À la veille de la rentrée 2018, www.initiative-communiste.fr donne la parole à nos jeunes camarades des JRCF pour analyser et expliquer ce qui se cache derrière les mesures annoncées par le ministre de l’éducation du régime Macron, le très à droite et réactionnaire Jean-Michel Blanquer.
Si les médias à la main du gouvernement ou détenus par ses commanditaires milliardaires font mine de l’absence de changements importants en cette rentrée 2018, ce n’est pas le cas. De graves annonces, porteuses de mesures délétères pour l’Éducation Nationale sont annoncées, dans la lignée de la réforme du collège menée par Najat Valaud Belkacem et la réforme du Bac lancée en 2017 par Blanquer. Recrutement local des professeurs, autonomisation des collèges et lycées, le tout dans un contexte de suppression de postes massive affectant l’ensemble du second degré et de fin du bac national au profit d’un diplôme local qui sera d’autant plus fortement dévalué qu’il n’évaluera plus qu’un nombre limité de disciplines et ne donnera plus droit à l’accès à l’Université, libre avec Parcoursup de sélectionner comme bon lui semble… Toutes ces « réformes » qui figurent parmi les revendications du grand patronat et parmi les ordres de l’Union Européenne visent en réalité à mettre fin au service public national, à cette Éducation Nationale assurant des diplômes identiques sur l’ensemble du territoire, d’ Aubervilliers à Versailles, Argenton-sur-Creuse ou Saint-Denis de la Réunion. Au profit d’une mise en concurrence d’une myriades d’établissements scolaires autonomes, recrutant des professeurs sans statut sous la coupe de pouvoirs locaux. Une porte grande ouverte à la privatisation de l’école. Une privatisation qui commence, tout particulièrement dans l’enseignement secondaire. Si le nombre d’enseignants dans le privé est stable, il a fortement reculé depuis 1999 dans le secteur public (-7,8% d’après les chiffres de l’Éducation Nationale). Entre 1995 et 2015, la proportion de classes dans le secteur privé pour l’enseignement secondaire est passée de 20% à 21,5%.
Il est important de rappeler que les dépenses d’éducation représente un budget d’environ 146 milliards d’euros chaque année, dont la quasi totalité est prise en charge par l’État (79,5 milliards d’euros) et les collectivités locales (37 milliards d’euros). Ménages et entreprises privées n’en prennent en charge que 16,3 et 13 milliards d’euros soit moins de 20% du total. Pour l’essentiel socialisé et public ce budget, s’il était privatisé, représenterait un énorme marché. Jugez plutôt, avec un taux de marge de 10%, un tel chiffre d’affaire représenterait des bénéfices de près de 15 milliards d’euros chaque année pour les capitalistes qui arriveraient à mettre la main dessus !
Un pas de plus vers la privatisation de l’école française – par les JRCF
La privatisation de l’enseignement français est un projet solidement ancré au sein du patronat et des institutions qui servent ses intérêts. Qu’il s’agisse du Medef, du ministère de l’éducation, ou bien de l’Union Européenne, cela fait de nombreuses années que les perspectives de profits considérables que représente une privatisation de l’éducation hantent la politique scolaire française.
Par le passé, de nombreuses mesures ont laissé apparaître cette volonté de transformer l’école française, prétextant vouloir s’aligner sur différents « modèles » étrangers (masquant la réelle dynamique derrière les réformes), pour « moderniser » ce « bloc monolithique » que serait le système éducatif français. On peut citer la réforme du baccalauréat (vers la casse du diplôme national), la sélection à l’université (loi ORE), le renforcement de l’autonomie des universités (loi LRU), etc.
Cela se concrétise une nouvelle fois : le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer vient d’annoncer vouloir donner « un peu d’air au système » en renforçant le rôle du secteur des ressources humaines, permettant aux établissements scolaires d’embaucher jusqu’à 10 % des enseignants par ce moyen. L’important ici n’est pas le chiffre, mais le principe d’embauche, allant contre l’affectation selon un concours unique à échelle nationale qui se pratique actuellement. C’est à nouveau une grave entorse faite au caractère national et homogène de l’éducation. Désormais, le plus dur est accompli, et nous pouvons déjà prévoir l’augmentation de ces 10 % au fil des années, voire au fil des annonces…
Autonomie des écoles, collèges et lycées ? pour une privatisation et une école à deux vitesses
Grâce aux expériences passées, on sait que lorsqu’on accroît l’autonomie des établissements (qu’ils soient scolaires ou hospitaliers), on tend systématiquement vers davantage d’inégalités entre les zones et les régions. Dans ce cas précis, on peut craindre que les meilleurs établissements ne s’accaparent les meilleurs professeurs.
Pour en revenir à des principes plus généraux qui permettront de comprendre pourquoi cette dynamique libérale est à craindre, nous devons dire que l’école privée s’est révélée être un échec scolaire et financier, celle-ci étant moins bonne et coûtant plus cher ! On peut citer l’exemple de la Suède : écarts qui se creusent, pression sur les enseignants, pratiques managériales, moins bons résultats scolaires, dépendance au numérique, hausse de la violence (le résultat de la relation client-prestataire entre élèves et professeurs), hausse de la précarité, et surtout, nouvelles formules d’enseignement qui privilégient « l’esprit d’entreprise » (qui est en réalité un esprit d’employabilité, de flexibilité, de mobilité, pour préparer à la future exploitation), les matières « utiles » contre la philosophie, l’histoire, la littérature (comment alors l’école pourrait-elle former au rôle de citoyen ?), etc. Une véritable catastrophe pour l’école suédoise qui était l’une des meilleures d’Europe au début du siècle ! Voilà ce qui attend ceux qui voudront laisser la gestion du système scolaire à des entreprises cotées en bourse !
Le statut des professeurs dans le collimateur : précariser les enseignants pour permettre la privatisation
En France, les réformes successives ne font qu’accroître la colère des enseignants (trop souvent considérés comme des « fainéants de fonctionnaires ») de plus en plus débordés par le manque d’effectifs, l’augmentation du nombre d’heures de travail, l’incompréhension de la hiérarchie convertie à la pensée nouvelle managériale, et une situation qui ne s’améliore ni pour les notes ni pour le comportement des élèves. Certains s’indignent de la qualité de l’éducation française et vantent les mérites d’autres systèmes (anglo-saxons, finlandais, allemand, …), sans comprendre pourquoi la situation se dégrade de jours en jours : suppression de postes d’enseignants, coupes budgétaires, précarisation avec le recours aux contractuels, gel des salaires des enseignants titularisés, rétablissement du jour de carence, etc. Ou comment saboter un service public pour mieux le critiquer par la suite*.
La bataille pour l’enseignement n’est pas une bataille idéologique. Il s’agit d’une bataille d’intérêts. On peut donner l’exemple des « Entretiens Enseignants-Entreprises », séminaires financés en grande partie par l’État, dans lesquels le discours en faveur de la libéralisation de l’enseignement est largement diffusé. Ici, pas de batailles théoriques entre professeurs d’économie, de sociologie, d’histoire ou de philosophie. Dans un compte-rendu fait par le Monde Diplomatique, on retrouve lors d’une séance, côte à côte, des personnalités comme Emmanuel Macron, Denis Kessler (ancien vice-président du Medef), Pascal Lamy (ancien commissaire européen du commerce et ancien directeur général de l’OMC), etc. Sans oublier une série de grands patrons du CAC 40. Autrement dit : patronat, lobbyistes, think-tanks libéraux et membres du gouvernement se côtoient pour prêcher la bonne parole « new age ». Le tout s’inscrivant dans un plan du ministère de l’éducation (qui admet ne pas avoir autant de liens avec les syndicats comme la CGT ou la CFDT qu’avec le Medef!). Il paraît donc évident que ce projet reflète les intérêts de la classe capitaliste et des institutions qui la représentent. Cette classe veut s’emparer des milliers de milliards d’euros que représentent ce marché potentiel, mais également transformer l’éducation de manière à exploiter davantage les travailleurs issus du système scolaire (ou carrément au sein du système scolaire avec l’exploitation des apprentis et des stagiaires) : responsabilité, flexibilité, esprit entrepreneuriat remplaceront peu à peu les savoirs acquis de l’Humanité essentiels à chaque citoyen français.
L’Union Européenne et son processus de Bologne donne les ordres de la privatisation en marche
Le rôle de l’UE est également central. Par le processus de Bologne, par les GOPE, et par les traités, cette institution européenne aux mains du capital veut soumettre la France à ses désirs. Les représentants du Medef le répètent eux-mêmes sans cesse dans leurs discours, considérant la France en retard par rapport au projet européen et appelant très clairement à ne pas respecter les décisions des parlements nationaux pour des questions aussi graves que la suppression du salaire minimum (le SMIC étant une absurdité dans l’Europe libérale!).
Il faut comprendre que toutes les mesures et réformes successives depuis plusieurs années, pouvant paraître isolées au premier abord, révèlent une dynamique qui vise à libéraliser l’école dans le SEUL but de faire davantage de profit et d’exploiter davantage les travailleurs. Le patronat prétend vouloir renouer le lien entre l’entreprise et l’école, tout en imputant le chômage au mauvais travail des professeurs ! Si nous continuons de nous laisser prendre nos conquis sociaux, produits de luttes sociales historiques, nous nous retrouverons dans une situation accablante. Cette bataille n’est pas qu’une simple bataille sociétale, c’est une bataille de classes qui relève directement de la contradiction entre prolétariat et capital.
Paris – 2 septembre 2018
*Technique dont nous avons vu l’efficacité avec la SNCF…