Dans le concert permanent de propagande en faveur de la junte fasciste installée à la faveur d’un coup d’État à la tête de l’Ukraine par l’Axe UE/OTAN/USA en février 2014, cette décision de justice devrait ouvrir bien des yeux. La condamnation pour diffamation du Comité Ukraine, un cercle rassemblant des journalistes et universitaires prétendant faire autorité sur le sujet dans les médias, obtenue par le journaliste Paul Moreira, un reporter de l’agence Premières Lignes bien connue pour ses enquêtes régulièrement diffusées par Envoyé Spécial ou Cash investigation. Cette condamnation est à mettre dans la continuité de la condamnation pour diffamation également du livre de la publiciste C Vaissyé « les réseaux du Kremlin ».
Voilà, c’est fini. Toutes les instances de la justice française se sont prononcées, de la 17ème chambre correctionnelle à la Cour de Cassation. Son arrêt émis le 18 juin 2019 est définitif. L’auteur d’un article mensonger du “Comité Ukraine”, un blog hébergé par Libération, est condamné pour m’avoir diffamé.
L’article avait été écrit par la porte-parole du groupe Euromaïdan, Anna Chesanovska. Elle avait travaillé quelques jours comme traductrice pour mon enquête sur les milices nationalistes : “Les masques de la révolution”, diffusée sur Canal Plus en 2015. Anna Chesanovska avait traduit les interviews de deux leaders d’extrême-droite. Le chef néo-nazi de la brigade Azov : Andreyi Biletsky. Et un député du “Parti Radical” : Igor Moïssichuk, autre figure musclée qui avait torturé des opposants devant les caméras et posté les vidéos sur You Tube.
Durant les trois jours où elle était venue apporter un renfort à la traduction, j’ai compris qu’Anna Chesanovska nourrissait une admiration enthousiaste pour ces deux hommes. Elle fut un peu déçue du résultat. Elle ne fut pas la seule. L’ambassade d’Ukraine a demandé la censure du film. Les réseaux liés aux nationalistes ukrainiens ont mobilisé tous leurs soutiens, chez les militants, trolls, “experts” ou journalistes amis.
Une petite tempête a déferlé sur internet. Sur les réseaux sociaux, des injures et menaces de mort. Ma page Wikipedia vandalisée. Des critiques de quelques journalistes couvrant la région, d’autant plus violentes que je mettais en lumière des évènements qu’ils avaient eux-mêmes soigneusement maintenus dans l’ombre, notamment le massacre d’Odessa. 43 civils brûlés vifs par des milices nationalistes ukrainiennes.
Mais la plupart de ces attaques restaient dans les limites du débat polémique.
En revanche, le blog “Comité Ukraine”, auréolé d’une réputation de sérieux, avait publié un texte volontairement mensonger. L’article d’Anna Chesanovska accourait en défense des deux chefs de milice et affirmait que j’avais manipulé sciemment leurs interviews afin de les faire passer pour des “bêtes féroces”. Son attaque avait les apparences de la révélation. Elle avait participé à l’équipe, elle se targuait d’un statut de témoin. Mais ce qu’elle affirmait était tout simplement faux. Les questions étaient franches mais ils avaient pu se défendre sans que leurs propos soient tronqués. C’était vérifiable en regardant simplement le documentaire. J’ai donc envoyé un long message à Renaud Rebardy, l’un des gestionnaires du blog “Comité Ukraine”, avec les citations exactes et lui demandant de regarder par lui-même et rétablir les faits. Message resté sans réponse. Je nourrissais jusqu’alors un certain respect pour le “Comité Ukraine”, formé d’universitaires et anciens diplomates. J’étais surpris qu’ils ne réagissent pas. J’ai donc porté plainte en diffamation contre l’auteur de l’article.
La justice a donc examiné les faits et tranché.
Ce périple judiciaire a été pour moi particulièrement révélateur. À ce jour, le “Comité Ukraine” n’a toujours pas corrigé l’article. On reconnait les propagandistes à ce qu’ils préfèrent toujours un mensonge utile à une vérité dérangeante. Depuis le film, les milices nationalistes n’ont cessé de prendre de l’espace. Des pogroms ont été commis contre les Roms. Avec des scènes dignes des années 30 où des camps sont détruits et des civils sont poignardés. Pas un mot dans les publications du “Comité Ukraine”. La justice m’a alloué la possibilité d’acheter un encart afin de rendre publique cette décision de justice. Nous pensions pouvoir publier ce communiqué judiciaire dans l’espace blogs de Libération afin d’y rétablir un semblant d’équilibre. Le journal Libération a refusé de nous vendre un espace pour cette publication.
Source :Facebook, Paul Moreira, 01-07-2019
https://www.les-crises.fr/ukraine-condamnation-definitive-dune-fake-news-par-paul-moreira/