Il n’y a pas qu’en France que les travailleurs se mobilisent. La colère gronde aussi en Belgique. SB notre correspondant à Bruxelles explique la situation.
La Belgique en grève générale février 2019
La Belgique a connu une grève générale le 13 février dernier. Suite aux tentatives de négociations entamées entre les organisations syndicales, le gouvernement et les organisations patronales, le front commun syndical a rejeté la marge très faible d’augmentation des salaires et la flexibilité démesurée voulue par les capitalistes. Ainsi que le refus gouvernemental /patronal de discuter des conditions des emplois de fin de carrière ou des pré-pensions.
Ils prétendaient enfermer les syndicats dans une marge salariale « disponible » de 0,8%… sur deux ans! À l’heure où les factures explosent … en période de croissance économique et de profit plantureux pour les entreprises ! Alors que les cotisations patronales ont diminué et que l’impôt des sociétés a été réduit …
les dividendes versés aux capitalistes n’ont jamais été aussi élevés.
En 2018 : Les entreprises cotées ont distribué 1.370 milliards de dollars de dividendes dans le monde. Ils ont crû de 8,5 %. C’est la plus forte progression depuis 2015. Une croissance supérieure également à la tendance long terme de 5-7 %
d’après l’étude du Cabinet spécialisé Janus Henderson
En 2018, selon l’étude de Vernimmen.net, les groupes du CAC 40 ont versé 46,5 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Au total, selon l’étude, la France reste le principal payeur de dividendes en Europe, avec un montant de 63,1 milliards de dollars (+7,5 % en sous-jacent).
Les organisations syndicales ont avancé plusieurs mots d’ordre : une augmentation significative de nos salaires, une augmentation du salaire minimum à 14€/heure ou 2.300€/mois, moins de pression et un travail faisable, plus de contrats à durée indéterminée et un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, une pension minimum de 1.500€ net, une fin de carrière en douceur via le maintien des régimes de pré-pension et des emplois de fin de carrière à partir de 55 ans, le relèvement des allocations sociales de 10% au-dessus du seuil de pauvreté, l’égalité salariale « À travail égal, salaire égal ! », le renforcement des services publics, des factures de biens et services essentiels (eaux, gaz, électricité) raisonnables, une plus grande justice fiscale qui déplacera la pression fiscale des épaules les plus faibles vers les plus fortunés, le capital et les grandes entreprises, etc.
Ces revendications immédiates sont plutôt populaires au sein du prolétariat. Il était évident que la grève nationale allait être particulièrement bien suivie. . ‘‘Rarement, une action a pu compter sur une telle compréhension’’, titrait le quotidien De Standaard.
Une grève générale !
La totalité des secteurs furent atteints. Des métallos aux travailleurs de la chimie, du pétrole en passant par les salariés des grandes enseignes (comme Carrefour qui a licencié 1.200 personnes en 2018), de la poste, des transports publics et des aéroports, du non- marchand aux services, du public et du privé, des banques et assurances (par ex. AXA qui sort d’une restructuration qui a touché 650 personnes).
Terrible constat : quatre années de gouvernement libéral/nationaliste, ce sont 160.000 personnes qui dépendent des banques alimentaires.
Grèves et climat
Après l’épisode des Gilets jaunes, c’est dans une ambiance de fortes mobilisations que cette grève a eu lieu. Depuis le début de l’année, le pays connaît « les jeudis pour le climat ».
Chaque jeudi, les jeunes adolescents des écoles techniques, professionnelles et des lycées ne se rendent pas à l’école mais préfèrent manifester et se mobiliser. Ils font grève.
Il y a d’abord eu une manifestation à Bruxelles réunissant plus de 70 000 personnes. La plus grosse manifestation jamais vue en Belgique sur les questions environnementales. L’intérêt médiatique et l’appel de la jeune suédoise Greta Thunberg au mouvement de grève en Australie « Strike for Climate » (« En grève pour le climat ») ont suscité le lancement d’une plateforme « Youth for Climate » (« Les jeunes pour le climat ») avec l’idée de faire des manifestations hebdomadaires, et ce jusqu’aux élections fédérales qui se tiendront en mai.
Sur les ondes de la radio « La Première », Piero Amand, jeune militant de 18 ans, soulignait:
« Ce n’est pas des pansements sur une jambe de bois, comme on le fait souvent aujourd’hui, ce ne sont pas de mesurettes qu’on a besoin, c’est vraiment un changement en profondeur de nos sociétés et un changement économique aussi, parce que la plupart des politiciens et des gouvernements aujourd’hui, surtout ceux qui tiennent au libéralisme à tout prix, tiennent vraiment à ce que la croissance soit l’objectif numéro un. La croissance, la croissance, la croissance tout le temps, la compétitivité, la concurrence, etc. Et tout ça, ce sont des règles qui valaient quand on devait produire des richesses, quand il fallait améliorer les conditions de vie des gens, et ça, ça s’est évidemment produit au siècle passé, mais aujourd’hui on sait que la croissance à tout va provoque des désastres écologiques. »
Piero Amand, lycéen belge en grève
Une première manifestation a rassemblé 3.000 jeunes. La semaine suivante, il y avait 12 500 manifestants. La semaine d’après: 42 000 apprentis grévistes. Toutes les grandes villes connaissent des rassemblements importants.
Les Partis de droite (au pouvoir) apprécient moyennement. Le mouvement échappe aux contrôle politique, à l’encadrement syndical.
La ministre flamande de l’Environnement, l’Agriculture et l’Aménagement du territoire, Joke Schauvliege, (CD&V, parti d’obédience catholique) a donné sa démission, à la suite de ses propos complotistes sur les manifestations des citoyens et des jeunes en faveur du climat. Genre : les gauchistes, Greenpeace, les associations environnementalistes manipulent les jeunes et vos enfants ! Elle tenait ça des services de renseignements…
Il n’y a plus eu de mouvement étudiant de grande ampleur depuis l’automne 1994 et la colère contre un décret qui visait à fusionner les nombreuses écoles supérieures non-universitaires ; ou depuis les grèves lycéennes des années 80 contre l’allongement du temps du service militaire et l’allongement du stage d’attente pour les jeunes sortant des études afin de prétendre à une allocation de chômage, un revenu.
SB pour www.initiative-communiste.fr
A propos des mobilisations « Youth for Climate », de la proposition de «grève mondiale pour le climat » prévue le 15 mars:
– Les positions syndicales: https://www.lesoir.be/208265/article/2019-02-21/greve-mondiale-pour-le-climat-les-syndicats-divises-sur-la-question
– Seule La Centrale générale/FGTB (430.000 membres, centrale qui regroupe la construction, la chimie et l’industrie, les secteurs des services et du non-marchand) affiche un soutien clair et couvre leurs militants d’un préavis de grève (mais ne mobilisera pas dans les entreprises), :
http://www.accg.be/fr/actualite/20190222-la-centrale-generale-fgtb-soutient-la-mobilisation-pour-le-climat