Par le secrétariat national du PRCF – 19 décembre 2018
Le PRCF se réjouit de constater que, comme c’est le cas sur d’autres sujets, d’autres forces politiques reprennent le mot d’ordre fédérateur que notre organisation a lancée dès 2009 d’un « nouveau CNR ».
Ce mot d’ordre est d’autant plus actuel que l’oligarchie euro-capitaliste qui détruit notre pays ne cache pas sa volonté de « démanteler le programme du CNR » (Denis Kessler, édito de Challenge, novembre 2007). En effet, comme nous l’avons maintes fois signalé, la « construction » euro-atlantique que poursuivent obstinément, malgré le rejet croissant du peuple français, les présidents successifs (Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, et, pire encore, Macron) imposent aux Français une cohérence sociale, politique et culturelle diamétralement opposée à celle que portait le programme du CNR intitulé Les jours heureux. Là où le programme du CNR, concrétisé par les réformes structurelles des ministres communistes de la Libération, visait à reconstituer la souveraineté nationale, la démocratie, la centralité du « monde du travail dans la vie nationale », le progrès social, les nationalisations de monopoles capitalistes, la bataille de la production, l’éradication du fascisme, le renouveau démocratique de l’Éducation nationale et de la Recherche, à promouvoir la culture et la langue française (souvenons-nous des Lettres françaises dirigées par Aragon et Claude Morgan), la « construction » européenne et atlantique vise au contraire à liquider l’indépendance nationale (« souveraineté européenne », « armée européenne » inféodée à l’OTAN, « saut fédéral européen »), le produire en France (privatisations, délocalisations…), la démocratie (viol du vote de mai 2005), à soumettre la France à l’Europe allemande, à appesantir l’État policier, à mettre l’extrême et l’ultra-droite en position d’alternative mortelle à la politique honnie de nos dirigeants.
Pour autant, il faut clarifier les conditions sociales et politiques de la construction d’un nouveau CNR digne de porter cette appellation prestigieuse.
En effet, des groupes politiques divers qui reprennent ce mot d’ordre présentent le CNR comme une sorte d’alliance droite-gauche, comme une nouvelle forme d’union sacrée entre des forces progressistes et des forces réactionnaires regroupées sous le vocable-valise de « patriotisme ». Disons tout net que le PRCF, et au-delà, tout vrai communiste et tout vrai progressiste, ne mordront jamais à cet hameçon dangereux. Qui n’a d’autre but que de mettre le peuple et les travailleurs à la remorque de forces dangereuses dont certaines fraient avec le FN (indécemment présenté par d’aucuns comme un « moindre mal » face à Macron) et trouvent même des vertus au gouvernement du néo-mussolinien Salvini. Ouvrir le nouveau CNR à de tels confusionnistes serait perdre sur tous les terrains car non seulement ces forces de droite pseudo-patriotiques flirtent en permanence avec des forces fascisantes, mais la plupart d’entre elles ne sont même pas claires sur la question décisive de la sortie, par la voie progressiste, sinon du capitalisme (on peut le concevoir de la part de forces non prolétariennes), du moins du carcan de l’euro, cette austérité continentale faite monnaie, de l’UE, cette prison des peuples, et de l’OTAN, cette machine à entraîner l’Europe et la France dans les guerres fomentées par Washington.
L’autre voie, que nous proposons, pour construire un nouveau CNR, est celle d’un Frexit franchement progressiste, antifasciste et internationaliste, d’un Front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste, ce qui implique la centralité du monde du travail dans la lutte pour l’indépendance nationale, du primat du progrès social et de la réduction des inégalités. Sans crainte de s’en prendre au grand capital, des nationalisations démocratiques servant de levier à la reconstitution du produire en France industriel et agricole, d’une franche défense de la laïcité, d’un combat sans merci contre le racisme, le fascisme, le communautarisme et l’intégrisme religieux, l’euro-régionalisme séparatiste, le machisme, l’homophobie et le climato-scepticisme d’une orientation indiscutable vers la coopération internationale, le refus du néocolonialisme et la sauvegarde de l’environnement et de la paix mondiale. Cela implique que la construction du nouveau CNR sera d’autant plus solide qu’elle aura pour centre de gravité ce que nos camarades du PC portugais appellent une « gauche populaire et patriotique » offrant au rassemblement populaire un inébranlable centre de gravité progressiste.
Bien entendu, la « gauche » établie a prostitué et obscurci le sens historique du mot « gauche », comme la direction du PCF arrimée au PS a compromis la référence au communisme, lequel a inlassablement trahi Jaurès, pendant que les LR usurpaient le 18 juin et que le FN a dévoyé la référence à la nation. Mais ce n’est pas une raison parce que certains salissent une référence noble qu’il faudrait cautionner leur manœuvre en leur abandonnant la référence à la gauche issue de la Révolution française, c’est-à-dire à celle des Sans Culottes, des Communards, de Jaurès, du Front populaire, de Mai 68, et plus largement aux idéaux de justice sociale, de démocratie, de paix, d’égalité des sexes, d’antiracisme, de laïcité, d’antifascisme, de combat pour les lumières et pour l’éducation populaire.
On nous opposera le passé et l’avenir. Le passé, en rappelant que dans le CNR historique, il y avait des forces de droite (derrière De Gaulle) et cléricales (MRP, CFTC). Rappelons tout de même que l’esprit comme la lettre du CNR était d’exclure d’emblée les fourriers de l’occupation : fascistes et grand patronat, ceux dont de Gaulle lui-même disait : « Messieurs, je ne vous ai guère vu à Londres ». Le texte du CNR, « Les Jours heureux », prône noir sur blanc « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie (…) le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ». De plus, notons qu’à l’époque la question de la révolution socialiste en France n’était pas posée, il fallait faire bloc avec De Gaulle pour éviter que l’occupation américaine de la France ne succède à l’occupation allemande. En outre, il existait encore alors une base sociale pour une grande bourgeoisie nationale, ne serait-ce que parce que le processus de concentration monopoliste n’était pas achevé en France (il ne le sera qu’avec la mise en place de la Vème République où l’État bourgeois et les monopoles capitalistes travaillèrent de concert aux fusions monopolistes…). Désormais, ces fusions s’opèrent à l’échelle transnationale, voire mondiale, et le MEDEF déclare lui-même étouffer dans le cadre de l’Hexagone et avoir « Besoin d’aire » : c’est dans son manifeste 2012 ainsi intitulé que l’organisation patronale déclare noir sur blanc vouloir substituer la « reconfiguration des territoires » (euro-métropoles remplaçant les communes et les départements, Grandes régions à l’allemande et « pacte girondin »), remplacer la France souveraine par « les Etats-Unis d’Europe » et « l’Union transatlantique » et qu’est mise en œuvre sans le moindre débat une politique linguistique inavouée visant à basculer rapidement du français au tout-anglais dans les entreprises et même à l’école primaire : en un mot, le grand patronat veut liquider la France pour tenter d’obtenir en contrepartie une place de brillant second de Berlin et de vassal privilégié de l’Oncle Sam. Bref, pour araser la France du CNR, extirper tout ce qui la gêne dans le « site France », humilier le mouvement ouvrier et démocratique, le MEDEF et le CAC-40 sont tout bonnement prêts à liquider la France et la République, à les réduire au rang d’expressions géographiques, folkloriques ou patrimoniales et à se mettre définitivement sous la protection contre-révolutionnaire de l’impérialisme allemand et/ou anglo-saxon.
Cela signifie qu’à notre époque, le cœur de la stratégie de classe du grand capital est clairement antifrançaise, européiste, atlantiste, et c’est vrai aussi du prétendu RN qui, désormais, ne fait plus mystère de sa volonté de rester dans l’euro, l’UE et l’OTAN et de réserver tous ses coups aux immigrés, aux communistes et aux syndicalistes. Il s’ensuit logiquement que, plus que jamais, le centre de gravité incontestable du nouveau CNR – et c’est entre autres pour cela qu’il sera « nouveau » – ce sera le monde du travail. Il est clair en effet que si un gouvernement patriotique et populaire dirigeait le pays, il aurait d’emblée contre lui toute l’oligarchie « française » et euro-atlantique. S’ensuivrait une série d’affrontements de classe, en France, mais aussi à l’étranger (Europe des luttes), dont le terme ne pourrait être que la victoire du peuple, donc la révolution socialiste. Ou à l’inverse, et plus encore si l’affrontement de classes est contourné ou n’est pas mené jusqu’au bout, la fascisation du pays et/ou sa désintégration finale dans l’Empire transatlantique. Voilà pourquoi, dans les conditions actuelles, qui ne sont plus celles de 45, le monde du travail doit être le centre de gravité du nouveau CNR.
Naturellement, cela ne signifie aucun exclusivisme, aucun isolationnisme, aucun sectarisme, dès lors que les bases sont claires. Face aux monopoles capitalistes et à leur Parti Maastrichtien Unique, qui tend à absorber toutes les forces pactisant avec l’euro-constructivisme, il faut unir largement le peuple dans un rassemblement populairedont feront partie, non seulement la classe ouvrières et les couches populaires (employés, techniciens, mais aussi travailleurs « ubérisés » et auto-entrepreneurs), mais la majorité des couches moyennes salariées et non-salariées et, sur le plan politico-idéologique, tous les patriotes antifascistes. On a vu certaines prémices de ce rassemblement populaire majoritaire lors du référendum sur Maastricht (où presque 50% des citoyens a voté Non), en décembre 95, où la majorité du peuple a soutenu les grèves, en mai 2005, où les ouvriers furent la force principale du Non et dans le mouvement des Gilets jaunes : les couches populaires y sont majoritaires et le mouvement est soutenu par les trois quarts de la population. C’est dire que des forces non immédiatement favorables au socialisme, en particulier des petits patrons, ou des républicains qui ne veulent pas aller jusqu’au socialisme mais qui veulent sincèrement la démocratie et l’indépendance nationale, le progrès social et la paix, peuvent parfaitement se retrouver dans le processus de formation d’un nouveau CNR. Les communistes n’imposent et n’imposeront absolument pas le préalable d’une acceptation du socialisme pour entrer dans cette alliance progressiste et anti-oligarchique : il ne s’agit pas de ce que veulent les marxistes mais des rapports de classes réels. D’autant que c’est d’abord dans et par les luttes que se constituera le nouveau CNR et que se dépasseront les clivages inopérants.
A l’évidence, la classe travailleuse n’aura pas à choisir entre son intérêt de classe, qui la conduit à rompre franchement avec l’UE et à tendre franchement vers le socialisme et la défense de l’indépendance nationale puisque, comme disait Robespierre, « le peuple n’a pas besoin de beaucoup de vertu pour être patriote, il lui suffit de s’aimer lui-même ». D’autres couches sociales, de par leur position intermédiaire dans la société, ne pourront qu’hésiter et tergiverser et, contrairement aux fascistes et aux hommes du grand capital, il faudra les convaincre et non les contraindre. Ce qui signifie que le socialisme de l’avenir devra, tant que cela s’avèrera utile et conforme à l’intérêt national, faire une large place à l’initiative privée, à la coopération, à un marché encadré par la planification démocratique et par la réorganisation du commerce international par l’État populaire nouveau. Les affrontements de classes entre partisans de l’indépendance nationale et oligarques euro-fascisants amèneront chacun à réfléchir et à choisir son camp : l’indépendance, au prix du socialisme pour la France, ou le ralliement ultime au capitalisme, et le reniement in extremis de l’indépendance nationale. Seule la classe ouvrière et ses alliés directs des couches populaires seront en mesure de conduire le processus indépendantiste jusqu’au bout, jusqu’à la rupture progressiste intégrale avec l’UE du capital, jusqu’à l’expropriation des grands capitalistes, de réunir la majorité du peuple à cette fin, toute conciliation avec l’oligarchie, toute direction du processus par les forces petite-bourgeoise conduisant à la faillite du processus révolutionnaire, comme on ne voit que trop aujourd’hui dans certains pays latino-américains. C’est pourquoi nous pensons que d’emblée, la Marseillaise et l’ Internationale, le drapeau rouge internationaliste de la classe travailleuse et le drapeau tricolore de la France libre doivent amicalement coexister dans la construction du nouveau CNR.
Concernant la France insoumise, nous considérons qu’elle est encore porteuse d’un potentiel populaire important. Cependant, depuis les présidentielles, les forces petite-bourgeoises et européistes ont marqué des points, éloignant les dirigeants insoumis du peuple en Gilet jaune et les écartant d’une contestation tant soit peu radicale de l’UE (même la référence au « plan B », déjà insuffisante par elle-même, semble absente du discours des chefs de file de la FI). C’est en partie la faute de ceux des communistes qui ont préféré condamner globalement et confortablement la FI et ce faisant, l’abandonner aux pressions petite-bourgeoises. Plus que jamais, nous appelons donc, avec ceux qui se sont détachés de la FI sur des bases populaires, patriotiques et républicaines, avec ceux qui y sont restés mais qui aspirent à un positionnement clair et non pas à une resucée du mitterrandisme, à s’unir dans les luttes pour qu’émerge une France franchement insoumise (FFI) à l’UE supranationale du grand capital.
Mais c’est centralement vers le peuple travailleur, et plus encore vers la classe ouvrière des usines, des chantiers, du transport et de l’énergie, ainsi que vers la jeunesse populaire qui refuse son déclassement massif, sans oublier le monde rural, qu’il faudra tourner les efforts pour que naisse, non pas seulement par des tractations de sommet, mais par la volonté du peuple, un nouveau CNR méritant ce nom prestigieux.
A ces conditions naîtra un nouveau CNR digne de Jean Moulin et des « Jours heureux », adapté à notre temps et porteur d’avenir, rouvrant au peuple français le chemin de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
C’est entièrement vrai,il faut un nouveau CNR, ça prendra du temps mais on y arrivera si le peuple souhaite vraiment se libérer!