50 ans après les communistes, Mauduit découvre le C.M.E. !
Par Floréal, PRCF – 8.9.18
Aussitôt accueilli et célébré par ses bons amis de France-Inter, le cofondateur de Mediapart (en français, on mettrait un accent aigu sur l’e…), le journaliste Laurent Mauduit a fait deux découvertes fracassantes :
a) Il dénonce l’abus que constituerait l’interpénétration flagrante de la haute fonction publique et des conseils d’administration du privé. Avec tous les « conflits d’intérêts » qui en résultent et que vient encore de révéler l’affaire Kohler (collaborateur n°1 de Macron à l’Élysée, suspect d’avoir favorisé la grande entreprise havraise dont il est familialement proche) actuellement en cours d’instruction (1).
b) C’est encore pire qu’avant car désormais, signale Mauduit, la loi permettrait que les hauts fonctionnaires puissent continuer d’accumuler des points durant les périodes où ils abandonneraient le public pour « pantoufler » dans les conseils d’administration du privé : à la suite de quoi, ils pourraient revenir (ben voyons !) dans le public sans avoir ralenti leur sacro-sainte carrière. Observons au passage que ce sont les mêmes tartufes qui louent la « culture du risque » (pour les autres !) et qui veulent briser le statut « trop protecteur » des agents publics de base, postiers, enseignants, hospitaliers, cheminots, électriciens, agents de l’Équipement, etc. Sans commentaire.
Sauf que, cher Laurent Mauduit, cette interpénétration du grand capital et de la haute administration était déjà dénoncée sous le nom de « capitalisme monopoliste d’État » à l’époque où le PCF, encore marxiste, expliquait encore, dans la lignée de Lénine, que « le CME est une phase du capital de monopoles où la fusion entre l’État bourgeois et les monopoles se mue en un mécanisme unique au profit des monopoles capitalistes ». Cette thèse était minutieusement démontrée dans deux forts volumes parus en 1971, Le capitalisme monopoliste d’État, que l’on étudiait naguère dans les écoles élémentaires du PCF et que potassaient aussi nombre de cadres CGT ! Donc M. Mauduit repassera pour la « nouveauté » de sa thèse : elle ne paraît telle que parce que la gent médiatique, immergée dans les modes idéologiques, est à la fois percluse d’anticommunisme et inculte sur le plan scientifique.
NON,LE NÉOLIBÉRALISME EUROPÉEN N’EST PAS UN « NOUVEAU LIBÉRALISME » !
Mais surtout, ce constat du « mécanisme unique État-monopoles » que résume mal l’expression « privatisation du haut appareil d’État », a une conséquence logique : c’est qu’il faut cesser, à gauche, de pourfendre à tout propos le prétendu « libéralisme » des gouvernements actuels. Le libéralisme proprement dit, c’est la libre concurrence dans le cadre d’un État « veilleur de nuit » féroce contre les classes laborieuses, mais « arbitre », « régalien » et « impartial » dès lors qu’il s’agit de régler des conflits entre propriétaires. C’est ainsi que s’explique ce paradoxe du philosophe Condorcet, parfait girondin et libéral en économie, qui souhaitait cependant un État fort, clairement laïque (donc détaché des influences religieuses et relativement neutre) construisant une école publique indispensable à la libre concurrence entre individus (ce qu’on appelle « égalité des chances » dans des milieux de gauche insuffisamment critiques qui ne voient pas qu’une telle école est, comme l’indique l’expression « égalité des chances », intrinsèquement compétitive, sélective et capitaliste). Alors que, chacun le voit aujourd’hui, l’État bourgeois est grossièrement partial car, non seulement il démolit les services publics, école publique incluse, au profit des chasseurs de profits du patronat privé, non seulement il viole la loi laïque de 1905 en « dialoguant » sans trêve avec toutes les hiérarchies religieuses, non seulement il comprime les acquis sociaux et les salaires, mais il alimente grassement, sans obligations de résultats, les caisses du grand capital privé avec l’argent du public : CICE, pacte de responsabilité, fiscalité ridicule sur le CAC 40, etc. Ce grand capital privé qui, avec la complicité de l’État et de ses plus hauts magistrats, vend à la découpe le capital industriel du pays (Alsthom, STX), encourage les délocalisations et se fatigue de moins en moins à produire puisqu’on peut faire bien plus d’argent en récupérant à bon compte les rentes de situation des autoroutes, des aéroports et des barrages hydroélectriques…
Bref, l’ « ultralibéralisme » que pourfend la gauche bobo don-quichottesque n’est qu’un masque idéologique : sauf sur le plan des conséquences sociales, où les effets sont tragiques, il ne s’agit nullement d’un « retour au 19ème siècle » où le capitalisme effectivement libéral et concurrentiel comportait encore, très contradictoirement, une dimension progressiste (ce que reconnaît le Manifeste du parti communiste), mais d’un nouvel «État-Providence » POUR LES PLUS RICHES, avec piston à tous les étages pour ceux qui ont leurs entrées dans l’État, ou qui, dans l’État, ont leurs entrées dans les monopoles capitalistes, comme Kohler, mais aussi comme son patron Macron, ancien homme de confiance de Rothschild. Ce qu’était déjà Pompidou soit dit en passant, pour ne parler que du cas le plus connu. Bref, n’en déplaise aux zélateurs de Mauduit, il ne s’agit nullement là d’ « abus » mais d’un SYSTÈME inhérent à l’évolution régressive d’un capitalisme dont l’organisation est de plus en plus proto-mafieuse (les privatisations dans les ex-pays socialistes ayant permis un saut qualitatif mondial en la matière).
LA « CONCURRENCE LIBRE ET NON FAUSSÉE » DE MAASTRICHT ARME DU CAPITALISME MONOPOLISE D’ ÉTAT (TRANS-)CONTINENTAL !
On objectera l’ « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » qui est gravée dans le Traité de Maastricht et de ses successeurs. Quelle cécité théorique ! Ne voit-on pas qu’en instaurant cette règle des appels d’offre pour la moindre bordure de trottoir à remplacer dans une humble bourgade, ce sont les monopoles privés continentaux et transnationaux qui raflent la mise avec l’aide STRUCTURELLE de l’UE, cet État européen en (difficile) gestation, et du nouveau maillage bureaucratique des « communautés d’agglo » et des « métropoles » étouffant les communes et départements (donc concentrant les décisions économiques dans des mains de moins en moins nombreuses et de plus en plus éloignées du contrôle citoyen !). Car évidemment, le plombier-zingueur du coin n’a pas la taille pour courir le marché mondial… alors que par ce type de procédé, les pieuvres capitalistes transnationales peuvent ratiboiser les ex-marchés nationaux et locaux, quitte à transformer les anciens artisans et petits patrons indépendants en sous-traitants écrasant leurs prix (donc leurs salaires !) pour survivre ? Bref, cet article maastrichtien sur la « concurrence libre » n’organise aucunement l’ « ultralibéralisme » : celui-ci ne vaut que pour placer en situation de concurrence maximale, donc de moins-disant social, la main-d’œuvre salariée, livrée à la concurrence FAUSSÉE du « travail détaché », pour les artisans, qui doivent céder à l’ubérisation au profit de plateformes capitalistes mondiales, et pour les petits paysans mis en compétition ingagnable avec des pays où les normes environnementales sont contournées (CETA, bientôt, retour au TAFTA ?). Contournées par qui, d’ailleurs, sinon par les transnationales qui ont organisé l’immense transfert industriel des délocalisations ?
LE C.M.E., NOUVEL ÉTAT PROVIDENCE DES SUPER-RICHES, NE DISPARAÎT PAS : IL SE DÉPLACE ET S’ÉTEND : c’est le SAUT FÉDÉRAL EUROPÉEN !
Bref, le CME de l’époque gaullo-pompidolienne, où les scandales financiers foisonnaient déjà, n’a pas disparu. Comme eût dit Freud, il s’est déplacé, a changé de forme et s’est élargi à l’échelle continentale en devenant encore plus tentaculaire, encore plus destructeur de la République et du produire en France, encore moins « libéral » au sens politique du terme : chacun voit que les gouvernements successifs ridiculisent, s’essuient les pieds sur le Parlement, que les médias sont concentrés entre quelques mains, que les despotes se suivent et se ressemblent (de Sarko à Macron en passant par Valls) et que, sous l’apparence bigarrée du pseudo-Parlement européen, l’eurocratie liée aux groupes de pression capitalistes dicte sa loi aux peuples anciennement souverains.
Concédons cependant à Mauduit qu’avec Macron, les choses prennent un tour encore plus brutal : plus besoin de se cacher, un pur produit de l’oligarchie, qui n’a même pas à rendre compte à un véritable parti (naïveté du « mouvementisme » !), siège à l’Élysée et sa feuille de route dictée par l’UE, le MEDEF et l’OTAN est claire : araser les acquis de 36 et de 45, liquider jusqu’au masque de la « souveraineté nationale » (défense euro-atlantique, budget européen visé par Francfort, marginalisation du français au profit de la langue mondiale des monopoles capitalistes, etc.), de manière à rendre irréversible la casse sociale en la plaçant sous la haute protection de la future armée/police continentale dominée par Berlin.
Mais de grâce, qu’à (l’extrême) gauche on cesse, avec un retard inouï à l’allumage, d’en appeler à l’ « antilibéralisme » dans le cadre d’une introuvable « Europe sociale » alors que l’UE-OTAN matérialise cyniquement un CME transcontinental qui est antinomique du socialisme, de l’indépendance nationale, de la démocratie et de la libre coopération internationale!
<(1) Ajoutons, pour faire bon poids, l’affaire Benalla qui a révélé une entreprise de privatisation de la haute police à l’initiative probable du chef de l’exécutif…