Le 4 août 1994, l’Assemblée nationale adoptait à la quasi unanimité la loi Toubon-Tasca censée protéger la langue française de la colonisation linguistique galopante du tout-anglais. Or c’est peut dire que cette loi est contournée, piétinée et violée par ceux que le philosophe Michel Serres appelait les « collabos de la pub et du fric »: non seulement le grand patronat, suivi par nombre de chambres de commerce, nomme systématiquement en anglais ses nouveaux produits, non seulement des chaînes comme TF1 ou BFM-TV cultivent méthodiquement l’anglomanie, mais des collectivités publiques pataugent littéralement dans la veulerie linguistique (les champions toutes catégories sont Gérard Collomb et Valérie Pécresse) et l’actuel chef de l’État donne en permanence le contre-exemple de la servitude volontaire en privilégiant avec délectation l’anglo-américain des affaires dans sa communication nationale et internationale: » french tech », « make the planet great again », « bottom up », « helpers », ce n’est pas seulement sur le plan diplomatique, militaire et socio-économique que Sir Emmanuel est le triste vassal de l’ordre euro-atlantique mondial. Cette politique d’arrachage linguistique est d’ailleurs portée par l’Union européenne qui, ignorant le Brexit, songe de plus en plus à faire de l’anglais la langue officielle des institutions communautaires. Or, honteusement, la gauche politique et syndicale établie se tait, quand elle ne participe pas à la curée linguistique pseudo-moderne contre la langue d’Aragon, de Césaire et de Kateb Yacine. Retardant même de plusieurs guerres, certains faux résistants à l’ordre néolibéral ACTUEL en rajoutent dans le dénigrement de la langue française en général et de la Francophonie en particulier, en occultant le fait que c’est désormais l’impérialisme français et la tristement fameuse Françafrique qui promeuvent cyniquement le globish dans leur communication avec l’espace francophone africain. Comme avait osé le dire cyniquement Bernard Kouchner, apôtre s’il en fut du prétendu droit d’ingérence néocolonial, « l’avenir de la Francophonie passe par l’anglais »… Il n’est pas jusqu’à la direction du PCF, qui fut jadis l’héroïque éditeur clandestin des Lettres françaises, qui ne s’aligne sur la politique antinationale de substitution linguistique en publiant des visuels qui proclament sottement » PCF is back » ou « red is the new green ».Mais la résistance ne se divise pas et ceux qui cèdent sur la forme et sur la langue ont assez montré qu’ils sont également prêts à tout larguer sur les contenus, notamment sur la critique radicale de l’Europe supranationale. C’est pourquoi le Prcf appelle les résistants sociaux à devenir des insoumis linguistiques. Pas seulement à exiger le respect de la loi Toubon que votèrent unanimement les députés communistes en 1994, mais à faire méthodiquement le lien au quotidien entre la casse sociale, l’arrachage linguistique en cours et la politique de classe visant à dissoudre notre pays dans l’acide sulfurique de la prétendue » construction » euro-atlantique du capital.
GEORGES GASTAUD