Enfonçant le clou de la privatisation de l’espace public planté sous prétexte d’écologie avec le Grenelle 1, avec sa loi mobilité le régime Macron veut que les métropoles franchissent le pas de l’installation de péages urbains. Il s’agit ni plus ni moins que de rétablir des barrières d’octrois dans les villes. Selon le texte du projet de loi, les automobilistes pourraient donc bientôt débourser 2,50 euros pour circuler dans les villes de 100.000 habitants. Un tarif qui grimperait à 5 euros pour les agglomérations de plus de 500.000 habitants. Une nouvelle mesure faussement écologique et visant les travailleurs.
La voiture individuelle : un mode de transport contraint et forcé pour les salariés
Entre la spéculation sur les prix de l’immobilier, la baisse des salaires et la précarisation, de plus en plus de ménages sont obligés de s’éloigner des villes centres pour la banlieue et même la grande banlieue. Dans son analyse des derniers chiffres du recensement , l’INSEE constate :
En France, en 2013, 16,7 millions de personnes quittent quotidiennement leur commune de résidence pour aller travailler, soit deux personnes ayant un emploi sur trois. C’est dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Île-de-France que la proportion de navetteurs est la plus importante. Globalement, elle a augmenté de six points depuis 1999, témoignant de la déconnexion croissante entre lieu de domicile et lieu de travail. Les navetteurs se déplacent très majoritairement en voiture. Les habitants des communes très densément peuplées font toutefois exception, ces dernières étant mieux équipées en transports collectifs. Par rapport à 1999, les personnes ayant un emploi parcourent des distances plus longues pour aller travailler. La moitié d’entre elles réside à plus de 15 kilomètres de son travail, soit 2 kilomètres de plus qu’en 1999.
En Île de France, 75% de la population active ne travaille pas dans sa commune de résidence, en moyenne les franciliens résident à 28 km de leur lieu de travail.
On comprend donc bien pourquoi le besoin en transport ne cesse d’aller croissant. À mesure que les centres villes sont interdits à ceux qui y travaillent. Pour autant en l’absence d’offre de transport en commun suffisante, les travailleurs sont contraints de financer eux-mêmes une solution : la voiture individuelle.
Si 40% des franciliens utilisent les transports en commun pour aller travailler, 60% utilisent la voiture, mais dans Paris, la voiture ne représentent que le quart des distances parcourues dans les déplacements, tandis que la voiture représente 80% des déplacements dans les territoires périphériques. Démontrant que la part de l’usage de la voiture individuelle est directement inversement proportionnelle à l’existence d’une offre de transport en commun performante et accessible.
Des chiffres confirmés par l’analyse des déplacements menée par le ministère des transports en région parisienne, qui démontrent que :
« Les distances parcourues le sont principalement en voiture, à l’exception des déplacements des Parisiens pour qui l’offre importante permet de se rendre n’importe où en transports collectifs aisément. Plus généralement, en raison d’une moindre densité de l’habitat et des services, l’usage de la voiture s’intensifie dès lors que l’on réside loin de Paris.Les habitants de l’agglomération centrale et des autres territoires utilisent ainsi très majoritairement la voiture dans leurs déplacements quotidiens. »
Péage urbain : le contre-exemple de Londres
En 2003 Londres met en place un péage urbain. Chaque voiture entrant dans la ville doit s’acquitter d’un droit de 13€. Le bilan mené quinze ans plus tard montre que le péage n’a pas fait diminuer la circulation automobile et n’a pas amélioré la qualité de l’air. En 2017, le maire de Londres met en place toujours sous prétexte d’écologie, une taxe complémentaire pour chasser les pauvres du centre ville, avec un péage de 24€ pour ces derniers.
On comprend bien que l’objectif et l’effet des péages urbains n’est pas de réduire la circulation automobile : comment le pourrait-il alors que le problème des grandes villes est le défaut en transports collectifs, défaut qui va croissant avec la préparation à la privatisation de ces services publics. Le sous-investissement dans les réseaux de RER et TER est criant, et les défaillances et pannes qui se multiplient sont autant d’incitations pour les travailleurs à se rabattre sur une voiture individuelle.
L’objectif du péage urbain c’est :
- de taxer. Une taxe brutale et inique qui n’est pas proportionnelle au revenu et n’est pas redistributive
- de permettre aux nantis, ceux qui pourront payer les 1900€ de taxe annuelle de s’approprier les routes. Chassant les voitures des manants des centres villes, pour que les berlines des riches puissent y tenir le haut du pavé.
Le péage urbain : une taxe, de combien et pour qui ?
Si l’on conserve l’exemple de Paris, chaque jour c’est environ 1,7 million de déplacements qui se font en voiture dans Paris, dont 1,1 depuis ou vers les banlieues.
Ne prenons que les déplacements entre Paris et sa banlieue et considérons qu’il s’agit d’aller-retour, cela signifie que 550 000 voitures circulent dans Paris chaque jour. Imaginez qu’elles soient taxées à hauteur de 13€ par jour, comme l’a fait Londres. C’est un jackpot de 7,2 millions d’euros par jour. 2,5 milliards d’euros par an ! Avec les chiffres avancés par le régime Macron, un peu moins cher dans un premier temps, ce serait tout de même de 1 milliard d’euros supplémentaires que les automobilistes franciliens s’aventurant dans Paris seraient tondus !
Un jackpot dont on comprend bien qu’il sera bien tentant, même si aucune ville française ne s’est pour le moment déclarée volontaire, alors que le régime Macron vient encore de sabrer de manière violente dans les dotations de l’État au budget des communes et alors qu’il leur supprime également les ressources venant des taxes d’habitation.
Un jackpot dont on se doute bien cependant qu’il ne sera pas intégralement touché par la collectivité, puisque la mode est à la privatisation via les délégations de services publics et autres mises en concession. La ville de Paris, comme la plupart des grandes villes française, à la faveur du vote d’une loi déplafonnant les PV de stationnement n’ont-elles pas manifestement privatisées ces missions de police ?
Le péage urbain, sous prétexte d’instituer le principe pollueur payeur, frappe les travailleurs en premier lieu. En obligeant les moins riches à des déplacements allongés, pour faire place libre à ceux qui pourront payer. Une sélection par l’argent injuste. Créant un apartheid de fait, typiquement et déjà observable dans les pays sous-développés, où la classe des travailleurs s’entassent dans les trains, dans les bouchons sur les routes gratuites, tandis que circulent en toute fluidité dans des berlines confortables, la classe capitaliste. En réalité, sous prétexte de libération de la ville de la voiture, il s’agit tout simplement de réserver aux voitures des riches les centres villes. Aux riches les appartements de centre ville, la circulation sans embouteillage en voiture, pour les pauvres, les grands ensembles en banlieue, l’essence hors de prix et les péages urbains…
JBC pour www.initiative-communiste.fr