Réponse à Stéphane Bern, ce quinqua royaliste, qui joue au damoiseau nouveau et volubile, comme un perdreau de l’année, et qui nous interpelle comme des jouvenceaux tombant en pâmoison devant les rois, les peoples et autres vieilleries non recyclables.
L’ancien cadran solaire
lignait de son doigt d’ombre
une surface de lumière et décomptait
les pas du jour, qui vers la nuit
cheminait.
Du lever au coucher, le temps
se toisait à l’aune des silhouettes
nombreuses, qui s’allongeaient, et
se fondaient en un nuage de sépia
qui, les dormeurs emmaillotait,
laissant dehors les satyres, les loups,
les aspics et les basilics.
A l’aube balbutiante, lorsque
la pénombre se délitait devant les premiers
rais, les volées sonnées et vibrantes
des cloches en nombre, sonorisaient
les reflets rougeoyants des nues
qui s’effilochaient. Du clocher, leur
balancement retentissant, berçaient
les naissances puis enjambaient et
sonnaient la mesure des heures du jour
qui passait. Leur timbre grave et long
rappelaient ceux qui trépassaient et
appelaient à l’aurore, lors de l’enfantement
de la lumière, les fidèles dont les Ave
Maria vers le ciel, s’élevaient.
Leur résonance, encore nous parvient
et revient comme l’antique témoin
de ces temps reflétant l’entendement
vertical et rustre de ces besogneux qui
faisaient de l’élévation vers les cieux
lumineux le gradient de la pureté et
jaugeaient leur sublime ascension dans
l’espacement essentiel les distanciant d’avec
la glèbe, ses bourbes et leurs émois souterrains.
La quête de quelques pitances et des
subsistances était enchâssée dans cet âge
de nécessité frustre où l’on veut croitre
et s’élever à l’instar des plantes
qui germent et poussent depuis les limons,
les alluvions et la fange et qui, à la fin,
confient au vent, leurs parfums délivrés
leur fragrance libérée.
D’une litière les gueux
s’extrayaient,
l’échine pliée, et survivaient de la terre
comme des êtres de somme attendant
que leurs jours finissants se délitent
vers le ciel en un distillat épuré,
vers un cercle de lumière solaire et
céleste vénéré comme icelui enluminant
la tête des saints ou posé sur icelle
du souverain qui fondit des ors
par lui dérobés et s’en ceignit le front.
Pourquoi vécurent-ils ployés, ainsi
qu’une courbe plainte coiffant une vie
astreinte sous le joug de la survie
et n’osant qu’un peu les yeux lever
pour se courber davantage sur le passage
d’un maitre couronné?
Poussant la houe, les paysans s’échinaient sous
le licou de Monseigneur, qui sur ses terres,
jouissait de cent redevances ainsi que
de l’usage des épouses par droit de culage.
Et si les famines gélifiaient les foyers
mortifiés c’est sous le gibet, par
mainmorte que sa grandeur recouvrait son dû.
il est demeuré, dans la souvenance
populaire, l’outrance de ces chancres
parasitaires menant grand train
et guerroyant pour étendre leur biens,
et que leur fils à l’église fut donné
pour prolonger leur emprise et leur filles,
mariées pour accroître puissance et influence
En cet âge moyen qui se sublime dans
l’ascension il était d’obscures diableries
grouillant sous le sol et des vilénies
à faces de gargouilles, qui d’en dessous
la terre, par mille, provenaient et
venaient posséder, les pauvres gens tout comme
les mal-lotis, les mal-nés, les malvenus,
les nés tordus des bas étages et les disetteux
issus des basses contrées où logeaient,
atterrés tâcherons et besogneux
Miséreux nés à bien cent lieues de
leurs altesses, dont le sang bleu roi,
par une tromperie frisant la vilénie,
manifestait un haut lignage et divinisait
une autorité acquise par le pillage,
l’outrage, le forçage et le mariage.
Nécessiteux nés à bien mille lieues de
leur majesté chevauchant un beau frison
en amazone et confiant, au zéphyr, une traine
de soie.
Comment devant tant de grandeur,
de bon aloi et de noblesse ne pas, avec
candeur, se confondre en petitesse et
se fondre dans l’expiation de ses fautes?
En ces temps, la vie ne valait que
quarante
printemps et ceux, dont les flancs
étaient meurtris par les morsures du gel
et de la vermine, s’éveillaient, le corps transi
et dénutri, qui seulement, sous le soleil
levant, se détendait. La promesse mirifique
et conditionnée d’un envol, à la fin,
vers l’Eden et ses jardins prolifiques
corsetait l’âme du petit peuple et des vilains.
En ces temps de disette, il fallait
faire
de racines, d’herbes et parfois de terre
sa provende et de ses pêchers, grande amende.
En ces temps faméliques et de grand froid
pour ne point périr occis par grand-faim
il leur fallait détrousser quelques rupins
en chemin de leur manger, étoffes, sel
et tabac et les laisser furibonds et pantois,
la chemise arrachée, puis à grand train,
filer en bandes rassasiées, par vaux
et par monts.
Sous les halles ou en place du
marché,
ils bazardaient à l’envi, les denrées
autant nécessités qu’espérés. En errance,
sans pénitence et sans repentance,
toujours fautant et encore fautant,
comme mus par quelque ferment d’une liberté
bourgeonnante et autodidactique, ils
couraient les garrigues et les estives
comme des lapins bien aimés, embrochant
quelques venaisons et boutant les gabians
et la maréchaussée venue les endiguer.
C’est en martyre qu’ils finirent,
quand en place
publique quelque fondé d’autorité abattit
l’épée nobiliaire vers les manants,
prescrivant la sellette, l’écartèlement
et le carcan aux indociles, aux révoltés
aux diffamés, aux possédés, aux affamés,
aux malfamés et aux courroucés. Du Dauphiné
jusqu’en Provence, tous eurent longtemps
souvenance, de leur bienveillance et de
leur souffrance et le chant de leur geste
sublime au bénéfice des assujettis et
des asservis fut longtemps repris.
C’est avec tambour et olifants,
qu’était
annoncée l’entrée en guerre des importants,
de leur suite et de leur piétaille armée.
De bataille en représailles enrégimentés
par une éminence dont le front cerclé d’or
reflétait la lumière comme une providence
divine, les indigents cheminaient à leur
insu vers le carnage et leur propre abattage
avec à l’arrière sa seigneurie en marche
vers la conquête de terres nouvelles.
Ceux qui se paraient de l’hermine et
du lys
ainsi que leur aréopage de bien nés
et de nobliaux avec une particule
clôturant terroirs et territoires,
commuèrent avec adresse et par subterfuge
adroit, en de hauts faits d’arme et
en des batailles mémorables, leur pêcher
originel d’accaparement des terres,
des rivières et des hères par la guerre,
et la coercition. Cornaquant les dépossédés
et réputant le manquement à leur sujétion,
pendable, leur indigénat, damnable et
leur dénuement, blâmable… ils régnèrent.
Les ménestrels, firent des chants de
leurs
prouesses guerrières où se convertissaient
les richesses pillées, en de justes gages,
et les terres volées, en accroissement
des apanages. Ainsi le joug et le mors
devinrent-ils l’héritage subi et prescrit
des étranges sans terre, des sans-dents
corvéables et des pouilleux aussi
dépouillés que taillés à l’envi, des
sac-à-vin et paillardes dérivant en enfer
à en être bastonnés, de la menuaille asservie
comme merdaille et toisée de haut comme des
vilains médisant des prévôts, de leurs
excellences et terminant dans les fers.
Ces morsures, en ces temps, ne
cessèrent
que lorsque l’humeur sombre de ceux qui
avaient en main la fourche, le fléau et
la faux devint fureur puis tourmente lapidaire
et se fit trombe incendiaire
étêtant
aussi par cent mille la chefferie empanachée.
La mesure de ces temps ne se prit, que
lorsque que fut retourné, le sablier et
que furent comptables, nobles et notables
d’avoir tenu dans les fers de la concussion
et de leur rapinerie ainsi que sous leur feu,
le pays.
Du centre et du haut bord de
l’ancien
cadran solaire un trait sombre projeté
fendait la plate clarté et poursuivait
sa course dans la lumière étale
pendant que bruissaient, dépits et doléances
depuis des bâtisses érigées en cercle
le long d’un cours montant comme
une ellipse dépierrée, à l’assaut,
du haut surplomb où trônait le château.
Patrick Grelait
Les illustrations sont de la rédaction, tirée de la banque d’images libres https://pxhere.com/