Une tribune du politiste Jérôme Sainte-Marie, publiée par le Figaro, valide les analyses portées de longue main par le PRCF. Elle est précédée par un commentaire de Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF.
Nous aurions certes des différences méthodologiques avec la démarche de M. Sainte-Marie : pour nous marxistes, qui sommes des matérialistes, il n’est pas indispensable qu’une classe soit consciente d’elle-même (« classe pour soi ») pour qu’elle existe et qu’elle produise des effets dynamiques : les Misérables décrits par Hugo n’attendirent pas pour dresser des barricades que le nom scientifique de prolétaires leur eût été attribué ; déjà, sans le savoir, ils étaient « en soi » la classe prolétarienne révolutionnaire porteuse d’avenir. Nous aurions aussi des différences politiques à faire valoir avec l’analyse de M. Sainte-Marie. S’il est vrai que les luttes actuelles exigent clairement d’unir les Français en lutte très au-delà des frontières de la gauche officielle (c’est ce qui s’est passé déjà le 29 mai 2005), il n’en reste pas moins qu’il faut que le front révolutionnaire en gestation soit centré sur le monde du travail, qu’il défende clairement des objectifs progressistes et égalitaires, qu’il repousse catégoriquement les fascistes, racistes et assimilés, qu’il assume nettement l’égalité hommes-femmes (les femmes sont d’ailleurs bien présentes dans les barrages, voire dans les affrontements de rue !) ; bref, que, comme en 36 ou en 45, où la colonne vertébrale du mouvement reposait sur la gauche patriotique et populaire emmenée par le PCF, les valeurs égalitaires et démocratiques longtemps symbolisées par Jaurès portent l’hégémonie au sein du mouvement. Sans cela, le risque existe que le « dépassement du clivage droite-gauche » aboutisse au populisme RÉACTIONNAIRE, voire fascisant, des Orban, Salvini et autre Le Pen.
Mais l’essentiel n’est pas là : l’essentiel est que, dans son texte, M. Sainte-Marie, qui par sa connaissance du marxisme et de l’histoire de France, plane loin au-dessus de la plupart de ses confrères politologues, valide plusieurs idées stratégiques que défend le PRCF depuis toujours. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque notre organisation se situe dans le droit fil de l’héritage marxiste, patriotique ET internationaliste du grand PCF de 1936 et de la Résistance :
– Socialement, le rassemblement populaire majoritaire qu’esquisse le mouvement des gilets jaunes, et qui n’est pas très différent du bloc du NON de 2005 à la constitution européenne, est centré, sans exclusivité, sur le prolétariat : ouvriers, employés (dont M. Sainte-Marie a tort d’exclure les petits et moyens fonctionnaires de plus en plus précarisés, humiliés, « dégraissés » et paupérisés), techniciens, recoupe l’alliance stratégique des couches populaire et des couches moyennes contre l’oligarchie capitaliste et les 10% de privilégiés métropolitains qui font bloc autour d’elles (y compris en se donnant des postures de « gôche ») ; c’est, sous des formes neuves, ce que le PCF encore marxiste des années 60/75 appelait l’union populaire antimonopoliste. Sur les barrages figurent aussi des petits patrons qui, certes, apportent dans le mouvement des idées de droite, mais qui partagent avec les ouvriers – leurs clients quotidiens – un vif sentiment de déclassement et de rejet légitime des hyper-privilégiés du CAC-40.
– Politiquement, les 42 mesures avancées par certains Gilets jaunes vont globalement vers la gauche : augmentation des salaires, égalité salariale H/F, retour des services publics, renationalisations, zéro SDF mourant dans la rue l’hiver. Concernant les migrants, les GJ ne sont certes pas « sans-frontièristes », et nous non plus, n’en déplaise à la gauche petite-bourgeoise, mais ils réclament le traitement humain des demandeurs d’asile et l’aide aux pays de départ. Sur le plan institutionnel, ils portent des accents révolutionnaires puisque ils appellent à démissionner Macron et qu’ils aspirent à s’auto-organiser en bas et à contrôler de près leurs délégués comme c’était déjà l’exigence des Sans-Culottes et celle des Communards.
– Symboliquement, à l’encontre de la gauche européiste établie et des l’extrême-gauche soi-disant antifa (mais l’antifascisme véritable, celui des Francs-Tireurs et Partisans, était PATRIOTIQUE !), le peuple français en lutte se réapproprie la signification initiale insurrectionnelle, du drapeau tricolore et de la Marseillaise (« Aux armes citoyens ! »).
– Stratégiquement, et sans qu’il soit question ici d’applaudir les pillards et les vandales, le soulèvement populaire en cours dépasse dialectiquement l’opposition métaphysique qui opposait dans les années soixante les communistes partisans de la « voie pacifique » et les maoïstes adeptes de la « lutte armée » : quand on est déterminé, quand on ne SUBSTITUE pas l’usage de la violence insurrectionnelle à l’approbation majoritaire du peuple (les ¾ des Français soutiennent le mouvement et rendent difficile à Macron d’écraser militairement le soulèvement), on peut répondre à la contre-violence du pouvoir bourgeois et être compris de la grande majorité du peuple. Rappelons qu’en novembre 1917, l’insurrection armée des ouvriers bolchéviks a immédiatement donné le pouvoir à la majorité prolétarienne représentée par les Soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats…
Bien entendu, cela ne signifie pas que le mouvement soit parfait, et bien évidemment il ne peut l’être ; comme l’a mille fois souligné Lénine, un mouvement de masse fédérant des millions d’hommes, dont certains viennent pour la première fois au combat social, charrie forcément toutes sortes d’idées, y compris réactionnaires. Mais nous léninistes n’avons absolument pas peur de l’auto-organisation des masses, bien au contraire : admirateurs de la Commune insurrectionnelle de 1793, qui fut le bastion des robespierristes, de la Commune de Paris, des Soviets ouvriers et paysans de Russie ou d’Allemagne, nous sommes tout prêts à aider les gilets jaunes parmi lesquels nous militons à s’auto-organiser librement, à élire des délégués révocables à tout moment et charger de coordonner le mouvement jusqu’à la victoire complète. Et en même temps, nous appelons les syndicalistes de combat à ignorer, voire à désobéir à leurs états-majors attentistes ou hostiles aux Gilets jaunes (le mouvement populaire n’a pas besoin de « Berger » !), à tendre la main « en bas » aux Gilets jaunes, à construire le tous ensemble et en même temps en passant du blocage des routes au blocage du profit capitaliste, ce qui exige la jonction des gilets jaunes avec les gilets rouges luttant dans les entreprises.
Enfin, nous ADJURONS les véritables communistes, alors que le soulèvement populaire peut se muer en insurrection citoyenne, à rejoindre maintenant notre combat pour reconstruire un vrai parti communiste de combat, un parti révolutionnaire et léniniste, un parti ne craignant pas d’appeler à destituer Macron (alors que le PCF officiel l’a adoubé au second tour présidentiel en le présentant comme un rempart au fascisme !), un parti revendiquant la nationalisation-expropriation des entreprises stratégiques, un parti mettant le monde du travail comme tel au cœur du changement révolutionnaire et, symétriquement, appelant le peuple à changer vraiment de cap en sortant la France du quadruple carcan de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme. Avec le gilet jaune, mais sous les deux drapeaux révolutionnaires historiques du peuple français, le drapeau tricolore de la Révolution française et le drapeau rouge prolétarien de la Commune !
Georges Gastaud
Sainte-Marie : « Les Gilets jaunes ou le retour du conflit de classes »
Diplômé de Sciences Po Paris et d’une licence d’histoire, Jérôme Sainte-Marie a travaillé au Service d’Information du Gouvernement et à l’Institut Louis Harris. Il a ensuite dirigé BVA Opinion de 1998 à 2008 puis CSA Opinion de 2010 à 2013. Il a fondé en parallèle l’institut ISAMA en 2008. Il dirige actuellement Pollingvox, une société d’études et de conseil spécialisée dans les enjeux d’opinion, fondée en 2013. Il a publié Le nouvel ordre démocratique (éd. du Moment, 2015)
Nul ne sait aujourd’hui si le 8 décembre sera le point culminant de l’offensive des Gilets jaunes, mais on constate déjà une «montée aux extrêmes» de ce conflit social. Comme l’explique Clausewitz, la logique intrinsèque d’un combat militaire est d’entraîner les protagonistes à aller au-delà des objectifs politiques initiaux du conflit pour rechercher l’anéantissement de l’adversaire. En d’autres termes, la revendication initiale portant sur la fiscalité du carburant a débouché sur une crise majeure où les deux acteurs principaux ne se donnent plus la liberté de composer. Il en va ainsi du mouvement des Gilets jaunes, poussé à la surenchère par sa nature informelle là où des syndicats auraient déjà entamé des négociations, mais aussi de l’exécutif. Celui-ci s’est enfermé dans une logique d’intransigeance, n’acceptant de discuter que de points mineurs ou lointains, en se persuadant que l’avenir des réformes se joue ici et maintenant. Cette montée aux extrêmes doit sans doute un peu à la situation politique ou à la psychologie de certains, mais elle nous paraît tenir bien plus à la radicalité de l’antagonisme social à l’origine de la crise des Gilets jaunes, et que celle-ci accentue en retour. En effet, peu à peu à partir de la campagne présidentielle, puis de manière accélérée depuis le début de cette crise, les différences de perception entre les citoyens telles que les révèlent les études d’opinion s’éloignent des simples clivages entre catégories sociales pour revêtir l’aspect d’un véritable conflit de classes, formule qui mérite explication.
Si l’utilisation des catégories socio-professionnelles est banale, la notion de «classes sociales», elle, a mauvaise presse. Elle renvoie dans l’imaginaire collectif à peu près exclusivement à la «classe ouvrière» et au rôle prométhéen que lui attribuait la doxa communiste. Il faut cependant rappeler que la notion de «classe sociale» était fréquemment utilisée, y compris par des auteurs libéraux, avant que Karl Marx y ait recours. Malgré ce handicap politique, donc, cette notion constitue un instrument indispensable pour comprendre les dynamiques politiques, et particulièrement ce qui se joue aujourd’hui dans le conflit des Gilets jaunes. «Classe sociale» va plus loin que le terme de «catégorie sociale» utilisé dans les sondages car cela permet de penser une dynamique relationnelle entre groupes sociaux, dont le conflit fait partie. Cependant, cette notion de classe sociale implique que l’appartenance à celle-ci n’existe pas uniquement «en soi», mais aussi «pour soi». En d’autres termes, qu’il ne s’agisse pas seulement d’une désignation technique (y compris en rajoutant à la profession des traits culturels, relationnels ou autres) mais d’une identité vécue. Par exemple, si les deux tiers des Français pensent faire partie des «classes moyennes», on peine à définir cette notion de manière univoque. Inversement, alors que plus d’un quart de la population active est composée d’employés, rares sont les salariés qui se définissent socialement, dans leurs propos, comme tels. À grands traits, donc, pour qu’il y ait classe sociale il faut que la place d’un groupe dans l’univers économique, la production de ses moyens d’existence sociale, soit en concordance avec la manière dont se définissent spontanément les individus qui composent ce groupe. Or, la très forte différenciation du soutien au mouvement des Gilets jaunes souligne que la perception subjective de sa place dans la société recoupe de plus en plus sa réalité objective. De plus, par sa dynamique propre, et peut-être plus encore par la détestation ostensible qu’il suscite dans certains milieux aisés, ceux qui se sentent en harmonie avec la mondialisation économique pour le dire vite, le conflit en cours active cette transformation de sentiments épars de colère, d’injustice ou de désespérance en autre chose. Cette autre chose, dans sa forme collective, ressemble bien à l’imaginaire du conflit de classes, et d’ailleurs ce mot presque disparu, «classes sociales», revient avec vigueur, y compris dans le commentaire médiatique.
Pour ébaucher une analyse du conflit des Gilets jaunes en termes de classes sociales, il faut rappeler que son noyau dur est constitué des travailleurs indépendants ou salariés du secteur privé. Ce ne sont ni des exclus, ni des gens aisés. Simplement des personnes dont le labeur n’évite plus l’insécurité financière permanente. Et qui entretiennent une relation d’incompréhension et de colère mêlées face à un discours présidentiel revenant sans cesse sur la réussite sociale individuelle comme finalité supérieure. C’est la vaste classe salariale modeste, celle qui recherche davantage la pérennité de son mode de vie que la transformation de celui-ci par une réussite financière improbable. Dès lors, les clivages politiques sont secondaires: il y a parmi ces millions de Français dont les revenus tournent autour du salaire médian une communauté relative de conditions d’existence et de perceptions qui donne toute sa force propulsive au mouvement des Gilets jaunes. C’est exactement le contraire de la minuscule «Nuit debout», dont les rares participants procédaient à peu près tous de la petite-bourgeoisie diplômée des centres-villes, souvent liée au secteur public, déçue dans ses aspirations de promotion sociale, hors d’état de s’adresser à l’immense continent des actifs et acharnée à se dire de gauche.
Le conflit de classes actuel, donc, et c’est une des raisons fondamentales pour lesquels ce qui se joue ne ressemble guère non plus à Mai 68, se déroule dans un pays ravagé par des décennies de chômage de masse, lesquelles ont désarticulé l’encadrement politique et syndical des salariés du secteur privé. Les anciennes médiations ont disparu ou peu s’en faut, mais elles n’ont pas emporté avec elles les antagonismes réels et l’affrontement idéologique qui leur correspond. À l’inverse, l’élection d’Emmanuel Macron, porté politiquement mais aussi financièrement par les secteurs les plus aisés de la société, comme le montre la lecture des comptes de campagne de la présidentielle, a rendu plus aiguës et surtout plus visibles les lignes de fracture de la société française. Ces divisions du pays, en termes financiers, culturels et même géographiques se cristallisent à l’occasion de la crise actuelle en un conflit unique.
S’ajoute désormais à cet ensemble explosif un élément majeur, le sentiment national. Jamais depuis des décennies n’avait été vue dans un mouvement d’abord motivé par une question sociale, une telle floraison de drapeaux tricolores brandis et de «Marseillaise» entonnées. Au fil des rassemblements, à Paris mais aussi en province, un creuset apparaît où s’agrègent des groupes et des individus de sensibilité politique très diverse. En quelque sorte, le mouvement des Gilets jaunes forme le vaste «groupe en fusion» qu’évoquait récemment Anastasia Colosimo.
Ainsi, sans que ce soit forcément conscient, les Gilets jaunes participent avec vigueur à la démolition du clivage gauche-droite. Avec le projet macronien de convergence par le haut des libéraux de toutes tendances, ce mouvement fait système. La dureté qui caractérise parfois ses modes d’action renvoie aux difficultés sociales et culturelles que l’on invoque depuis si longtemps, sans en percevoir toutes les conséquences pratiques. L’alliage entre un imaginaire patriotique, un conflit de classes et la défiance à l’égard du système politique en place est la configuration la plus explosive qui soit. C’est pourquoi il y a ces derniers jours, dans les rues et dans les esprits, quelque chose qui évoque aussi bien les analyses de Karl Marx que les romans de Victor Hugo ou bien les souvenirs d’Alexis de Tocqueville.
Après les liquidateurs droitiers arrivistes Hue et Braouezec qui ont appelé à voter l’extrême droitier ultralibéral hyperatlantiste Macron dès le premier tour, nous avons droit à la voix de Mitterrandien arriviste Mélenchon alias Buffet avec les sinistres comités anti-libéraux et l’anticommuniste carcan FDG, puis à l’alliance avec la secte anticommuniste LFI avec le sénateur socialiste (élu par le PS) Laurent et enfin les Blairiste Brossat comme tête de lite PCF aux Européennes (ce bobo arriviste qui cachetonne à la ville de Paris grâce au PS) qui combat le Brexit ouvrier aux UK comme le blairiste Wurtz et enfin le huitiste Fabien Roussel.
Il faut un vrai parti communiste marxiste de luttes des classes pour aller au socialisme et donc passer par des renationalisations massives dans les télécoms, l’énergie, l’eau, les transports, l’école, l’université, la santé les banques, l’assurance, la poste, etc., en monopole public.