L’été 2018 aurait été en France l’été le plus chaud de tous ceux enregistrés par les météorologues après celui de 2003. Au delà de ces canicules, de plus en plus fortes et récurrentes si on en croit les relevés météos partout dans le monde, la question du réchauffement climatique et des effets désastreux du système capitaliste sur notre écosystème doit être posée. Le capitalisme apparaît chaque jour de façon plus éclatante incompatible avec la survie de l’Humanité. Ce n’est pas une découverte, Marx qui vivait au 19e siècle constatait déjà que le Capital détruit les deux sources de la richesse, la terre et le travail. Une citation mise en exergue d’une réflexion de Denis Collin publié début août par nos amis de La Sociale. Réflexion que www.initiative-communiste.fr reproduit ci-après pour alimenter le débat. On peut bien sûr ne pas partager la totalité des différentes appréciations exposées ici par Denis Collin mais il demeure qu’il faut se réjouir que de plus en plus de voix s’élèvent pour rejoindre l’alerte lancée inlassablement par les communistes du PRCF contre le danger déterministe du Capitalisme. Comme le disait Fidel Castro qui a été le premier à appeler à l’ONU en 1992 au développement durable dénonçant les menaces du capitalisme contre l’Humanité, « Demain sera trop tard pour faire ce que nous aurions du faire depuis longtemps »
L’animation suivante illustre la hausse générale des températures mesurées au cours du dernier siècle jusqu’à aujourd’hui.
Cet été, un article du New York Times, répercuté pour les francophones par le journal suisse Le Temps, retrace comment le régime capitaliste américain a, dès les premières inquiétudes sur le réchauffement climatique apparues dans les années 1970, œuvré pour empêcher toutes actions internationales, afin de préserver les profits du Capital et l’hégémonie de son impérialisme : Comment nous avons perdu le combat contre le changement climatique
Le Feu dans la maison
Le capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et le travail (Marx)
La canicule remet à l’ordre du jour le réchauffement climatique. Les deux choses n’ont pourtant rien à voir puisque la météo et le climat sont deux objets scientifiques différents. Pas plus qu’un hiver rigoureux ne signe le refroidissement de la Terre, un été chaud ne prouve rien en ce qui concerne le réchauffement… Cette précision étant faite, il semble assuré que le réchauffement climatique est un fait empirique dont les mesures et les indices indirects s’accumulent qui viennent confirmer les prévisions du GIEC, c’est-à-dire de la très grande majorité des scientifiques qui travaillent sur ce sujet. On peut discuter de la part que prend l’activité humaine dans ce phénomène. Beaucoup de chercheurs pensent qu’elle est prépondérante, une minorité soutient qu’elle est marginale. Je me garderai bien de trancher dans un domaine qui n’est pas de ma compétence. La majorité n’a pas toujours raison, mais n’a pas nécessairement tort non plus !Abordons la question en parieur pascalien. Si le réchauffement de la planète est dû à l’activité humaine, alors nous n’avons rien de mieux à faire qu’à en tirer toutes les conséquences en apprenant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Si l’activité humaine est marginale dans le réchauffement, nous n’aurons rien perdu à diminuer nos dépenses énergétiques. Donc il n’y a aucun risque mais tout à gagner à prendre au sérieux cette question.
Le problème est que ni les autorités ni les bavards stipendiés ne prennent cette question au sérieux. Après qu’un climatologue soit venu nous mettre en garde (+3,5° avant la fin du siècle), le présentateur du journal se réjouit des ventes record d’avions et annonce une croissance annuelle du trafic aérien de 5% dans les prochaines années. La contradiction saute aux yeux mais à pas à ceux de ce présentateur. On se lamente parce que ce jour, le 1er août, nous avons déjà consommé notre « capital » de Terre renouvelable (forêts, capacités d’absorption du CO2 …) mais plus que jamais les routes d’Europe sont parcourues par des norias de camions (diesel) porteurs de containers. Le ministre Darmanin annonce de nouvelles sur le gazole, frappant les particuliers, mais la SNCF, en voie de privatisation, voit une baisse continuelle du trafic de fret par le rail. Ça n’a pas de lien direct avec le réchauffement, mais, pour parachever le tableau, on apprend que, en France, la consommation de pesticides a augmenté de 12,5% : on est bien en pleine transition écologique !
Pour tout ce qui concerne les questions écologiques, donc, les discours officiels peuvent se résumer avec Shakespeare : « Words ! Words ! Words ! » (Hamlet). Les pitreries de Hulot ou l’opportunisme sans limite de de Rugy ont contribué dans des proportions incalculables à discréditer l’écologie, en tant que théorie des conditions l’habitation durable de l’homme et en tant que politique. Alors jamais n’a été aussi vraie la sentence de Marx : le capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et l’homme. Alors que jamais la nécessité de protéger la civilisation humaine contre les ravages du capitalisme n’a été aussi criante.
Précisons. La question n’est pas de « sauver la planète » qui est à l’horizon de 5 milliards d’années, selon les évaluations de certains astronomes. La question n’est pas non plus de « défendre la nature » qui n’a nul besoin d’être défendue : au pire, les hommes peuvent rendre invivable la surface de la Terre mais ils ne peuvent même pas détruire la vie sur Terre. Alors détruire la nature qui compte des milliards d’étoiles comme le soleil dans des centaines de milliards de galaxies comme la Voix Lactée… pour ce qu’on connait aujourd’hui ! Non, la seule question est celle de la défense de la civilisation (humaine, cela va de soi car il n’en a pas d’autre sur Terre) et donc la possibilité pour notre espèce de continuer d’habiter la planète, la seule que nous puissions habiter à horizon pensable.
Or cette tache tout à la fois modeste et vitale est une mission impossible tant que la loi fondamentale de l’activité humaine est la loi de l’accumulation illimitée du capital, la loi de la « valorisation de la valeur ». Dans le jargon de l’économie capitaliste, cette valorisation de la valeur a pour petit nom « croissance » laquelle se mesure en augmentation du PIB. On peut peur inventer toutes sortes de trucs et ficelles pour valoriser la valeur sans production : toutes les prétendues « industries financières » reposent justement là-dessus. Mais en dernière instance, il faut produire réellement de la valeur, c’est-à-dire des marchandises : il faut de l’énergie, des matières premières, des usines, … et, chose pas annexe du tout, des débouchés !
Or cette logique de la valorisation de la valeur est parfaitement antinomique à une production orientée vers la réalisation des besoins humains. Valeur d’usage et valeur sont en contradiction, comme le souligne Marx dans la première section du Capital. Notre besoin est de nous déplacer aisément, pas d’avoir une voiture et encore moins une voiture qui pourrait rouler à 250 km/h. Donc des transports en communs développés, des voitures en coopératives et des voitures qui durent longtemps, qui sont peu coûteuses à entretenir ou à réparer, tout cela fait un joli programme de développement qui pourrait être durable, mais c’est antinomique avec ce qu’attendent les capitaux qui sont investis dans secteur de la production automobile qui ne fonctionne qu’avec le renouvellement des modèles, l’obsolescence et la mise à la casse aux frais de l’État des anciens modèles. Ici, on voit clairement que la loi du marché et la prise en compte des impératifs d’économie (au sens premier du terme) des ressources et du travail humain entrent en conflit ouvert.
Le mode de production capitaliste n’est opposé à la mode du « vert ». Tout un capitalisme « vert » s’est développé, un capitalisme qui n’a rien d’écologique mais se sert du label vert comme argument de vente. Ainsi les promoteurs d’éoliennes font-ils de bonnes affaires : ces éoliennes qui défigurent les paysages de certaines régions rapportent beaucoup puisque l’opérateur public achète l’électricité près de trois fois le prix moyen du kWh. Des millions de tonnes de béton sont coulées parfois dans de bonnes terres agricoles pour installer ces engins à la production aléatoire qui sont censés remplacer les vieilles centrales électriques. Les effets de destruction de l’environnement ne font l’objet d’aucune étude complète – on sait par exemple que les éoliennes et les oiseaux ne font pas bon ménage. Les éoliennes installées en mer pourraient contribuer à ravager le plateau continental. Bref, toutes vertes qu’elles soient les éoliennes n’ont pas grand-chose d’écologique.
Dans la série « les Shadocks », les plus vieux se souviennent que les Shadocks pompaient pour actionner une pompe à cosmogol, carburant miracle répandu dans l’univers des Shadocks. Mais pour nous il n’y a pas de cosmogol et nous pouvons pomper et pomper encore on ne peut pas consommer de l’énergie sans la produite et la produire coûte cher sur tous les plans. La seule énergie écologique et bon marché est celle qu’on ne dépense pas. Ce qui n’est possible que si on abandonne l’objectif de la croissance à tout prix.
Soit, nous rétorquera-t-on, mais si on produit deux fois moins de voitures parce qu’elles durent plus longtemps et qu’on prend plus le train, ça fera exploser le chômage ! On est aussi au cœur du problème : la production ne vise pas à la satisfaction des besoins mais à « donner du travail », c’est-à-dire en réalité à produire de la plus-value. Chacun d’entre nous sait qu’il n’est pas moins riche, mais plus si l’hiver a été clément et que la consommation en chauffage a été plus faible*****. Mais un hiver clément fait baisser le PIB puisque les marchands de fuel, de gaz ou d’électricité auront moins vendu. En vérité, il faut prendre le problème exactement à l’envers et commencer par planifier. L’horrible mot « plan » vient d’être prononcé et déjà nous voilà menacés des horreurs du système soviétique. Pourtant chaque capitaliste sait très bien qu’à l’intérieur de son entreprise il doit planifier, se donner des objectifs et suivre leur réalisation. Chaque entrepreneur se flatte d’avoir trouvé le bon « business plan ». Pourquoi une nation ou un groupe de nation ne pourraient-ils pas avoir un plan pour faire des économies ?
Sans aucun doute le terme de « décroissance » popularisé en France par Serge Latouche et par le journal « La décroissance » est-il un mauvais terme. Il laisse penser facilement que nous n’aurions pas d’autre solution que revenir « en arrière » et nous éclairer à la bougie. Jean-Marie Harribey propose de séparer croissance et développement. Par exemple si on est capable de supprimer totalement les intrants chimiques en agriculture, il y a aura bien décroissance de l’industrie chimique mais développement de la productivité réelle de l’agriculture. Ce qui, soit dit en passant, n’est possible qu’en développant l’agronomie en tant que science des milieux vivants.
Plus fondamentalement, il faut sortir des logiques fondamentales du mode de production capitaliste, changer nos manières de penser, en finir avec l’utopie désastreuse de la croissance illimitée (des forces productives, de la puissance humaine, etc.) et retrouver le vieil idéal grec de la juste mesure, contre l’hybris propre au mode de production capitaliste. De ce point de vue, si Marx reste le maître indépassable pour comprendre la dynamique du mode de production capitaliste, le marxisme orthodoxe et son « progressisme » invétéré est impuissant pour aborder les enjeux de notre époque.