« […] vous devez toujours garder présent à l’esprit que de tous les arts, c’est le cinéma qui est pour nous le plus important. »
Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine in (Sovietskoïé Kino [Le Cinéma soviétique]. n° 1-2, 1933, p. 10).
Parasite est la Palme d’or 2019 pour la première fois sud-coréenne. À ce jour (08/07/2019), le film a dépassé plus d’un million de spectateurs en France.
Synopsis :
« Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne… » source
Lutte des classes et classes sans luttes
Parasite est une représentation des classes mais sans leur lutte. L’illustration d’une misère mais sans réflexion théorique appropriée. Le prolétariat – séducteur – et la bourgeoisie – séduisante – sont réduits à leur expression privée, nucléaire, celle de la famille. Les classes s’expliquant toujours et historiquement l’une par l’autre, aucune compréhension des classes comme ensemble, engendrée réciproquement n’est permise. Parasite élude ainsi la question de la lutte. Le film joue volontairement sur une ambiguïté concernant l’identité des parasites, que nous tenterons de signifier. Nous étudierons d’abord le phénomène Parasite et ensuite passerons à sa logique.
ATTENTION : L’article qui suit risque de gâcher en grande partie la première vision du film.
Le Phénomène Parasite : « Ce qui est dit ».
ASCENSIONS ET VERTIGES.
Le réalisateur Bong Joon-Ho est admirateur de Clouzot et Chabrol. Son atmosphère et son sens de l’observation réaliste font penser à Polanski et au cinéma populaire italien des années 60-70. En effet, le film repose sur un plan méticuleux mis en place par la famille Ki-Taek, ayant pour but de remplacer tour à tour les domestiques de la famille Park. Après le frère donnant des cours d’anglais à la fille aînée, ce sera la sœur qui jouera à la baby-sitter pour le petit dernier, la mère prendra la place de la bonne et enfin le père, celui du chauffeur. Le scénario bien construit sans apparaître fabriqué, est fluide dans l’enchaînement dramaturgique (la stratégie d’infiltration est cohérente et les retournements de situations inattendus). Tout est justifié dans le récit et le rythme (pour un film de plus de deux heures !) ne génère aucun ennui.
Globalement Parasite joue sur une opposition spatiale à double niveau : Horizontale et Verticale. L’Horizontale, celui de l’espace disponible. Saturé et restreint pour la famille prolétarienne, ouvert et immense pour la famille bourgeoise.
Les Ki-taek vivent encombrés, à quatre dans un sous-sol minuscule dont l’unique fenêtre donne sur une rue où certains passants ivres ne se retiennent pas d’uriner. La scène de reflux d’égout fait exploser ce motif de monde sous-terrain à absolument tous les niveaux. Obligés de chercher la wifi un peu partout en collant le portable au plafond, de respirer à plein poumon le gaz permettant de tuer les punaises, bref l’espace des pauvres est celui de la saturation et du sous-terrain. L’espace de ceux – qui comme les déchets de tous types – sont refoulés. Au contraire la famille Park a investi une très grande maison à deux étages au standing moderne électronico-boisé et épuré. Grisâtre mais classe, lumineux. Eux aussi vivent à quatre.
L’espace bourgeois est circonscrit par un sous-sol, une cuisine et une large baie vitrée donnant sur un jardin, composé d’un vert tapis parfaitement tondu, bordé par de grands arbres. Aucun contact avec la ville n’est possible. Il s’agit d’un espace clos situé en hauteur, protégé par un portail puis un code. Et n’y rentre pas qui veut. Les uns sont en bas, les autres sont en haut. Les uns manquent de place, les autres en ont trop. Le film explique donc par symétrie inversée la double-structuration (Verticale-Horizontale) de classe.
« Le prolétariat en tant que produit du capitalisme, est nécessairement soumis aux formes d’existence de son producteur. Ces formes d’existence ce sont l’inhumanité, la réification.»
Georg Lukàcs, in Histoire et Conscience de Classe
Développons cet axe symétrique objectif, par un axe symétrique psychologique. Parasite montre avec humour satirique, des typologies humaines : la psychologie arrogante et névrotique de la bourgeoisie rencontre la ruse et l’humour savoureux du prolétariat. Le film montre deux caricatures, moments de la comédie humaine, de deux milieux sociaux opposés mais non antagonistes réellement. . *[3]
D’un côté la réussite individuelle et la valorisation de la compétition (du père et donc des enfants au destin « aristocratique », ceux qui doivent mais vont – logiquement – réussir, grâce à la prise en charge des adolescents prolétarisés, les enfants Ti-Kaek) et de l’autre l’intelligence collective face au destin, une ruse de la raison bien larvée… Procédons par exemples :
Durant le final, alors que la famille pauvre a tout perdu, le père bourgeois explique sa vision du monde au père valet : il a « acheté » sa famille pour la fête d’anniversaire improvisée de leur cadet. Lubie bourgeoise significative : la mère décide à l’improviste de surprendre son fils avec un formidable goûter, mais qui va nécessiter du travail, celui des Ki-Taek, épuisés après avoir perdu leur logement suite à un dégât des eaux. Cette situation paroxystique de tension nerveuse, fruit d’un déluge climatique résulte aussi de leur désir subjectif d’appartenir au monde d’en haut, le temps d’une soirée où les Park partis pour le week-end rebroussent chemin de manière inopinée à cause des intempéries.
Durant cette apogée de la consommation bourgeoise, où le prolétariat se délecte quelques heures, on remarque que la famille prend ses marques dans le grand salon, mais reproduit ses habitudes : les quatre, proches les uns des autres, mangent sur le sol face à la fenêtre qui ne donne plus sur de l’urine mais sur la pluie battante. Cette consommation sanctionne leur ruse en même temps qu’elle exprime un désir d’ascension, elle maintient l’habitus antérieur, leur union d’avant. Une forme de résistance inconsciente est maintenue le temps d’une soirée consacrant à double niveau leur réification : la consommation bourgeoise et l’unité familiale. La caméra se balance de l’un à l’autre, travelling après travelling, un cadre accordé à chacun, à chaque arrêt : tous expriment individuellement leur rêve, s’ils étaient propriétaires de la maison, s’ils devenaient l’Autre-Conscience-du-Monde, celle des Park, celle de la bourgeoisie.
La vie des uns a bel et bien parasité la vie des autres. Les uns par la ruse et la consommation, les autres par l’enjeu du logement, du standing, du train de vie… Cette dialectique est close, complète. Parfait enfermement, tant matériel que social, psychologique, intime. Ce qui était extérieur, objectif devient intérieur et subjectif. Il ne s’agit plus de transformer le monde, mais d’être ce monde. Et ce rêve, ce désir, cet enjeu de classe est universel. Cet universel vient de s’exprimer sensiblement, dans une forme, le cinéma, et particulièrement Parasite. Nous venons d’établir une brève et non exhaustive analyse de ce phénomène, car nous voulons avant tout passer de l’autre côté du miroir, mais en sens inverse, du côté de la fausse conscience démasquée, de sa Logique. Passons du « Quoi », au « Pourquoi », de l’être à la raison d’être.
Sa logique : « Ce que ça dit ».
NON-HISTOIRE ET INCONSCIENCE DE CLASSE.
Pourquoi ce plébiscite cannois ? Continuons notre analyse marxiste ouverte, et creusons d’avantage la conscience (ou plutôt l’inconscient) de classe.
L’inconscient de la bourgeoisie mondaine, apprécie le social – on vous l’assure ! – si et seulement si, il est toujours circonscrit par deux bornes, deux limites : primo, l’impasse théorique – néo-kantienne ou la « chose en soi » doit rester cachée – parce que si elle apparaissait on pourrait la comprendre, contrairement au contresens idéologique qui prétend que malgré toutes les apparences, quelque chose nous échappera toujours… Ce contresens néo-kantien mène, secondo, à l’opposition social-démocrate et démagogique riches/pauvres, éternelle et insoluble ; par conséquent à la vision pessimiste « célinienne », celle du fameux : «Le prolétaire est un bourgeois qui n’a pas réussi». Soit celle du pessimisme de classe, du tragique, de l’impasse.
Parasite illustre – à son insu et très justement – l’impasse que rencontrent les classes quand elles n’existent qu’en soi. À comprendre : chez Hegel comme chez Marx, le passage de ce qui est historiquement contenu, identité, ne peut se faire qu’à travers la médiation – théorique et pratique – qui fait advenir dans l’existence, puis reconnue comme telle, l’identité restée refoulée. Cette intériorité – l’en soi, compris par le matérialisme dialectique, en dépassement rigoureux des apports du kantisme, comme le procès de production universel du genre humain par l’exploitation de classes – devient réelle, effective, concrète. Ce moment de réalisation, où l’identité contenue est enfin exprimée et reconnue par le sujet – formule la conscience de classe pour soi.
Parasite est l’angle mort de cette conscience de classe pour soi. Finalement ni la bourgeoisie, ni le prolétariat n’ont conscience d’être ce qu’ils sont pour eux-mêmes. Dans cette histoire, personne ne se reconnait vraiment comme telle et pour cause : il n’y aura aucune lutte effective, organisée, ouverte : en un mot, politique.
PROMOTION ET CATHARSIS DE CLASSE : « Après tout, ce n’est qu’un film ! »
Nous rentrons dans l’interprétation : qu’entendons-nous par Catharsis : « Avec l’expérience cathartique, le sujet plonge dans un bain d’émotions, de sentiments et d’états du corps qui étaient tenus jusque-là à l’écart de sa conscience. Pour la première fois, il fait corps avec leur expression en s’y identifiant totalement. Si cette expression n’est pas entravée, elle participe à une forme de symbolisation sur un mode sensori-affectivo-moteur d’émotions, de pensées et d’états du corps restés jusque-là en souffrance. Cette mise en sens est comparable à une spontanée par laquelle un sujet se libérerait du démon qui le hantait en lui donnant une figure à travers ses mimiques, ses cris et ses gestes. Mais faute d’un rituel social qui objective cette dépossession en la nommant il y a tout lieu de craindre que le démon ne reprenne bientôt sa place dans le sujet ! »source
Actualisons notre définition : pour qu’il y ait catharsis, il faut qu’il y ait eu traumatisme. Pour nous c’est un traumatisme de classe, collectif, ontologique. Il n’est pas individuel et s’exprime à deux niveaux : celui de l’exploitation (voir ci-dessus) réel (celle de la hiérarchie sociale, y compris de l’industrie cinématographique) et ontologique (celle de la classe, de la transmission historique du capital – financier, et culturel : précisément ces codes, gestes, mimiques : par exemple celui de « La rapine » décrite par Michel Clouscard dans Le Capitalisme de la séduction. Cette logique de l’exploitation refoulée – peut revenir sous une forme esthétique si et seulement si, le conflit n’est pas réglé – et verbalisé (Cf l’apport théorique du néo-kantisme) – par une thérapie collective et pour ne pas dire de choc : une transformation du monde.
Pourquoi la bourgeoisie culturelle internationale plébiscite Parasite ? Listons de façon non-exhaustive les films à caractère sociaux et misérabilistes ayant reçu la palme d’or : Une affaire de famille, Mankibi Kakozu, 2018 – Moi Daniel, Blake de Ken Loach 2016 – Dheepan, Jacques Audiard 2015 – Entre les murs, Laurent Cantet, 2008 – L’enfant, Frères Dardennes, 2005 – Le Vent se lève, Ken Loach 2006 – Rosetta, Frères Dardennes, 1999– La classe ouvrière va au Paradis, Elio Petri, 1971, etc. Pourquoi cette récurrence, cet appétence pour des films qui sans cette distinction ne seraient pas vus… ?
Simplifions notre interprétation : parce qu’elle adore observer une pauvreté à laquelle elle échappe, et qui est compensée par sa culpabilité de classe. Le mal est fait, et continue d’être fait. Un film pour nous repentir, nous exploiteurs conscients ou non, et puis dormons sur nos deux oreilles. Deuxièmement La Palme d’Or permet une extraordinaire promotion pour un cinéma intéressant idéologiquement. Mais revenons à notre Parasite…
Le climat final du film – qui précède l’épilogue ô combien révélateur – est trompeur. Certes le prolétariat poussé au bout dans ses retranchements ne discute pas : il tue. Il n’est pas sadique contrairement à une certaine bourgeoisie – sadisme permis par l’argent[5], le paiement comptant, au noir, les extras, conditionné par… une demande de travail supérieure à l’offre. Le ras-le-bol, le geste meurtrier devient vengeance de classe, manifestation d’une violence littéralement contradictoire à celle de l’exploitation bourgeoise… mais strictement revancharde, facile, régressive : celle de l’œil pour œil, dent pour dent, sang pour sang. Cette bête sauvage – compréhensible – n’est cependant pas une solution assumable collectivement – réellement politique. Elle est privée, fatale, en un mot : tragique. Cette tragédie traduit autant qu’elle trahit, un circonstanciel de classe : sa vision pessimiste. Aucune solution politique n’est possible, et pire, ne doit être possible. Nous passons de l’Esthétique contrariant cette bourgeoisie – qui exprimerait d’un point de vue symbolique sa disparition méritée ? – à l’Impératif catégorique implicite, celle du « Pas de solution, est une solution » : vivre et laisser mourir l’un des siens, (dans le film, dans la représentation, dans L’Idéal– « Après tout ce n’est qu’un film ») pour que notre monde reste tel qu’il est. Une catharsis de classe.
L’épilogue épouse cette direction. Le fils du pauvre travaille, réussit – mécaniquement ! Sans plus du tout prendre en compte, la crise, les contradictions générales de notre temps présent ! – et achète la maison tant chérie par cette famille prolétarisée. Ce refoulement intégral du social, de l’Historique, consacre l’espace-temps du rêve, du rêve de classe, celui dont elle a pris la place !
Nous ne critiquons pas l’interprétation inverse qui dit : il s’agit d’une ascension sociale. Certes, nous voulons tous collectivement devenir riches et bien portants mais le fait est que c’est le collectif qui est éludé. Le prolétaire n’es pas un bourgeois qui a échoué pas plus qu’un bourgeois n’est un prolétaire qui a réussi ! Bien que le film soit une métaphore, à aucun moment il n’expose les conditions qui mènent cette division sociale en classes et encore moins leurs rapports logiques, infra-structuraux. De même qu’il ne propose aucune solution sinon le rêve : là encore, une solution dépolitisante et libérale. Voilà nous avons essayé de démasquer l’identité profondément libérale d’un cinéma qui se voulait social, expliquant pourquoi il peut historiquement obtenir la distinction étincelante de Palme d’ Or. Il est le reflet de ce que la conscience de la bourgeoisie culturelle actuelle refoule : son conservatisme et pessimisme intégraux.
« Elle ( la théorie de l’opportunisme – ndlr) vise à empêcher que la conscience de classe du prolétariat continue à évoluer pour se transformer, de simple donnée psychologique, en adéquation à l’évolution objective d’ensemble ; elle vise à ramener la conscience de classe du prolétariat au niveau d’une donnée psychologique et à donner ainsi au progrès jusqu’ici instinctif de cette conscience de classe, une orientation opposée. […] Seule la conscience du prolétariat peut montrer comment sortir de la crise du capitalisme. Tant que cette conscience n’est pas là, la crise reste permanente, revient à son point de départ, répète la situation, jusqu’à ce qu’enfin, après d’infinies souffrances et de terribles détours, la leçon de l’histoire achève le processus de conscience dans le prolétariat et remette entre ses mains la direction de l’histoire. »
Georg Lukàcs, La Conscience de Classe in Histoire et Conscience de Classe.
Conclusion et Ouverture.
Que faire, Qu’en dire ?
Quelle attitude marxiste adopter face à cette forme idéologique ? Il ne faut pas à notre avis rejeter l’art qu’il soit bourgeois ou populaire.
Faut-il voir Parasite : Oui. Pourquoi ? Parce qu’il cartonne. À ce jour (08/07/2019) le film a cumulé plus d’un million d’entrées. Score énorme pour un film dit « d’auteur et de genre » épaulé par un distributeur indépendant. Mais surtout, le film représente l’évolution positive du cinéma contemporain, à savoir : l’abolition de la frontière entre les genres (comédie – thriller – drame, dans ce cas précis) et contient un sous-texte « lutte-des-classistes » certes limité comme démontré précédemment – mais faisant écho aux spectateurs, à une partie concrète et réelle de la vie des masses. Le caractère indépendant, malgré son succès, signifie qu’un cinéma politique – toujours dans ces limites idéologiques, mais réaliste et ambitieux esthétiquement – en plus de plaire populairement, est faisable.
Deuxièmement d’un point de vue militant, il est nécessaire d’entretenir le plus extensivement possible, notre culture avec les masses, afin d’assimiler et récupérer nos références communes dans le but d’une éducation populaire marxiste. L’idéologie a une fonction, tout comme sa critique marxiste. Nous ne tranchons pas : l’interdisciplinarité est essentielle. La bataille culturelle commence par la critique de la culture. Cette critique repose sur sa connaissance. L’emprunt synthétique à tous les champs (esthétique, philosophie, anthropologie, sociologie, linguistique, économie, mathématiques, psychologie, etc.) est nécessaire pour saisir le capitalisme dans sa totalité, permettre à la conscience de classe une compréhension pleine et entière de la société et assurer sa transformation politique. Enfin, dans une perspective matérialiste, le cinéma (et par extension la culture des séries) est pour nous une des formes idéologiques les plus importantes, car sa viabilité économique repose sur la consommation de masse. Le nombre de spectateurs de Star Wars s’élève à plusieurs milliards d’individus. Et jusqu’à l’avènement du numérique et de l’internet généralisé, nous ne sommes pas certains qu’il en soit de même pour Proust ou Cézanne, encore actuellement. La culture audio-visuelle est – malgré son fétichisme – paradoxalement la plus démocratique. Elle assure la diffusion d’idées (TV, cinéma, internet, portable, etc.) plus facilement que toutes les autres, et permet l’accès aux formes esthétiques antérieures, parce qu’elle en assure – toutes choses étant égales par ailleurs – la synthèse historique et ce, pour tous.
par Pyotr Mauresco pour www.initiative-communiste.fr
[1] https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-1996-1-page-181.htm
[2] http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=255238.html
[3][La vraie lutte représentée sera avant le final – mais malgré lui, nous le verrons dans la seconde partie – celle d’un prolétariat contre un autre. Nous ne nous attarderons pas sur ce retournement de situation (mari de la précédente bonne caché dans le bunker des Park, cette dernière démasquant l’identité des Ti-Kaek ; qui confirme la concurrence entre prolétariat), car elle n’apporte pas plus à notre analyse globale. Elle ne représente pas un enjeu central du film – sinon un ressort scénaristique qui ne fait que varier sur tout le concept que nous nous efforcerons de développer dans les deux parties de notre article (refoulement, motif du souterrain, sadisme, puissance d’une classe sur une autre, vengeance etc.)]
[4] https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-1996-1-page-181.htm
[5] « L’argent, qui possède la qualité de pouvoir tout acheter et de s’approprier tous les objets, est par conséquent l’objet dont la possession est la plus éminente de toutes. Universalité de sa qualité est la toute-puissance de son être ; il est donc considéré comme l’être tout-puissant. L’argent est l’entremetteur entre le besoin et l’objet, entre la vie et le moyen de vivre de l’homme. Mais ce qui me sert de médiateur pour ma propre vie me sert également de médiateur pour l’existence d’autrui. » Karl Marx, Manuscrit de 1844.
La fiche du film :
- Réalisation : Bong Joon-ho
- Scénario : Bong Joon-ho, Han Jin Woon
- Image : Hong Kyung-Pyo
- Décors : Lee Ha-jun
- Costumes : Choi Se-yeon
- Son : Tae-young Choi
- Montage : Jim-mo Yang
- Musique : Jaeil Jung
- Producteur(s) : Kwak Sin Ae, Moon Yang-kwon, Jang Young Hwan
- Production : Barunson, CJ Entertainment
- Interprétation : Song Kang-Ho (Ki-taek), Lee Sun-kyun (Mr. Park), Cho Yeo-jeong (Yeon-Kyo), Choi Woo-sik (Ki-Woo), Park So-Dam (Ki-Jung), Lee Jeong-eun (Moon-Gwang), Chang Hyae Jun (Chung-Sook), Jung Heyon-jun (Da-Song)…
- Distributeur : Les Bookmakers / The Jokers ( France)
- Date de sortie : 5 juin 2019
- Durée : 2h12
Analyse pertinente, (bien que je n’aie pas vu le film), car applicable , ainsi que vous le remarquez, à bien des films à prétention progressiste qui ne font que légitimer l’ordre social, le naturaliser en escamotant le positionnement de classe derrière le psychologisme. Toute une imagerie contemporaine procède de cet ersatz de subversion ( groland,les films comme « Louise Michel »…) où l’autodérision tient lieu de critique sociale.
Je ne partage pas du tout en revanche votre engouement, même « militant » pour la culture audio-visuelle « démocratique » parce qu’à très large diffusion. L’ambition de la subvertir, ou, au moins de l’exploiter, me parait méconnaître le mécanisme de l’aliénation ou, du moins, je ne vous fais pas le procès de l’ignorer, en sous-estimer les ressorts idéologiques.Quant à Proust, styliste d’exception, son temps perdu à célébrer la classe dominante et ses tourments luxueux n’en fait pas, à mes yeux, un écrivain émancipateur. (Lui même ne l’ignorait pas qui a écrit quelques fortes lignes sur la classe « naturelle » mais acquise de main de maître, des jeunes filles en fleurs.