Notre camarade était l’invité de la chaîne d’info en continu Russia Today, pour y analyser ce qui se passe au Venezuela alors que les USA, avec l’appui de l’Union Européenne, ont lancé une intense agression contre ce pays d’Amérique Latine. Un véritable siège avec un blocus économique total, des tentatives d’attaques depuis la Colombie, des attaques terroristes contre le réseau électrique et le 30 avril dernier une tentative de putsch armé.
La transcription de l’interview d’Aymeric Monville
RT : Nous sommes donc avec Aymeric Monville, éditeur aux éditions Delga et écrivain.
Bonsoir M. Monville, Merci d’être en direct avec nous sur RT France.
J’aimerais tout d’abord vous faire réagir sur cette déclaration du ministre vénézuélien.
C’est vrai? Ils sont prêts en cas d’intervention militaire?
AM : Oui, vous avez à peu près 335 000 militaires et 2 millions de miliciens. C’est-à-dire que ce serait une situation non pas proche de la Libye mais de la Syrie, s’ils intervenaient. Les États-Unis sont connus pour avoir une très faible mémoire historique. Comme l’a rappelé M. Lavrov, ils ont oublié les leçons de la Yougoslavie et de tant d’autres pays martyrs. Mais effectivement, toutes les options sont sur la table avec eux, on peut s’attendre à tout avec eux, c’est bien cela le problème. On se demande aussi si cela ne fait pas partie de la stratégie du fou, la diagonale du fou, notamment quand on voit les sautes d’humeur de Donald Trump, comme on l’a vu récemment avec la Corée du Nord.
RT : Alors ce qui est cocasse, c’est que les États-Unis accusent la Russie et Cuba d’ingérence, mais eux ne s’ingèrent pas dans le Venezuela?
AM : Ah oui, ça c’est une règle absolue, c’est le pays qui a une « destinée manifeste », comme ils disent. Un petit peu comme le IIIe Reich qui pensait que les Allemands étaient au-dessus du reste du monde. Les États-Unis méritent peut-être le surnom de IVe Reich de ce point de vue.
RT : Vos propos n’engagent que vous car c’est un petit peu dur comme accusation tout de même. Rencontre Sergueï Lavrov/Mike Pompeo ce lundi, la question du Venezuela a été abordée, est-ce que, selon vous, la solution peut passer par la Russie?
AM : Ce qui est assez étonnant c’est que la Russie qui en 2015 devait compter environ 144 millions de personnes, c’est-à-dire un peu plus que le Japon, ce n’est pas une population énorme, mais avec un fort potentiel militaire, dotée de missiles mobiles qui lui ont permis de défendre l’espace aérien en Syrie, et avec une tradition diplomatique très forte qui lui a permis d’opposer une résistance aux États-Unis (« paix » et « monde » se disent de la même manière en russe). La Russie joue donc aujourd’hui un rôle positif, mais on néglige aussi de parler de la Chine. Comment se fait-il que Bolsonaro ne peut pas intervenir, car le responsable des armées brésiliennes a dit qu’il n’interviendrait pas, alors qu’on connaît très bien le tropisme pro-états-unien qui anime Bolsonaro? Eh bien c’est dû au fait que le premier partenaire commercial du Brésil, ce n’est déjà plus les États-Unis c’est la Chine. Donc la Russie est sur le devant de la scène, on dirait le sommet d’Helsinki de 1975 entre les États-Unis et l’URSS. Et cela se passe en Finlande également. Mais j’ai vu que Mike Pompeo a attaqué lors de ce sommet bille en tête la Chine et tout ce qui se passe actuellement en mer de Chine méridionale. Tout cela est sur la table.
RT : Alors, la Russie qui appelle actuellement aux pourparlers. On sent que ce n’est pas vraiment l’ambiance en ce moment. Vous y croyez à ces négociations?
AM : On parlait de IVe Reich, c’était peut-être excessif. Mais c’est Sergueï Lavrov lui-même qui avait parlé à propos de Etats-Unis de Blitzkrieg. C’est bien un Russe qui parle d’un mot allemand, on sait bien que le Blitzkrieg avait pendant la guerre échoué devant Moscou. Je crois que Lavrov voit bien le côté complètement fou de ces énergumènes autour de la Maison-Blanche. Je crois que la diplomatie russe joue un rôle de temporisateur, comme on disait des armées romaines (cunctator) par rapport à Carthage, il fallait temporiser face à cette force-là. Il s’agit de gagner du temps. Et d’ailleurs le documentaire que vous avez passé le montre bien, le temps joue en la défaveur de quelqu’un comme Juan Guaido. Il avait cent jours dans son interim pour prétendument organiser des élections. Désormais il est encore plus illégal qu’il ne l’était auparavant.
RT : C’est une question qui peut paraître naïve mais beaucoup de télespectateurs peuvent se la poser : pourquoi le Venezuela suscite-il autant de passion, et notamment de la part des Etats-Unis?
AM : Ecoutez, en ce moment, il y a une sorte de fausse nouvelle, je pense que ça va être bientôt démenti, qui a été propagée par Mike Pompeo au sujet de la prétendue fuite du président Maduro à Cuba. Je crois que même dans ce qui va s’avérer un mensonge on voit bien une obsession états-unienne derrière le Venezuela qui est Cuba. Leur idée c’est de dire que l’un et l’autre sont liés. On a déjà parlé des intérêts économiques qui sont évidents. Mais il y a aussi un intérêt symbolique pour les États-Unis de détruire Cuba qui pour eux a toujours été inadmissible.
RT : Pour vous cette fuite du président vénézuélien à Cuba, c’est une fake news? C’est effectivement ce qu’avait avancé la diplomatie américaine?
AM : Ce qui est très drôle c’est que Mike Pompeo avait dit quelques jours auparavant, lors d’une réunion devant des étudiants, que lorsqu’il était à la CIA il avait appris à mentir, tricher, voler. Je crois qu’on est bien dans ce cas de figure. On sait très bien que pour les dirigeants bolivariens, leur modèle en cas de malheur serait bien sûr celui du président Salvador Allende. Ils mourront sur place. On ne souhaite évidemment pas qu’on arrive à ces extrémités et bien sûr qu’ils pourront résister. Mais il est clair qu’ils n’abandonneront jamais le pays. Ce qu’a dit Pompeo fait partie actuellement d’une sorte de propagande de guerre pour tenter tout par tous les moyens. D’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le président Maduro, qui est un ancien syndicaliste qui a l’art de la négociation, résiste bien. On parle rarement de lui, on le voit souvent dans l’ombre de Chavez, ce qui est oublier ses qualités propres. C’est quelqu’un qui a pour l’instant été un très bon joueur d’échecs vis-à-vis de cette opposition, qu’il connaît bien d’ailleurs car c’était lui qui était responsable des négociations avec elle pendant des années.
RT : Merci en tout cas, Aymeric Monville, de nous avoir apporté votre analyse en direct sur RT France.