de lycées, suppression du statut des enseignants, suppression des disciplines. La réforme Blanquer, en s’attaquant au Bac vise en réalité à casser le lycée public et l’éducation nationale, pour aller vers un enseignement secondaire privatisé, mettant en concurrence les établissements qui chacun délivreront une certification maison. Elèves et enseignants seront les grands perdants de ce système impulsé par l’Union Européenne, voulant transformer l’école et l’éducation en une « économie de la connaissance », c’est-à-dire un marché rentable pour les multinationales.
La philo dans les réformes Blanquer-Vidal une « ambition » à moyens constants, qui risque de coûter cher…
Vouloir raboter l’horaire de la philosophie en série littéraire n’est pas une nouveauté. On se souvient de tentatives avortées (réforme du lycée de 92-94) ou très vite suspendues (réforme du lycée de1999-2001). Mais personne n’avait encore osé la suppression pure et simple de la série L, en divisant par deux les 8 heures de philo qui en sont l’une des spécificités…
Certes, notre ministre affiche une « ambition » pour la philosophie, promue épreuve universelle du bac 2021 (mais n’est-elle pas déjà une épreuve commune à toutes les séries ?), qui à ce titre, bénéficierait d’un enseignement de 4h dans le tronc commun des séries générales. Mais les mauvais esprits feront remarquer que cette promotion ne changera rien pour plus de la moitié de nos élèves de terminale suivant actuellement un cours de philosophie. En effet, les séries technologiques (soit 30% des élèves) seront toujours sous le régime scandaleux de la réforme Chatel de 2012, qui les prive d’un horaire dédoublé obtenu de haute lutte en 1994… Quant aux élèves de la série ES (soit 24%), ils conserveront dans le tronc commun, l’horaire qui est déjà le leur (4h/semaine).
La subtilité de la réforme Blanquer, consiste à accorder aux professeurs de philosophie ce que demandent à juste titre les associations professionnelles depuis des lustres : un horaire plancher de 4h de philo par classe et pas plus de 4 classes par enseignant. Le hic, c’est que ces 4h risquent désormais d’être aussi un… plafond. En effet, il y a approximativement 3 terminales S pour une seule TL (respectivement 37.6 % et 11.5 % des élèves en LEGT). L’économie réalisée sur l’horaire de L (moins 4h) permettra donc de financer – à moyens constants – la 4e heure dans ces 3 classes de S (absorbant ainsi les 3/4 de l’horaire raboté) et dégagera un faible reliquat horaire pour la spécialisation « humanités-lettres-philo ». Outre que la répartition horaire, dans ce bloc « littéraire » de 6h n’est pas précisée (1h de latin ? + 2 h de littérature ? + 3h de philo ? ou 1h ?+ 3h ? + 2h ?), le ministère aurait-il déjà prévu que cette option ne s’adresserait plus qu’à 1/4 des élèves actuellement en filière L (sauf à créer des postes aux concours externes au lieu d’en supprimer) ?
S’ensuivra une dégradation prévisible des conditions de travail des professeurs de philosophie, confrontés désormais pour les plus chanceux, à 4 classes de tronc commun de 35 élèves (soit 140 élèves), les autres ayant le privilège de continuer à enseigner dans les séries technologiques non dédoublées… Cerise sur le gâteau, les correcteurs du bac s’y colleront deux fois pour le prix d’une (épreuve locale de janvier + épreuve finale de juin).
Ajoutons que cette réforme à moyens constants se fait sur fond d’une baisse constante de moyens. Nous marchons sur un tapis roulant qui… recule. Depuis l’application à l’éducation des politiques d’austérité inaugurée par Claude Allègre en 97 (visant à « dégraisser le mammouth »), nous reculons ! Le nombre de professeurs de philo (comme des autres disciplines) n’a cessé de décrocher de l’évolution démographique des élèves depuis le tournant des années 2000. À taux d’encadrement égal depuis la rentrée de septembre 2000, il manque aujourd’hui 1 prof de philo sur 10 (sources, RERS 2001, 2002, 2017).
Enfin, les milieux les plus hostiles à la fonction publique se frottent déjà les mains, voyant dans ce lycée modulaire ouvert aux vents mauvais du contrôle continu, un cheval de Troie contre le statut de la fonction publique (annualisation du temps de travail, etc.), l’ouverture aux certifications privées et payantes en tous genres et la mise à mal d’un diplôme national indispensable aux conventions collectives (et au droit du travail)…
Mais les réformes Blanquer-Vidal font système, et c’est là que réside la principale offensive contre l’esprit des lumières qui anime l’enseignement de la philosophie. Il y va de la signification d’un enseignement comme du sens d’un mot dans une phrase (comme dirait l’autre). C’est l’ensemble des interactions latérales des parties avec le tout qui décide du sens de chacune d’elles. La signification de l’enseignement de la philosophie n’est donc ni immanente, ni transcendante, mais latérale. Aussi, dans un lycée transformé en plateforme de tri, où chaque heure de cours devient un investissement pour se valoriser dans la compétition de tous contre tous, le temps du loisir cède le pas à celui du négoce.
Une ambition qui risque donc de coûter très cher ! Aussi, le SNES-FSU appelle à des assises nationales de l’enseignement de la philosophie autour des 14-16 juin (nous y reviendrons).
Le groupe philo.
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