Face à la remontée des résistances populaires qu’a marquée la journée de lutte du 22 mars et qu’amplifieront sans doute les grèves et les manifestations prévues pour avril-mai-juin, le mouvement populaire doit déjouer plusieurs pièges visant à le neutraliser, à le diviser et à le décourager :
Sur le plan des luttes sociales, il faut dénoncer la manœuvre des états-majors confédéraux inféodés à la « construction » européenne via la C.E.S.
Ils tendent en effet à minimiser l’implication centrale de l’UE dans la casse sociale en cours. Or, c’est sur sommation directe de l’UE que Macron veut libéraliser et privatiser le fonctionnement des chemins de fer et, dans cette perspective, détruire le statut des cheminots comme ont déjà largement été détruits et privatisés (sous le gouvernement Jospin-Voynet-Gayssot et sous les gouvernements maastrichtiens ultérieurs) Air France, France-Télécom, la Poste, GDF, EDF, et, comme risque de l’être tout prochainement l’Office National des Forêts. Or, non seulement les directions confédérales et certaines directions syndicales fédérales minimisent la responsabilité de l’UE, mais elles mettent l’accent sur l’idée que Macron « déborde » la circulaire européenne, laquelle n’exigerait pas explicitement la destruction du statut. Cela revient d’une part à faciliter la manœuvre de division de Laurent Berger (CFDT), qui appelle à troquer le maintien du statut contre l’acceptation syndicale de l’euro-privatisation, et à oublier que partout où le statut nationalisé d’un monopole d’Etat a été supprimé, le statut des agents a été mis en extinction rapide quand les agents restés sous statut ne sont pas devenus eux-mêmes la cible privilégiée du harcèlement patronal (cf les suicides d’agents à France-Télécom devenu « Orange »). En réalité, le statut des personnel, le caractère nationalisé de l’entreprise et son ancrage dans l’idée républicaine de « service public » forment un ensemble cohérent conçu comme tel par les ministres communistes de 1945. Si bien que troquer le maintien du statut contre l’euro-dépeçage « en douceur » de l’entreprise ne saurait être qu’un marché de dupes sur le dos des travailleurs et de la nation.
Il est particulièrement inquiétant que, dans ce cadre, le bureau confédéral de la CGT ait procédé à un amalgame scandaleux, et qui peut préluder à une indigne chasse aux sorcières dans les manifestations, quand il a appelé le 22 mars à la Une de son site national, non seulement à exclure des cortèges CGT les provocateurs du FN (bravo !), mais tous les militants du « FREXIT », comme si la contestation progressiste de l’UE, qu’ont jadis portée feus nos camarades Benoît Frachon, Georges Séguy, Henri Krazucki et autres héros cégétistes et communistes de la lutte antifasciste, pouvait se comparer à la xénophobie d’une Le Pen (laquelle se prononce d’ailleurs contre le Frexit !). Constatant que les travailleurs sont de plus en plus sensibles à leurs arguments en faveur des « quatre sorties » (de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme), les militants du PRCF ne se laisseront pas intimider. Non, la C.E.S. et ses pseudopodes hexagonaux ne sont pas propriétaires de l’espace public en France ! Le PRCF invite donc les syndicalistes épris de démocratie à condamner cette exclusive de type pré-maccarthyste, qui menace l’avenir du débat stratégique sur l’UE dans le mouvement social et syndical.
Bien entendu, la condamnation de l’UE ne justifie en rien que soit minimisée l’écrasante responsabilité de Macron-Thatcher dans la régression sociale en cours. En tant que copilotes de l’UE supranationale aux côtés de, et sous la houlette d’A. Merkel, ce président mal élu (18% des inscrits au 1er tour, moins de 44% des inscrits pour le parti présidentiel au second tour des législatives) et son gouvernement brutalement européiste et patronal sont des acteurs centraux de la casse sociale ET nationale. A l’inverse, c’est désarmer le mouvement populaire que de ménager grossièrement l’UE, que de mentir sur elle par omission et que de cacher aux travailleurs, de moins en moins dupes d’ailleurs, la nocivité structurelle d’une « construction » européenne qui orchestre les régressions à l’échelle continentale. Il est impossible de fédérer les luttes des services publics sans dénoncer l’UE et l’euro, cette austérité continentale faite monnaie, comme il est impossible de fédérer les travailleurs du privé, les retraités, les fonctionnaires, les chômeurs et les étudiants si l’on ne remonte pas à la racine commune des privatisations, de l’austérité et des délocalisations, cette « construction » européenne du grand capital qui est en tous points antinomique des conquêtes sociales obtenues dans le cadre national en 36, 45 et 68.
Sur le plan de la stratégie des luttes, il faut promouvoir tout ce qui peut aider à surmonter les clivages public/privé, actifs/retraités, salariés/chômeurs, lycéens/étudiants, pour construire le tous ensemble en même temps,
non pas pour promouvoir l’illusoire « dialogue social » avec ce pouvoir de brutes, mais pour FAIRE GAGNER les revendications. Il faut balayer l’attentisme de ceux qui répètent que « la grève générale ne se décrète pas », en rappelant qu’il y a un gouffre entre ce constat trivial et l’engagement de tous les vrais syndicalistes de combat à faire converger les luttes, à mettre en place des AG de lutte, à défendre solidairement les AG de lutte étudiantes agressées par les fascistes ou par l’Etat policier (Montpellier, 22 mars), à favoriser l’émergence d’AG de luttes interpro et à décider partout la grève reconductible quand la situation le permet.
Dans cet esprit le PRCF est favorable à l’idée d’une grande manifestation nationale un dimanche ou un samedi du printemps 2018 contre l’ensemble de la politique antisociale et antinationale de Macron, pour le retrait de l’ensemble des contre-réformes, pour appeler ensemble à la grève générale reconductible contre elles, sans opposer la composante syndicale aux composantes politique et associative du mouvement populaire et sans se mettre pour autant à la remorque des initiatives politiciennes qui visent à ressusciter la « gauche plurielle » en « oubliant » opportunément de cibler la question de l’Europe…
Dans cet esprit, le PRCF et les JRCF appellent leurs militants, qui ont été présents et actifs dans toutes les manifs du 22 mars 2018 (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Amiens, Boulogne-sur-Mer, Annecy, Nice, Grenoble, Albi, Rennes…), à diffuser au moins 100 000 tracts nationaux sur les manifs, dans les campus et à la porte des entreprises, d’ici au 14 juillet 2018.
Le PRCF propose aussi, dans cet esprit, à faire du 29 mai 2018, anniversaire du Non populaire français à la constitution européenne, une journée nationale de lutte contre l’euro, l’UE et l’OTAN dans la perspective du « Frexit progressiste » : avec d’autres mouvements clairement antifascistes, antiracistes, patriotiques, progressistes, communistes ou non communistes, organisons localement un maximum de prises de position publiques : conférences de presse, débats, prises de paroles en des lieux symboliques, etc.