L’Europe du grand capital pourrit notre environnement et la vie de nombreux petits exploitants agricoles qui, avec les ouvriers agricoles, payent le plus lourd tribut à la fuite en avant dans l’agriculture destructrice des équilibres écologiques fondamentaux, sous perfusion de l’industrie chimique. Au premier rang de cette catastrophe, les apiculteurs, dont les ruches sont décimées par les pesticides hautement nocifs imposés par Monsanto et ses semblables (sauf à Cuba où les abeilles se portent bien, dans le cadre d’une agriculture débarrassée de ces poisons), qui dictent une grande partie (aidés dans notre pays par un syndicat agricole patronal comme la FNSEA). Faudra-t-il attendre que l’hécatombe des abeilles (mais aussi des autres pollinisateurs, dont le rôle est au moins aussi important pour la fertilisation d’un très grand nombre de cultures) atteigne un tel niveau que de très nombreuses plantes dépendant de ces insectes soient menacées pour réagir ? Même le quotidien très macronien Le Monde est contraint de s’inquiéter du sujet.
Mobilisation nationale des apiculteurs face à l’hécatombe des abeilles. EXTRAITS d’un article du journal Le Monde du 7 juin 2018
C’était à la sortie de l’hiver. Loïc Leray, apiculteur professionnel à Puceul (Loire-Atlantique), était impatient de découvrir le fruit de son labeur conjoint avec les abeilles, qu’il choit depuis quatre décennies. Il se souvient de ses genoux, tremblants, et de ses poils hérissés lorsqu’il ouvrit ses premières ruches : un silence assourdissant, des colonies entières d’abeilles mortes. Il a compté, au total, 180 ruchers sans vie, contre 300 vivants à l’automne dernier.
« Je me suis senti comme un paysan éleveur qui, un matin, pousse la porte de son étable et retrouve toutes ses vaches mortes, glisse le vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF). Face aux pressions imposées par l’agrochimie sur notre territoire, la vie des abeilles ne tient qu’à un fil. Notre cheptel est sous perfusion, et chaque ruche morte est un nouveau coup de poignard qui nous laisse désemparés et en colère. »Cette année n’aura donc pas goût de miel pour cet apiculteur, comme pour beaucoup en France, qui n’ont récolté qu’amertume et désarroi. Dans l’attente d’une statistique nationale, les professionnels évoquent des taux de perte dépassant les 80 % dans certains territoires.
Face à l’ampleur du désastre, les apiculteurs devaient se retrouver, jeudi 7 juin, pour une grande journée de mobilisation nationale. A Paris, place des Invalides, mais aussi à Lyon, Rennes, Quimper, Tours, Périgueux, La Rochelle, Strasbourg ou encore Laon.
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« Derrière les chiffres, des vies ruinées »
S’il doute de l’engagement du ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, « en décalage, accuse-t-il, avec la réalité du terrain, rangé à la botte de la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles] et sous la coupe de l’agrochimie », l’apiculteur promet « des actions plus musclées si le président ne nous apporte pas de réponse ».« L’enjeu est trop important et dépasse le cas des abeilles et des apiculteurs. Il en va de la dégradation générale de l’environnement et de la santé de tous. On va le payer très cher si ça ne bouge pas rapidement. Qu’est-ce qu’on va laisser à nos enfants ? »
Loïc Leray cite l’exemple de Cuba. Une île sous embargo, où les agriculteurs n’ont pas eu accès aux produits phytosanitaires. « Un mal pour un bien, souffle-t-il. Les apiculteurs et les abeilles s’y épanouissent. »Dans le viseur des apiculteurs français, les néonicotinoïdes, à l’origine de l’effondrement des abeilles et des pollinisateurs. Ces molécules très persistantes s’attaquent au système nerveux des insectes. « Avant la mise sur le marché des néonicotinoïdes, dans les années 1990, le taux de mortalité des colonies tournait aux alentours de 5 % », se rappelle José Nadan, apiculteur au Faouët (Morbihan). En Bretagne, plus de 20 000 colonies d’abeilles sont mortes cet hiver, soit un tiers de leur nombre total.
(…)Début mai, avec des collègues bretons, José Nadan s’était élancé du Faouët, à vélo, traînant un convoi de ruches mortes vers la chambre d’agriculture de Rennes.
« Le ministère de l’agriculture est resté insensible à notre appel au secours, regrette le sexagénaire. Il se contente de compter les mortalités, de rechercher les pathogènes, mais il ne fait rien, en amont, pour empêcher ces chiffres de gonfler. Le ministère de la transition écologique et solidaire n’a pas fait mieux. Il n’a jamais répondu à nos sollicitations. Il est temps de se faire entendre auprès des plus hautes sphères de ce pays. Que la porte soit ouverte ou non, on ira à l’Elysée. »
« D’une année à l’autre, nous pouvons tout perdre »
Une avancée, tout de même : la validation, par le tribunal de l’Union européenne, des restrictions imposées à trois néonicotinoïdes sur le territoire européen et l’interdiction, prévue en septembre, de toutes les molécules de cette famille en France – avec dérogations possibles jusqu’en 2020. Insuffisant pour Michel Kerneis, président de la Confédération régionale des apiculteurs d’Alsace, qui s’interroge :(…). « D’une année à l’autre, nous pouvons tout perdre, s’inquiète-t-il. Le modèle agricole intensif en vigueur génère des conditions qui ne sont plus propices à l’apiculture. Ce n’est pas supportable. On arrache les haies, on retourne les prairies, on supprime les arbres champêtres, on pollue l’eau, l’air, la terre… »