En dépit de toutes les proclamations hypocrites sur la séparation des pouvoirs, l’élévation des magistrats jusqu’aux fonctions judiciaires les plus éminentes n’est pas indifférente à leur dévotion vis-à-vis des puissants.
Aussi, la haute magistrature ne brille-t-elle ni par son indépendance ni par son courage.
Les 2 avis rendus le 17 juillet dernier par la juridiction suprême de l’ordre judiciaire en fournissent une nouvelle fois la démonstration.
La Cour de cassation avait à se prononcer sur la compatibilité des « barèmes Macron », qui encadrent le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause, notamment avec les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne et l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail.
Ces textes sont censés garantir au salarié injustement privé de son emploi le droit de percevoir en réparation une « indemnité adéquate ».
Pour les demandeurs et pour le commun des sans-dents, le terme « adéquat » revêt un sens clair et précis. Est adéquat l’objet ou le dispositif adapté à l’objectif poursuivi ; en l’occurrence, la réparation intégrale du préjudice subi par le salarié du fait de la rupture abusive de son contrat de travail.
La question posée était donc la suivante : les limitations de l’indemnité pour licenciement sans cause, telles qu’instaurées au titre du nouvel article L.1235-3 du code du travail, permettent-elles la réparation intégrale du préjudice résultant pour le salarié de la perte injustifiée de son emploi ?
La fine fleur de la magistrature judicaire, réunie dans sa formation la plus solennelle, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation, a tout simplement refusé d’y répondre, considérant que « Le terme « adéquate » [devait] être compris comme réservant aux États parties une marge d’appréciation ».
Ainsi, la formule « indemnité adéquate » aurait-elle pu être remplacée par « indemnité quelconque » ou même « indemnité dont le montant est arbitrairement fixé selon le bon vouloir de l’État partie ».
Pour la Cour de cassation, le mot « adéquat » ne veut pas dire « adéquat » et, très probablement, quelques professeurs de Droit feront passer ce bricolage moins solide qu’une armoire en kit pour une subtilité juridique inaccessible au profane.
Quel cynisme, à l’heure où la souveraineté nationale et populaire est en voie d’anéantissement, que d’invoquer une « marge d’appréciation » au bénéfice de l’État pour justifier une atteinte gravissime aux droits les plus élémentaires des travailleurs.
La partie n’est cependant pas terminée puisque, conformément à l’article L.441-3 du code de l’organisation judiciaire, les avis rendus par la Cour de cassation ne s’imposent pas aux juridictions qui les ont sollicités et pas davantage, dès lors, aux autres juridictions.
par BW pour www.initiative-communiste.fr