Congratulé par Frau Angela en personne, Macron vient d’obtenir le Prix Charlemagne qui récompense chaque année le serviteur le plus zélé de la « construction » européenne.
Et certes, le DRH élyséen de l’UE aurait difficilement pu obtenir le Prix Vercingétorix, s’il eût existé, car Macron n’est pas vraiment du genre à fédérer au péril de sa vie l’insurrection des peuples de Gaule contre on ne sait quel empire colonisateur…
Difficile aussi d’attribuer à Sir Emmanuel une quelconque Médaille Jeanne d’Arc, car il ne semble pas que la Bonne Lorraine ait jamais rédigé ou dicté en anglais ses appels à libérer le territoire encore mal défini de ce qui n’était alors qu’une nation en gestation.
Bien entendu, pas de Prix Robespierre, ni de Prix Louise Michel, s’ils existaient ; car Macron est un grand promoteur du « Pacte girondin » (c’est-à-dire de la mise à mort de la République une et indivisible au profit d’une länderisation du pays). En outre, le « républicain en marche (arrière) » qui dirige notre pays a osé déclarer sans rire que « Versailles fut parfois l’ultime refuge de la République » : en clair, vive la sanglante mémoire d’Adolphe Thiers, chef des versaillais et grand massacreur « républicain », comme chacun sait, de trente mille ouvriers communards…
Pas davantage de Prix Ambroise Croizat pour Macron puisque le proconsul « jupitérien » de Bruxelles s’acharne sur les acquis du CNR mis en place par les ministres communistes de 45 : statuts, code du travail, conventions salariales nationales, Sécu, nationalisations, retraites par répartition, etc.
Enfin, surtout pas de Prix Aristide Briand ni de Prix Jean Jaurès puisque Macron a cyniquement violé, en allant courtiser et haranguer les évêques de France, l’Article II de la Loi laïque de 1905 qui dispose que « la République ne salarie ni ne reconnaît aucun culte ».
Au final le Prix Charlemagne obtenu par l’actuel chef de l’exécutif est assez mérité : adoubé par le Pape à la Noël de l’An 800, grand pourfendeur de Sarrasins et autres envahisseurs musulmans, la figure de proue de la « Carolingie » n’aura construit ni un État-nation ni une République laïque, mais un Empire clérical ancêtre du St-Empire romain germanique. Toute ressemblance avec l’actuelle Europe allemande dirigée par des féodalités financières NE serait donc PAS pure coïncidence…
En réalité, pour jeter les bases de la France proprement dite, il aura fallu qu’à la fin du 10ème siècle, un petit noble francilien de langue romane répondant au sobriquet d’Hugues Capet affronte la dynastie carolingienne déclinante qui abandonnait alors l’Ouest de la « Francie » aux invasions vikings. Puis que patiemment, le pouvoir capétien centré sur Paris triomphe des grands féodaux, des empires et des monarchies environnants. Il dut pour cela s’allier bon gré mal gré avec la bourgeoisie révolutionnaire des « jurées-communes » (un bloc historique avant la lettre que scella Philippe-Auguste à Bouvines en 1214), elle-même alliée (provisoirement) au petit peuple urbain des artisans et des compagnons. Pas tout à fait étonnant si le mot « commune » parcourt comme un fil rouge, certes souvent rompu par la classe dominante, toute l’histoire frondeuse de notre pays, du bourgeois parisien rebelle Étienne Marcel s’alliant à la Grande Jacquerie du Nord en 1358 à la Commune de Paris, première dictature du prolétariat de l’histoire mondiale en passant par la Commune révolutionnaire qui défendit jusqu’au bout la République jacobine et Sans culottes.
Étonnez-vous après cela que Macron préfère à la souveraineté nationale la « souveraineté européenne » centrée sur Berlin, à « la rue » si remuante l’allégeance permanente à Trump et à l’OTAN, à la laïcité républicaine la restauration du « lien abîmé » avec notre Sainte-Mère l’Église, à l’écoute du monde du travail le flirt avec les oligarques anglo-saxons. Et que le même personnage préfère les « euro-métropoles » et les traités « transatlantiques » aux « obsolètes » communes de France, ces ferments insupportables de démocratie.
Pas surprenant non plus si l’idée de l’école que se fait Blanquer, le ministre macroniste de l’Éducation dé-nationale, ressemble tant à celle du grand Karl qui – dans des conditions fort différentes il est vrai – réservait l’école aux enfants du Palais et que l’imagerie traditionnelle campe dans le rôle d’un Sélectionneur auguste séparant les « bons élèves », futurs premiers de cordée, des « mauvais élèves » et autres gens de rien voués aux verges. En un mot, prière aux gens de peu de ne plus se risquer désormais aux Parcours sup réservés à l’Élite !
Disant cela, nous sommes sans doute un peu injuste avec Karl der Grosse (Charlemagne = Charles le Grand en allemand), Empereur très chrétien d’Occident : dans une période très sombre et terriblement violente, intelligemment conseillé par le docte Alcuin, Charlemagne permit en effet une certaine renaissance culturelle de l’Empire franc, même si l’assemblage disparate de la Carolingie impériale s’est vite révélé non viable.
Il en va tout autrement de Macron qui, si nous le laissons mener à bien son projet d’euro-dissolution nationale, pourrait bien, en cinq ou dix ans, mettre le point final à l’histoire progressiste de notre nation.
Rétrospectivement donc, pas de Prix Macron pour Charles le Grand : tout compte fait, ce serait injustement déprécier l’œuvre historique de Charlemagne !