SOLIDARITÉ TOTALE AVEC MUMIA ABU-JAMAL et avec tous les militants anti-impérialistes et antiracistes des Etats-Unis
Motion de la 5e conférence nationale du PRCF, réunie à Paris les 1er et 2 juin 2019
« Voix des sans-voix » à Philadelphie, défenseur infatigable des pauvres, des travailleurs et des minorités discriminées, le journaliste étasunien MUMIA ABU-JAMAL est embastillé depuis des décennies par la « justice » raciste de Pennsylvanie. Faute d’avoir pu le faire exécuter, les autorités ont condamné Mumia à mourir en prison à petit feu sans même lui dispenser les soins médicaux urgents qu’exige son état.
La conférence nationale du PRCF réunie à Paris les 1er et 2 juin 2019 unanime réaffirme sa solidarité humaine et politique plénière avec Mumia ; elle lui dit toute son admiration pour l’exemple permanent de fermeté, de solidarité internationaliste, de courage indomptable et d’inébranlable amour de la vie qu’il donne à chacun du fond de sa geôle.
LIBERTÉ INCONDITIONNELLE POUR MUMIA, HONTE aux gouvernants étasuniens qui osent se prévaloir des « droits de l’homme » pour s’ingérer dans les affaires d’autres pays (Venezuela, Cuba, Irak, Nicaragua, Ukraine, Iran, etc.) alors qu’ils traitent de la manière inhumaine les militants étasuniens engagés dans la lutte anti-impérialiste.
Pour la conférence nationale du PRCF unanime,
Pierre Pranchère, président de la commission internationale,
Aymeric Monville, secrétaire,
Daniel Antonini, secrétaire adjoint
En prison depuis 37 ans, Mumia Abu Jamal a enfin le droit de se défendre. A quand sa libération?
Mumia Abu Jamal vient de fêter ses 65 ans. Celui qu’on surnomme « La Voix des Sans Voix » a passé la plupart de sa vie en prison – déjà 37 ans – après sa condamnation à mort en 1982. « Un procès à charge » , dénoncent ses soutiens dans le monde entier. L’évolution de cette affaire judiciaire semble malgré tout leur donner raison. Après la commutation de la peine de mort en prison à vie en 2011, une décision historique vient de tomber : la justice de Pennsylvanie a enfin accepté pour la première fois que la défense de Mumia puisse faire appel. Interview avec Jacky Hortaut, animateur du Collectif français « LIBÉRONS MUMIA ».
Pouvez-vous revenir sur les raisons pour lesquelles Mumia a été condamné ?
C’est une affaire relativement classique aux États-Unis. Mumia est un Afro-Américain, à l’époque, c’était un journaliste assez brillant, il travaillait pour plusieurs radios à Philadelphie, dans l’État de Pennsylvanie. Il a été accusé d’avoir tué un policier. Je précise : un policier blanc. C’est plutôt dans l’autre sens que cela se produit en général, surtout aujourd’hui. Il suffit de voir le nombre de citoyens étasuniens d’origine africaine qui ont été tués par des policiers ces dernières années… Mais lui, il a été accusé de l’inverse : c’était le journaliste noir qui avait tué un policier blanc.
Il a été accusé de cet homicide alors qu’il avait été lui-même grièvement blessé lors de ce crime. Cela s’est passé en fin de nuit, dans une grande artère de Philadelphie. À l’époque, Mumia n’arrivait pas à vivre de son seul métier de journaliste engagé, raison pour laquelle il exerçait le métier de chauffeur de taxi à mi-temps, pour des raisons économiques. Ce jour-là, en déposant un client vers trois ou quatre heures du matin dans une grande artère de la ville, il a reconnu son frère, les bras en l’air, braqué par un policier. Il a donc laissé son véhicule au bord du boulevard, il l’a traversé, et au moment où il est arrivé sur les lieux du contrôle qu’opéraient les policiers, une fusillade a éclaté. Un policier a été tué, Mumia a été grièvement blessé. La police l’a embarqué immédiatement au commissariat. Constatant que Mumia perdait énormément de sang et pris de panique à l’idée qu’il risquait de décéder sur place, les policiers l’ont amené à l’hôpital. Sous la protection du corps médical, il a mis plusieurs mois avant de se rétablir et d’être traduit en justice sous l’accusation d’avoir commis un meurtre.
Le procès a été engagé … Il n’a jamais pu défendre son innocence, ni présenter le moindre argument, car dès la première audience à laquelle il a participé, il a fait l’objet d’une arrestation immédiate et a été incarcéré. Des audiences suivantes on a constaté que le procès était à charge de bout en bout, sans qu’il ait la possibilité de produire des témoins. De plus, son avocat commis d’office n’a eu que quelques jours pour traiter le dossier. Sachant par ailleurs qu’aux États-Unis il n’y a pas de juge d’instruction, c’est à la défense de contester la charge de l’accusation et donc de faire des enquêtes. Vous imaginez qu’en quelques jours ou quelques semaines, sur un dossier dont l’enjeu était la peine de mort, Mumia n’a pas été défendu dans des conditions normales si l’on se réfère aux normes internationales. Le procès a été raciste et expéditif.
Des organisations de défense des droits de l’homme se sont-elles penchées sur son dossier ?
Oui, suite à ce procès et à la condamnation à mort de Mumia en 1982, des organisations comme Amnesty International, la Commission des droits de l’homme de l’ONU et même le Parlement européen, ont produit des rapports qui ont fait beaucoup de bruit. Notamment celui d’Amnesty USA, qui disait qu’il y avait des dizaines de raisons de droit pour considérer que Mumia avait été condamné dans des conditions inadmissibles. En tout cas, il n’avait pas eu la possibilité de se défendre. Mumia avait alors 28 ans quand il a été condamné à mort. Aujourd’hui il en a 65 et il est toujours en prison.
Pendant ce temps-là, cette affaire a connu de nombreuses péripéties. Comment Mumia a-t-il pu échapper au couloir de la mort ?
Il est resté 30 ans dans le couloir de la mort. Quand on est condamné à mort aux États-Unis, les procédures de recours sont très longues. D’abord dans l’État qui vous a jugé selon ses propres lois, puis devant les tribunaux fédéraux selon les lois qui s’appliquent à l’ensemble du territoire étasunien.
Un condamné à mort a en moyenne 10 ans de recours avant d’être exécutable. Jusqu’au début des années 1990, Mumia a usé de tous ses recours. À chaque fois ils ont été rejetés, jusqu’à la Cour suprême des États-Unis, la plus haute juridiction américaine. Ensuite Mumia a été visé par deux ordonnances d’exécution. La première, en 1995, laquelle a fait monter en puissance la mobilisation aux États-Unis et a sensibilisé l’opinion du monde entier. Cette mobilisation a permis que cette ordonnance soit levée, et Mumia n’a pas été exécuté. Mais quatre ans plus tard, en 1999, il y a eu la même tentative. Mumia était encore plus connu sur la planète, et il y a eu une très importante mobilisation internationale qui a conduit à ce que le gouverneur de l’État revienne sur sa décision, quelques heures seulement avant l’exécution programmée.
Depuis l’an 2000, Mumia a eu plusieurs équipes de défense, mais il a surtout bénéficié d’une mobilisation qui n’a fait que grandir à travers le monde. À partir de cette époque, le rapport de forces a été plus engagé sur la question des conditions dans lesquelles Mumia avait été condamné avec pour objectif d’obtenir la révision de son procès ; et dans le même temps, ses soutiens ont pu l’aider financièrement et juridiquement pour multiplier les preuves de son innocence.
Ce travail réalisé durant la première décennie de l’an 2000 a conduit en 2011 à ce que la Cour suprême des États-Unis considère enfin que les conditions dans lesquelles sa condamnation à mort avait été prononcée étaient contestables. Le considérant toutefois toujours coupable, la Cour refusait la révision de son procès mais autorisait la commutation de sa peine en prison à vie.
Il est alors sorti du couloir de la mort en 2011, après y avoir passé 30 ans. Cette première victoire fut un encouragement à continuer le combat. Car qui dit condamnation à perpétuité dit deuxième condamnation à mort – une peine de mort lente selon l’expression de Mumia – sans possibilité de bénéficier d’une libération conditionnelle. C’est la situation judiciaire dans laquelle Mumia se trouve aujourd’hui.
En décembre 2018 la justice de Pennsylvanie a accepté pour la première fois que la défense de Mumia puisse faire appel. Qu’est-ce qui a permis cette évolution dans son procès ?
C’est la meilleure nouvelle que nous ayons eue depuis 2011, la plus importante judiciairement parlant. Cette décision a été prise par une Cour qui avait été saisie d’un nouveau recours de la défense de Mumia, à partir d’une nouvelle jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis qui interdisait désormais qu’un même magistrat puisse être impliqué plusieurs fois dans l’affaire d’une même personne. Cette jurisprudence s’applique notamment sur des procès où l’aboutissement pourrait être la peine capitale. Le cas de Mumia correspondait au cas de figure d’un condamné ayant bénéficié d’un nouveau procès. Pour l’affaire Mumia, le magistrat en cause s’appelle Ronald Castille, lequel avait été procureur à Philadelphie puis juge à la Cour suprême de Pennsylvanie avant d’en être son premier président. Et à chaque fois que le cas de Mumia a été relancé par sa défense en présence de ce magistrat les recours ont été rejetés systématiquement.
Ce n’est plus possible dans le droit étasunien aujourd’hui, grâce à cette nouvelle jurisprudence de la Cour suprême. Ainsi, après plus d’un an et de nombreuses audiences, le juge – seul magistrat ayant accepté que Mumia puisse témoigner par téléphone depuis sa condamnation à mort – a fait droit à la demande d’un nouveau recours en appel à Mumia.
Mais à la toute fin de l’année 2018, les soutiens de Mumia ont reçu une douche froide… Que s’est-il passé ?
Oui. Ce mauvais coup a été porté par le nouveau procureur de Philadelphie. Ce dernier avait pourtant bonne presse auprès de la communauté afro-américaine, mais aussi plus généralement auprès des organisations de défense des droits humains. Il avait été brillamment élu procureur en 2017 après une carrière exemplaire en tant qu’avocat où il avait défendu toutes les causes portant atteinte aux droits humains. Il avait bénéficié d’une grande sympathie du côté des plus pauvres, de ceux qui étaient victimes de racisme et de discriminations. Ce qui explique la déception et la colère des soutiens à Mumia lorsque, un mois après la décision du juge donnant droit à ce dernier à un nouveau recours, il a contesté celle-ci en demandant son annulation pure et simple.
Son intention a provoqué l’effet contraire !
En effet, il y a eu une forte mobilisation tout au long des mois de février et de mars pour que ce procureur retire sa contestation et que Mumia bénéficie de la plénitude de la décision du juge. Finalement, la mobilisation l’a emporté ! Pour la part qui lui revient, le collectif français a contribué à ce succès. Début avril, le procureur a retiré sa contestation, ce qui fait que la décision du juge peut être mise en œuvre. Sa défense a engagé immédiatement un appel. L’affaire judiciaire est ainsi repartie, alors qu’on n’y croyait plus beaucoup ces dernières années. C’est un événement considérable.
Ces 37 ans de prison ont dû être une expérience éprouvante à tous points de vue. Pourriez-vous nous parler aussi de l’état de santé de Mumia ?
Ces toutes dernières années, Mumia a connu des conditions très difficiles, y compris après sa sortie du couloir de la mort. Bien qu’en prison de moyenne sécurité il a des contacts avec d’autres prisonniers, ce qui n’était pas possible durant les 30 ans passés dans le couloir de la mort, parce qu’il était à l’isolement total. Il y a quatre ans, Mumia était très gravement malade parce qu’il était atteint d’une hépatite C. Il a failli mourir. Il a dû mener, à cette occasion également, une bataille judiciaire absolument incroyable, avec une forte mobilisation internationale, pour qu’il puisse bénéficier des meilleurs soins. Grâce à cette mobilisation, l’administration pénitentiaire de Pennsylvanie a été condamnée à lui donner le traitement. D’ailleurs, des centaines de prisonniers en Pennsylvanie qui souffraient de la même maladie ont également pu bénéficier de ce traitement.
Le virus de la maladie ayant été éradiqué, Mumia va mieux, mais certaines séquelles n’ont pas disparu comme la cirrhose du foie et plus récemment l’apparition d’un glaucome.
Pour celles et ceux qui connaissent un peu le travail de Mumia, on sait à quel point il s’agit d’un journaliste engagé : il s’exprime régulièrement sur l’actualité dans le monde, à travers ses lettres et ses écrits envoyés depuis la prison… Comment qualifieriez-vous le moral de Mumia pendant toutes ces années ?
Tout à fait, Mumia est un érudit : il a plein de qualités, ce grand Mumia. Il n’est pas seulement grand en taille, il l’est aussi par ses idées. Il a écrit une dizaine de livres durant sa captivité. Il donne des piges régulièrement à « Prison Radio ». C’est une radio à forte audience qui donne aux prisonniers la possibilité de communiquer avec leurs familles.
Pour sa part, Mumia s’y exprime sur les problèmes du monde, sur la politique américaine, sur les droits humains, sur la justice, sur la peine de mort, sur l’incarcération de masse… Il exerce, comme il le dit, son métier de journaliste depuis la prison !
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