Guetta, c’est pas moi !
Par Floréal, PRCF
Ce 6 juillet, toute la rédaction matinale d’Inter emmenée par Mme Salamé et M. Demorand, auxquels s’était ajoutée la directrice de chaîne en personne, pleurait à chaudes larmes le départ de l’inamovible Bernard Guetta, l’homme qui n’a cessé durant 27 ans ( !!!) de fixer le cap de l’Europe fédérale, du Oui à la constitution européenne, des ingérences à répétition de l’UE-OTAN en Libye, en Ukraine, en Syrie ; l’homme qui n’a tiré aucune leçon des énormes hécatombes qu’ont produites ces ingérences ; le grand amoureux de la paix ( !) et de l’indépendance des peuples ( !!) qui chaque matin, tançait les gouvernements maastrichtiens parce qu’à ses yeux, ils n’allaient jamais assez loin dans l’euro-dissolution de notre pays (pardon : dans la « mise en place d’une Europe politique ») et dans l’alignement empressé sur Clinton, sur Obama, sur Sainte Angela, « l’honneur de l’Europe » (car prôner l’alignement français sur Trump est désormais plus compliqué : il est fâché avec Merkel et l’esclave le plus veule doit presque se poser des questions quand il lui faut servir à la fois deux maîtres qui s’affrontent…).
Plusieurs comportements suscitaient la pitié ce matin à l’audition de la « France-Inter ».
Tout d’abord, celui de Guetta lui-même qui disait naïvement, et disons-le, sottement, « ne rien comprendre » à ce qui suscite le désamour massif actuel des peuples européens à l’égard de cette si belle Europe de la prospérité, de la paix et du progrès social que lui avaient promis les zélotes de Maastricht et de l’euro-Constitution. Bien sûr, l’ayatollah des Nouveaux Croyants risquait l’hypothèse que, peut-être, les peuples n’aiment pas perdre massivement, fût-ce au nom de « L’EUROPE, L’EUROPE, L’EUROPE ! », leurs acquis sociaux si difficilement gagnés dans le cadre des États-nations constitués. Mais bien entendu, le réflexe pavlovien revenait aussitôt et la réponse attendue arrivait vite : pour sauver les acquis sociaux, il faudrait… mais oui, vous avez deviné : PLUS D’EUROPE POLITIQUE, voyons ! Comme si chaque pas en avant de la construction européenne n’avait pas été suivi de DIX pas en arrière en matière de délocalisations, de privatisations, de casse des protections sociales, d’humiliation des peuples traités comme de sales gosses insensibles aux beautés de la belle Europe néolibérale. Comme si les gouvernants européens, Macron en tête, étaient des résistants potentiels aux gros actionnaires européens qui paient leurs campagnes , ainsi qu’aux USA qui, très souvent, ont financé leurs études. Comme si les traités supranationaux ne stipulaient pas cette merveilleuse « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » qui fixe le cap de la dé-protection sociale, de l’américanisation totale de la langue et des modes de vie, de la thatchérisation de toutes les conquêtes civilisatrices du mouvement ouvrier ! Bref, soit ce Monsieur ment, soit il se ment, soit… c’est une bille politique et géopolitique, les trois réponses ne s’excluant d’ailleurs pas forcément …
Plus grave encore, Guetta a avoué ce matin qu’il n’avait jamais cultivé « l’objectivité », ce qui est pourtant son devoir le plus élémentaire en tant que journaliste d’une part, et que journaliste du service public par ailleurs. Toujours, a-t-il avoué, il fut un « journaliste engagé » pour la « construction » européenne. Y compris en 2005 quand il terminait tous ses éditos sentencieux, non pas par « il faut détruire Carthage » (on a les Caton qu’on peut !), mais par : il serait catastrophique de voter non à l’Europe. Et là, notre critique s’adresse moins à lui, qui a peut-être fini par se convaincre à force d’euro-rabâcher, qu’aux directeurs de chaînes successifs nommés par les pouvoirs maastrichtiens successifs, lesquels ont choisi puis RECONDUIT PENDANT 27 ANS un éditorialiste international qui proclamait chaque matin, sans nulle considération pour les Français en désaccord avec lui, son positionnement UNILATÉRAL ; car si Guetta avoue qu’il était « engagé », c’est-à-dire clairement d’un bord contre un autre, alors pourquoi et au nom de quoi les directeurs successifs d’Inter, et leurs vrais maîtres, les présidents de la République successifs, l’ont-il choisi lui et lui seul, et non pas tel autre journaliste faisant la part des choses, nuançant le propos, essayant au moins d’être « objectif », ne présentant pas son idéologie va-t-en-guerre comme le comble de l’attachement à « la gauche », bref, un journaliste respectant la MAJORITÉ DES FRANÇAIS payeurs de redevance qui ont voté NON à l’euro-constitution et à qui, chaque matin Guetta a dit en quelque sorte : « VOUS EN BOUFFEREZ QUAND MÊME ! » ?
Et si on veut du débat et de « l’engagement », comment se fait-il qu’il n’y ait toujours qu’une couleur représentée sur chacun des grands sujets matinaux d’Inter, Léa Salamé affichant sa sainte horreur de la France insoumise, Guetta sa détestation de l’ex-URSS, de Cuba, du Venezuela bolivarien et de la Russie, Bernard Seux (Les Échos) vantant chaque matin le néolibéralisme patronal et pointant sans trêve les « archaïsmes » du mouvement syndical français ? Curieux « engagement », curieux goût du « décryptage », qui se situe toujours DU CÔTÉ DU MANCHE, toujours du côté des puissants et de l’ordre brutal que recouvrent les mots « euro », « UE » et « OTAN » ; surtout quand on regarde ce qui arrive, non seulement aux migrants chassés de chez eux par les guerres néocoloniales de l’Occident et littéralement noyés par ledit Occident, mais aux peuples grec, portugais, italien et, de plus en plus, au peuple français (mais rassurons-nous, « on est en demi ! »), en matière de macro-chômage, de macro-précarité, de macro-paupérisation et pire encore, de macro-abrutissement des couches populaires et de la jeunesse !
Pire que pire maintenant : les larmoiements radiodiffusés de « la France-Inter » en grand deuil au matin de ce 6 juillet : certes, ça fait longtemps que le standard d’Inter trie politiquement ses intervenants (ou plutôt, ses faire-valoir, puisqu’ils n’ont jamais le droit de répondre à la réponse et qu’un enfant sage sur deux de cette radio croit bon de commencer en disant, à la manière de Mireille Matthieu remerciant « son public » : « je vous félicite pour la qualité de vos émissions » !), et l’auteur de ces lignes en sait quelque chose lui qui, en dix ans, n’a jamais pu poser à l’antenne la moindre question sur la politique de substitution linguistique du tout-anglais transatlantique à notre langue nationale en perdition. Mais n’empêche, combien ces larmoyants Guettophiles matinaux étaient-ils piteusement emblématiques de ce qu’est devenue une bonne partie de la France-qui-se-croit-de-gauche, tel cet émouvant auditeur matutinal qui pleurait au téléphone pour saluer « Bernard », toute pudeur bue ! ce gentil auditeur, sans doute partisan d’une « guerre de gauche » à outrance en Syrie, ne perdait pas en l’occurrence un journaliste, il perdait un directeur de conscience, un grand-prêtre de cette très sainte Religion euro-œcuménique qui fédère aujourd’hui tous les privilégiés de France et toute la théorie de leurs affidés bien-pensants…
Reconnaissons-le cependant, Guetta avait un mérite : il « écrivait » ses papiers et était un des rares journalistes du service public (France-Culture est encore pire qu’Inter de ce point de vue) à savoir lire et à faire des liaisons correctes alors que le débraillé linguistique, que l’avalanche des anglicismes paresseux, que les phrases absurdes du style « les universités vont désormais pouvoir trier leurs-H-étudiants » font désormais florès sur Inter dans la parfaite indifférence du CSA (Cancres Supervisant l’Audimat ?)… Maigre satisfaction toutefois, car à quoi bon parler un français châtié si par ailleurs on appuie fanatiquement un processus global qui détruit la France et qui relègue sa langue de lumière(s) au 36ème dessous ?
Bref, le géo-croisé Guetta va ENFIN prendre sa retraite, contrairement à tant de gens qui, grâce à sa maudite Europe, auront été licenciés et renvoyés à l’enfer des minima sociaux bien avant de parvenir à la date-limite et d’obtenir une super-retraite dorée…
Laissons la veulerie sangloter. Et demandons-nous si Duclos et Thorez pourraient encore aujourd’hui, étant donné l’état mental d’une bonne partie de « la France-Inter » (l’autre partie n’ayant jamais la parole), lancer encore la fameuse formule qui concluait le vibrant appel diffusé par le PCF clandestin le 10 juillet 40 : « jamais, non jamais, le peuple de France ne sera un peuple d’esclaves ».