PERE DE L’INDEPENDANCE DU ZIMBABWE et héros de la lutte anti-apartheid, militant d’inspiration marxiste, Robert Mugabe vient de mourir. Sa trajectoire politique postérieure à la chute des régimes racistes d’Afrique australe est contrastée, mais cela n’autorise pas les médias occidentaux à étaler leur morgue néo-coloniale au sujet de cette personnalité historique, eux qui ont tenté de nous faire pleurer la mort des méga-prédateurs Thatcher ou Reagan. Voir, ci-dessous, la brève nécrologie qu’a publiée à ce sujet le média africain Fernent Birane :
Fernent Birane – HOMMAGE à ROBERT MUGABE
Après Lucio LARA du MPLA, c’est avec tristesse que nous apprenons qu’un des doyens de la première phase de la lutte de libération des peuples d’Afrique, Robert Mugabe, vient de nous quitter.
Mugabe s’en est allé au moment même où en Afrique du Sud, second P.I.B. d’Afrique et au Nigéria, premier P.I.B. d’Afrique, des violences xénophobes inter-africaines se déroulent.
Mugabe a été précurseur des concessions aux impérialistes à Lancaster House puis voyant que les promesses des impérialistes ne sont nullement dignes de foi (PROMESSE NON TENUE DE FINANCER LA REFORME AGRAIRE…), il a engagé la lutte pour l’abolition de l’apartheid foncier et économique. Il fut lynché médiatiquement par la presse néocoloniale et impérialiste occidentale.
Winnie Mandela le fut, elle aussi, pour avoir critiqué Madiba Mandela, non sur le principe des compromis, mais sur le manque de perspective de prolonger la suppression de l’apartheid politique (un humain = une voix) par la suppression, ne serait ce que progressive, de l’apartheid économique et social.
Edito de Fernent Birane
Pourquoi l’occident déteste t il Mugabe ?
Si l’occident crache sur Mugabe, les réactions en Afrique sont à saluer le héros de la décolonisation, de l’antiracisme et de l’anti impérialisme :
- le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a rendu hommage à « un champion de la cause africaine contre le colonialisme »
- Le président zambien, Edgar Lungu, a rappelé le souvenir du « père fondateur du Zimbabwe et panafricaniste », dont la « place dans les annales de l’histoire de l’Afrique est assurée ».
- Le Namibien Hage Geingob a salué le « révolutionnaire exceptionnel » dont les sacrifices ont permis « la libération de l’Afrique australe du joug racial et de l’oppression coloniale ». Les Namibiens expriment « un sentiment profond de gratitude »
- le Tanzanien John Magufuli, également président en exercice de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC – Southern African Development Community) : « L’Afrique perd un dirigeant brave, déterminé ; un africaniste qui a traduit dans les actes le refus de la colonisation. »
- Joseph Kabila, ex dirigeant de la RDC a évoqué « le souvenir d’un digne fils de l’Afrique, qui a volé au secours de notre pays, alors victime d’une agression extérieure. Le continent vient de perdre l’un des grands panafricanistes, un héros de la lutte pour l’indépendance »
- Huru Kenyatta, le président kényan, a salué de son côté « un homme d’Etat (…) qui a joué un rôle essentiel dans la formation des intérêts du continent »
- le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a rendu hommage au « militant qui a combattu pour l’indépendance du pays face au régime colonial ». Il a affirmé que, malgré la crise économique endémique dans laquelle se débat le Zimbabwe, « la postérité conservera pour toujours le souvenir des sacrifices de Mugabe, notamment dans la lutte pour l’émancipation économique et politique de son peuple »
- Et Cuba socialiste par la voix de son premier ministre a écrit « Toutes nos condoléances au gouvernement et au peuple du Zimbabwe pour la mort de l’ex-président Robert Mugabe, père fondateur de cette nation, leader historique africain et grand ami de Cuba »
Tranchant avec les insultes déversées par l’ex puissance coloniale du Zimbabwe, la Grande Bretagne et, avec elle, les autres capitales occidentales.
Pourquoi l’Occident déteste il Mugabe ?
Les explications de la militante altermondialiste africaine et ancienne ministre de la culture du Mali, Aminata Dramane Traoré
Robert Mugabe, L’insoumis et le bouc émissaire
par Aminata D Traore, Ancienne ministre, Animatrice du Forum pour un Autre Mali (FORAM)
« Il n’est pas certain que l’extrême personnalisation du conflit et la diabolisation de l’un des principaux protagonistes – Robert Mugabe en l’occurrence – ait aidé en quoi que ce soit à clarifier les enjeux de la lutte sociale et politique en cours au Zimbabwe ». Achille Mbembe (Zimbabwe : le cynisme des nations)
- QUI JUGE QUI ? POUR QUELS CRIMES ?
Le torrent de boue dont on couvre Robert Mugabé depuis de longs mois a quelque chose de nauséabond et de suspect. J’en souffre.
« Qui le juge ? De quels crimes est-il coupable ? » sont parmi les questions que nous sommes nombreux à nous demander, ce 10 décembre 2008, à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH).
« A 85 ans, pourquoi s’accroche-il tant au pouvoir ? » entendons nous dire. Est-ce une raison suffisante pour l’humilier ? Est-il le seul de cette génération, à occuper ce poste a un tel âge ?
« Il est au pouvoir depuis 28 ans. » En termes de longévité au pouvoir est-il le doyen en Afrique ?
« La fraude électorale ? » A-t-on oublié les élections américaines de 2000?
Rares sont ceux qui, en dehors du continent, se doutent des enjeux véritables de cette campagne de dénigrement et de déstabilisation d’une rare violence contre cet homme tant le titre de dictateur sied aux dirigeants du Sud, plus particulièrement ceux du Continent noir. Il suffit de regarder du côté de la Cour Pénale Internationale pour s’en convaincre.
Pendant ce temps les fauteurs de guerre en Irak et en Afghanistan se posent en défenseurs des droits de l’homme au Zimbabwe et partout ailleurs.
Puisqu’ils ne sont pas à une contradiction près, les puissants de ce monde élèvent par ailleurs des murs devant ceux dont ils prétendent défendre les droits lorsque ceux-ci tentent d’échapper aux effets destructeurs du capitalisme mondialisé. Le pacte européen sur l’immigration et l’asile dont la France a fait de l’adoption une priorité dans le cadre de sa présidence de l’Union Européenne est l’une des traductions de ce cynisme.
2. L’INDIGNATION SELECTIVE
L‘indignation et la justice à géométrie variable qui jettent le discrédit sur les droits de l’homme tournent au scandale lorsque George W Bush se joint à Gordon Brown et Nicolas Sarkozy pour exiger la démission de Robert Mugabé, responsable selon eux des 600 personnes victimes du choléra. Toute perte de vie humaine est un drame. Mais alors, que dire des guerres en Irak et en Afghanistan qui ont fait près d’un million et demi de morts ?
Robert Mugabe aurait ruiné son pays dont l’économie était florissante et violé les droits des Zimbabwéens. En huit années d’une gestion calamiteuse George W Bush, a fait pire en conduisant l’économie la plus puissante de la planète au bord du gouffre avec des conséquences dramatiques et pour son pays et pour le reste du monde : accroissement du chômage, pertes de revenus, tensions sociales et violences en tout genre.
Que fait et que compte faire la fameuse communauté internationale dont George W Bush et ses alliés se réclament face au drame de l’Irak puisqu’il a enfin admis qu’il a commis une « erreur » tout en se défaussant sur des services de renseignements qui lui auraient présenté Saddam Hussein comme une menace pour les USA ? Ce mea-culpa tardif n’incite, visiblement, ni le Président américain, ni le Premier ministre britannique a changer de regard et de perspectives quant au Zimbabwe. Le départ de Robert Mugabé, le Saddam Hussein de Tony Blair, est une obsession. Et, tant mieux, si la faim, le chômage, la maladie et la fuite des Zimbabwéens, provoqués par des années d’isolement et de sanctions économiques, peuvent être instrumentalisés en vue d’atteindre cet objectif. Un tel acharnement participe, bel et bien, à la criminalisation, la traque et l’élimination de la « racaille » dans les banlieues du monde globalisé.
Ainsi va le monde, soixante ans après la déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH). Le « plus jamais ça » est parfaitement valable pour les « civilisés » qui évitent la guerre chez eux et se serrent les coudes dans la mise au pas des « barbares ». Pillée et humiliée l’Afrique se doit de tirer le maximum d’enseignements de cette réalité en apprenant à distinguer les conséquences des actes de sabotage économique et de déstabilisation des dirigeants qui osent dire « non » de la mauvaise gestion que les démocraties occidentales savent, du reste, pardonner tant que leurs intérêts ne sont pas menaces
3. L’ASPHYXIE ECONOMIQUE
Pèle mêle, les ennemis de Robert Mugabe retiennent, contre lui, en plus de l’expropriation des fermiers blancs des terres agricoles, l’hyperinflation qui chasse les élites (médecins, avocats, enseignants, journalistes…) du pays, l’opération de déguerpissement des mal logés en 2005, la fuite de plus de trois millions zimbabwéens vers l’Angleterre et l’Afrique du Sud, la répression des opposants, le pourcentage élevé de personnes atteintes du SIDA, la faim et, à présent, l’épidémie de choléra.
Mais, la quasi-totalité des situations imputées à l’incapacité du dirigeant zimbabwéen à gérer son pays résulte d’abord du non respect d’engagements pris, l’une des caractéristiques de nos rapports avec les pays riches comme l’atteste, plus récemment, les fausses promesses d’aide du Sommet de Gleneagles. L’argent qui coule à flot ces derniers temps dans le cadre du sauvetage des banques a toujours fait défaut quand il s’agit d’honorer les engagements pris envers les peuples dominés. Le facteur déclencheur de la crise zimbabwéenne est plus précisément le non respect par la Grande Bretagne de l’accord de Lancaster House (signé en 1979) selon lequel elle devait dédommager les fermiers blancs dans le cadre de la réforme agraire.
La terre, – un enjeu central dans toutes les sociétés dont l’économie repose sur l’agriculture – est donc au cœur de la rupture. C’est en cela que le bras de fer entre l’ex Rhodésie du Sud et l’ancienne puissance coloniale est emblématique des tensions en Afrique Australe et des conflits à venir à l’échelle du Continent puisque l’ouverture au marché rime de plus en plus avec l’octroi de centaines de milliers d’hectares aux investisseurs étrangers au détriment des petits producteurs.
L‘économie zimbabwéenne était florissante et Robert Mugabé fréquentable tant que la minorité de fermiers blancs d’origine britannique pouvaient faire travailler des centaines de milliers d’ouvriers agricoles noirs sur les millions d’hectares de terres agricoles qui étaient en leur possession. Le héros de l’indépendance, est devenu l’homme à abattre à partir du moment où face au refus de Tony Blair de respecter les termes de l’accord de Lancaster House, il a dû récupérer les terres des fermiers blancs. Tout a depuis lors été dit à propos de la redistribution de ces terres qui n’aurait profité qu’aux proches de Robert Mugabé. La réalité est toute autre. Des milliers de familles sans terre jouissent aujourd’hui de leur droit à ce moyen de production. L’irrigation, les fertilisants, les prêts et la mécanisation sont autant d’efforts fournis dans le cadre de cette réforme agraire,avec les maigres moyens de l’Etat la priorité étant la couverture des besoins nationaux par l’agriculture nationale.
L‘Europe, l’Amérique du Nord, l’Australie, la Nouvelle Zélande ont réagi dès la première procédure de retrait des terres, en 1997. Le dollar zimbabwéen a commencé à chuter et les sanctions économiques à pleuvoir : privation du pays de toute aide extérieure, de crédit, d’assistance de la part des institutions financières internationales et l’interdiction d’échanges commerciaux avec les entreprises américaines. Le pays de Robert Mugabé n’a bénéficié d’aucune aide en matière de balance des paiements depuis 1994 alors que jamais auparavant, il n’avait été privé d’apports extérieurs. Il a fallu, faute de prêts assortis de conditions favorables procéder à des émissions monétaires.
L‘ingérence et la subversion à la base consistent dans ces circonstances à créer la pénurie en privant l’Etat souverain de moyens et à soutenir des ONG et des opposants politiques qui s’attirent la sympathie des populations auprès desquelles ils interviennent. Les conséquences de l’embargo et des sanctions économiques ont été aggravés par des sécheresses autrefois cycliques (à peu près tous les dix ans) mais désormais fréquentes du fait des perturbations climatiques.
4. L’ALIBI DEMOCRATIQUE
La Grande Bretagne prendrait une sacrée revanche sur l’histoire et rendrait un immense service aux fermiers blancs qui attendent, si elle parvenait à porter au pouvoir dans son ancienne colonie, un dirigeant de son choix ou tout au mois acquis au libéralisme économique.
Au-delà de la Grande Bretagne, les puissances coloniales et leurs alliés n’ont jamais eu autant besoin de renforcer leur présence en Afrique, l’avancée de la Chine étant une véritable menace pour eux. Ils y arrivent au prix de l’ingérence, de la subversion et de la guerre. C’est dire jusqu’à quel point le fossé est abyssal entre la rhétorique sur la démocratie, les droits de l’homme et les desseins des Etats libéraux d’Europe et d’Amérique sur le Continent noir
Le débat houleux qui pendant longtemps a opposé les Occidentaux aux dirigeants des pays d’Asie dont la Chine quant à la primauté des droits économiques et sociaux sur les droits politiques ressurgit ainsi à la faveur de la mondialisation néolibérale sans être pris en charge de manière conséquente par les formations politiques africaines, la société civile et les médias. Il en est ainsi parce que les dirigeants africains savent que leurs pays seraient dans le même piteux état que le Zimbabwe s’ils s’avisaient, à l’instar de Robert Mugabe, à aller à l’encontre des intérêts dominants. La politique de la terre brûlée est réservée, comme ce fut également le cas pour la Guinée de Sékou Touré, à tous ceux qui s’écartent du « droit chemin ».
Pour l’heure, en dépit du satisfecit des Occidentaux pour certaines « transitions démocratiques », le vote ne sert qu’au renouvellement du personnel local du système-monde. Les électeurs locaux en deviennent, à leur propre insu des clients de la politique spectacle et les victimes des rapports marchands qui lui sont sous-jacents. Les sujets qui peuvent écorcher les oreilles du G8, de l’UE et les IFIS tel que le pillage des matières premières de l’Afrique, le diktat des grandes puissances, la dette extérieure, les réformes néolibérales sont soigneusement écartés du débat électoral quand débat il y a. Et gare aux esprits critiques (opposants, médias, citoyens avisés…) qui osent défier les dirigeants dirigés dans leurs comportements mimétiques et complaisants. Ils sont combattus, de manière sournoise ou ouverte. Par contre, les faux opposants, les médias aux ordres, les associations et ONG qui savent manier la langue de bois seront épargnés, récompensés et utilisés pour soigner l’image du pays.
5. NOUS SOMMES TOUS ZIMBABWEENS
Rien ne justifie l’humiliation de Robert Mugabé et les privations imposées à son peuple afin qu’il se soulève et le renverse. Il n’est pas paranoïaque puisque Gordon Brown et ses alliés après avoir poussé Morgan Tsvangiraï marchent à présent à visage découvert et sans complexe, lui demandant de démissionner. Nommer et défier ses agresseurs n’a rien à voir avec la haine des Occidentaux véhiculée par certains médias qui excellent dans le lavage des cerveaux quant a Robert Mugabe. Précisément parce qu’il se savait le dirigeant d’un pays composé de Blancs et de Noirs il a tenté de les fédérer en nommant des ministres zimbabwéens d’origine britannique dans gouvernement
Robert Mugabé n’est en aucun cas ce bourreau qui affame son peuple et le condamne à mourir du cholera et de je ne sais pas quelle autre maladie. Les quinze années durant lesquelles il avait les mains libres il a réussi à réaliser le taux d’éducation le plus élevé du continent en plus des performances économiques enregistrées. On ne peut lui reprocher non plus de s’être enrichi personnellement; à l’instar de la plupart de ses homologues même si certains excès son reprochés à son épouse.
La persécution dont il est l’objet augure en réalité des difficultés à venir chaque fois qu’un dirigeant africain voudra se démarquer de la pensée unique en revendiquant la souveraineté économique, politique et alimentaire. Nous serons faibles et vulnérables tant que, face a une telle situation les peuples conscients des enjeux et des dangereux rouages du monde actuel ne prendront pas leurs destins en mains et ne défieront pas eux-mêmes leurs dirigeants mais aussi l Union Européenne, les IFIs les anciennes puissances coloniales en quête de lieux d’ancrage ; de matières premières et de parts de marches
Nous sommes tous des Zimbabwéens face au défi de la nouvelle citoyenneté qui fera de nous les seuls et véritables responsables de l’alternance politique dans nos pays et de la défense de tous nos droits.
Bamako le, 10 décembre 2008
la parole à Robert Mugabe sur la réforme agraire
ROBERT MUGABE, PRESIDENT DU ZIMBABWE INTERVIEWE PAR MARIE‑ROGER BILOA :
« MA VERITE »
Robert Mugabe répond ici aux questions du journal Africa International n°358-359 de novembre 2002. Le président du Zimbabwe, combattant père de l’indépendance, est au pouvoir depuis 1980. Le combat pour la redistribution juste des terres fait de lui, à chaque sommet africain ou international, « l’homme à abattre » des médias occidentaux et de certains médias africains qui leurs sont inféodés : « Mugabe le raciste, tortionnaire, dictateur… »; Bref, celui qui avait été adulé par les mêmes médias occidentaux en 1979 au moment de Lancaster house, accord qui scellait l’indépendance du Zimbabwe, au point d’être érigé en « modèle de démocratie pour tous les africains » est aujourd’hui un dangereux pestiféré.
Pourquoi Mugabe rejoint ainsi « l’axe du mal » dixit Bush, Blair et Sharon en compagnie de feu Kabila, Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, Yasser Arafat, Le FPLP Palestinien, Georges Habache, Fidel Castro, Kim Jong Il, Hugo Chavez, Lula Ignacio, les FARC de Colombie, le PCP philippin, ainsi que les « anti-mondialistes », etc ? Mais tout simplement, parce qu’il a osé dire non à l’assujettissement, à l’asservissement et à l’exploitation. Défendre la souveraineté nationale, la justice sociale et le droit des peuples sur leur terre, leurs richesses nationales est devenu « un crime de lèse majesté » pour les serviteurs zélés des multinationales impérialistes.
L’impérialisme assassin qui s’apprête à abattre un déluge de feu et de sang sur le peuple irakien dans le sillage des sionistes fauteurs du génocide en cours du peuple palestinien considère en effet la soumission et la servilité esclavagiste de Eyadéma (Togo), Déby (Tchad), Patassé (Centrafrique), Bouteflika (Algérie), Mohamed VI (Maroc), Compaoré (Burkina Faso), des Gbagbo, Ouattara, Bédié (Côte d’Ivoire), Biya (Cameroun), Wade (Sénégal), etc, pour ne citer que quelques uns des autocrates qui sévissent sur le continent africain.
Et pourtant dans le cœur et la raison des peuples africains, Robert Mugabe est manifestement d’une indéniable popularité : Robert Mugabe est « le président qui lutte pour reprendre aux Blancs les terres qu’ils ont volées aux Noirs », comme l’a écrit un journal sud‑africain. A Johannesburg, lors du dernier sommet de la Terre, une salve d’applaudissements a salué son interpellation directe du Premier ministre britannique : «Monsieur Blair, occupez‑vous de votre Angleterre et laissez moi gouverner mon Zimbabwe » ! C’est pourquoi, nous pensons nécessaire de lui donner la parole afin qu’il démasque les dessous des médias mensonges véhiculés à son propos.
Diagne Fodé Roland
– Africa International: Où en êtes‑vous avec votre réforme agraire ?
Robert Mugabe: Nous sommes arrivés au terme d’une étape importante. Le gouvernement a désormais achevé la mise en place des deux principaux volets du programme de répartition et de mise en valeur des terres. Le premier volet, appelé « AI », concerne la subsistance des petits paysans les plus pauvres qui étaient confinés dans des zones surpeuplées et les « réserves autochtones ». Le gouvernement les a déplacés vers de nouvelles parcelles où ils peuvent bénéficier de douze hectares de terre et de pâturages communs pour le bétail. Le gouvernement y crée des infrastructures de vie et leur fournit du petit matériel agricole et de l’assistance par l’intermédiaire d’un organisme, Agritex. Le second volet, « A2 » est commercial. Vous pouvez être professeur d’université ou dans n’importe quel autre secteur; il vous suffit de faire acte de candidature en exposant votre projet, les ressources et moyens financiers dont vous disposez en propre. Et nous avons reçu plus de 100 000 demandes de toutes sortes, émanant du plus bas au sommet de la hiérarchie sociale, qui sont traitées, contrairement aux accusations, sans discrimination. Après examen, près de la moitié relevaient en fait du volet « AI ». Pour le reste, les demandes concernaient toutes les zones du pays, périurbaines ou rurales, que nous avons répertoriées, portant sur 100, 200 hectares, la superficie étant limitée à 2000 hectares dans les parties les plus fertiles ou celles classées réserves écologiques. Dans les zones plus sèches nécessitant l’irrigation et où l’on peut cultiver du coton, les règles sont très souples. Le Matabele Land, domaine des grands élevages et des ranchs, est la quatrième région. Ici, aucun des Blancs possédant une seule ferme dans les tailles réglementaires n’est inquiété, Aucun! Les cris d’orfraie que vous entendez viennent des seuls qui refusent la réforme. Nous avons près de 4500 fermiers blancs. Seuls 1500 à 2000 d’entre eux n’acceptent pas le programme et c’est uniquement pour eux que Tony Blair et les Européens se font du souci… Combien de temps encore allons nous accepter cela en Afrique ? Voilà le programme de réforme agraire. Aucun fermier n’est laissé sans terre, je dis bien aucun. La propriété de certaines terres revient désormais à l’Etat, mais les fermiers blancs, en utilisant leurs propres ressources, peuvent les exploiter à leur guise et cultiver du thé, du tabac, des fruits, et même bénéficier de l’assistance gouvernementale pour ceux qui le souhaitent, en particulier à l’approche de la nouvelle saison. Ceux qui ont de l’eau dans leurs fermes s’en sortent particulièrement bien.
Cela dit, j’exclus les immenses exploitations dont certaines s’étendent sur 100.000 hectares. C’est le cas, par exemple, de Nick Oppenheimer à qui j’ai demandé de céder à la nation une partie de ses terres. Il a refusé… Vous voyez donc que nous avons adopté une approche particulièrement humaine et que nous recherchons une indispensable justice sociale.
– Le problème des terres confisquées par les colons blancs dans la violence de la conquête de l’ex‑Rhodésie était en tête des revendications du «combattant de la liberté » que vous étiez. Comment se fait‑il que vous ayez attendu plus de vingt ans après l’indépendance pour lancer cet immense chantier ?
R.M.: Mais nous nous sommes toujours préoccupés de la question et avons insisté qu’il fallait beaucoup d’argent! Nous avons fait des efforts de notre côté, mais c’était insuffisant. Les Américains nous ont répondu que le contribuable américain ne comprendrait pas pourquoi il allait mettre de l’argent dans les poches de citoyens britanniques… Nous avons réussi à leur faire admettre qu’il s’agissait d’une réforme agraire fondamentale, à caractère national. Cette question a fait l’objet d’intenses négociations avant et après l’indépendance de notre pays survenu en 1980. Les Britanniques nous avaient promis des fonds par écrit, dans les Accords de Lancaster House qui promulguent l’indépendance du Zimbabwe. Ils n’en ont débloqué qu’une partie.
Nous avons néanmoins commencé les relocations. Après un temps, ils ont estimé qu’ils avaient donné assez d’argent: nous n’en étions encore qu’à 75 000 paysans réinstallés. Aux Etats Unis, le régime avait changé avec l’avènement de Ronald Reagan et il nous a été répondu que nous ne méritions aucune aide parce que nous avions plus souvent voté du côté des Russes que des Américains! Les voilà qui ne tenaient pas leur promesse.
A un moment donné, nous avons menacé les Britanniques de procéder à des expropriations par la force, s’ils continuaient à nous abreuver de mots sans rien de concret. Ils se sont alors mis d’accord pour un programme de financement dont plusieurs aspects nous convenaient. C’était sous le régime des Conservateurs. Je me souviens que cette année‑là, j’ai abordé la question au sommet de l’OUA et présenté un mémorandum détaillant l’urgence. Quand Tony Blair du parti Labour (travailliste) est arrivé au pouvoir, nous l’avons relancé. Il nous a été répondu que la politique des conservateurs ne les engageait guère et que leur priorité était la réduction de la pauvreté mais pas la réforme agraire… La période coloniale étant révolue, ce n’est plus à eux de fixer nos priorités en nous envoyant balader ! Nous avons alors décidé d’agir en toute responsabilité.
‑ Comment appréciez‑vous l’attitude des pays africains face au bras de fer qui vous oppose désormais à Tony Blair ?
R.M. : L’ Afrique nous soutient. Dans toutes nos rencontres, les Africains sont sensibles à notre combat, ils ont soutenu les élections chez nous et l’OUA a reconnu leur validité. Plusieurs voix africaines se sont élevées pour condamner les décisions du Parlement européen qui nous interdisent de voyager en Europe. Ils visent ma personne, mais ceci ne m’affecte pas beaucoup puisque que je n’y séjourne que rarement; tout au plus en transit vers d’autres destinations dont l’Amérique. Je n’ai jamais passé mes vacances en Europe, mais toujours en Afrique… Nous avons besoin de la cohésion et de la solidarité de notre continent, à un moment où les ingérences dans les affaires intérieures nous infantilisent plus que jamais parce que nous sommes «pauvres». Je me réjouis beaucoup de toutes les marques de soutien que je reçois; notre cas montre qu’il est urgent que l’Union africaine s’affirme, que nos politiques et orientations propres soient opposables aux différents systèmes de domination. Nous devons penser, réfléchir comme des Africains, défendre nos propres intérêts, pas ceux des autres qui les défendent eux‑mêmes très bien ! Il est vrai que nous avons tendance à nous laisser guider par d’autres en raison de notre dépendance envers l’Europe; c’est à nous de leur rappeler la leur envers l’Afrique. Sans les dividendes provenant des anciennes colonies, l’économie britannique ne se porterait pas aussi bien. Au Zimbabwe, les entreprises les plus rentables sont britanniques ; Lonrho, Rio Tinto et le reste, qui puisent dans notre richesse. Et nous devons y mettre fin maintenant et leur dire : OK, au moins ce sera fifty‑fifty, ou alors mieux vaut pratiquer directement le vol… Ils ne peuvent pas continuer de la sorte à nous exploiter. Nous cultivons le cacao qui fait leur chocolat, le thé qu’ils n’ont pas honte d’appeler « thé anglais » ‑alors qu’aucune feuille de thé ne pousse chez eux ‑ le bois, l’or et toutes sortes de minerais imaginables! Que croyez‑vous que les Britanniques recherchent en Sierra‑Leone ? La lutte contre la pauvreté ?
Il nous faut construire des solidarités. Voyez les pays qui possèdent du pétrole; ils n’en tirent pas grand profit, certains ne touchent que 10% de ce qu’il rapporte et demeurent pauvres! C’est terrible. Certains croient pouvoir imputer cette situation à un mauvais leadership et à la corruption qui existent aussi, mais le fond du problème est qu’ils récupèrent la part du lion de nos ressources. Et il faut y mettre fin.
‑ Finalement, quelle issue voyez vous à la crise aiguë que traversent vos relations avec le gouvernement de Tony Blair ?
R.M. : Il n’y a pas d’issue avec ce gouvernement de petits types ! Ils n’ont aucune expérience et ne savent pas raisonner! Vous savez, nous avions de meilleurs interlocuteurs avec les Conservateurs; ils se montraient mieux éduqués, plus au fait des réalités du monde et de la gestion des problèmes. Tout le contraire de Blair et de sa bande, qui se sont manifestés dès le début par des gaffes. Quand on vient de la rue et qu’on se retrouve à Downing Street (adresse du Premier ministre britannique, NDLR), que peut‑on attendre d’autre ?
Tout part de la terre….
La guerre de libération contre le régime colonial et ségrégationniste de Ian Smith a duré quatorze ans. En 1980, au moment de l’indépendance du pouvoir britannique, les accords de Lancaster House imposent un moratoire de dix ans sur le règlement de la question fondamentale qui avait été au centre de toutes les revendications: la redistribution des terres confisquées par les colons blancs. Plus de vingt ans après, la physionomie du paysage porte encore les marques de cette domination : sur des dizaines de kilomètres, des routes rectilignes traversent des domaines soigneusement clôturés, où des fermiers blancs produisaient le tabac (40 % des recettes d’exportation), du maïs, mais aussi des fleurs et du paprika, et avaient créé des » réserves » destinées à attirer les touristes étrangers. En 1980, 6 000 fermiers blancs (4 000 en 2002) possédaient 15,5 millions d’hectares, dont 45 % des terres les plus productives. Au bout des grandes routes, par des pistes sablonneuses, on découvre les « terres communales », les anciennes réserves, où vivent 700 000 familles d’agriculteurs africains, sur des sols morcelés, érodés, parsemés de pierres.
Les accords de Lancaster House imposant le dédommagement des fermiers expropriés, le gouvernement, dix ans après l’indépendance, n’avait réinstallé que 71000 familles sur 162 000, et attribué seulement 3,5 millions d’hectares. Désireuses d’accélérer le mouvement, les autorités firent voter, en 1991, une loi d’acquisition des terres. Etaient particulièrement visées les terres « blanches» sous‑utilisées, dont les propriétaires étaient absents (parmi lesquels des membres de l’aristocratie britannique représentés au sein de la Chambre des lords), les propriétaires détenant plusieurs fermes ou les domaines jouxtant les terres communales. Mais, en dépit des engagements pris à Lancaster House, tant le gouvernement de Margaret Thatcher que celui de Ronald Reagan refusèrent d’alimenter le fonds de compensation, arguant que le régime, de manière non transparente, distribuait les terres à ses amis politiques et non aux agriculteurs noirs les plus qualifiés.
Si, au début des années 1990, le président Mugabe et son parti ont redonné la priorité à la redistribution des terres, c’était aussi pour faire face à la grogne grandissante de la population, suscitée par la politique d’ajustement structurel adoptée en 1991. Auparavant, le gouvernement avait développé une politique sociale remarquable, dotant les régions rurales de routes, d’accès à l’eau et à l’électricité, multipliant les écoles comme les cliniques, atteignant un taux d’alphabétisation de 91 %. A l’époque, ces succès et les bonnes relations avec la minorité blanche valurent à Mugabe les éloges de la « communauté internationale », qui passa pratiquement sous silence la répression particulièrement musclée d’une révolte dans le Matabeleland.
Mais, pour mettre en oeuvre sa politique progressiste, le gouvernement avait dû emprunter sur le marché des capitaux et, en 1989, la dette extérieure du pays s’élevait à 2,6 milliards de dollars. Désireux d’attirer de nouveaux investissements générateurs d’emplois pour les jeunes arrivés sur le marché, soumis à la pression des bailleurs exigeant le feu vert du Fonds monétaire international (FMI), le Zimbabwe du souscrire à la politique d’ajustement structurel. Les salaires furent dérégulés, les entreprises publiques privatisées et leur personnel licencié, le budget de l’Etat raboté, la gratuité des soins de santé et de l’accès à l’enseignement abolie. En 1999, le taux de fréquentation des écoles avait chuté de 20 %, le coût des soins de santé avait augmenté de 150 % (dans un pays où un adulte sur quatre est séropositif) tandis que l’ouverture des frontières avait accéléré le déclin du secteur manufacturier, désormais soumis à la rude concurrence des Sud‑Africains.
Ce fut la fin de la relative autosuffisance du Zimbabwe. Mais les investissements escomptés firent défaut et le taux de croissance, qui avait atteint 5 % dans les années 1980, chute à 1 %. Alors que 300 000 jeunes arrivaient chaque année sur le marché du travail, des dizaines de milliers de diplômés prirent le chemin de l’Afrique du Sud ou du Royaume-Uni où grossirent les rangs des mécontents, dont les revendications étaient exprimées par les syndicats, alors dirigés par M. Morgan Tsvangirai. En décembre 1997, le Zimbabwe connut ses premières émeutes de la faim, au moment où les vétérans de la lutte de libération, s’estimant lésés, s’étaient vu attribuer une allocation extrabudgétaire de 50 000 dollars zimbabwéens (environ 1000 euros) chacun, ce qui accentua la crise monétaire et révéla l’érosion de la popularité du régime.
Le gouvernement tenta alors, à nouveau, de s’attaquer à la question des terres. En novembre 1997, un premier groupe de 9 400 familles fut désigné pour expropriation. L’intervention militaire en République démocratique du Congo (RDC) représenta une autre fuite en avant. Harare était soucieux de préserver l’intégrité territoriale de la RDC et espérait également, à plus long terme, trouver dans ce pays un espace de coopération économique Sud‑Sud, un débouché pour ses industries et son savoir faire minier. Mais l’intervention militaire dura plus longtemps et coûta plus cher que prévu. Le détachement de quelque 11000 hommes fut financé par des coentreprises dans le secteur du diamant et du bois qui se révélèrent plus profitables à leurs promoteurs qu’à l’économie du pays (4). Alors que le Rwanda et l’Ouganda bénéficiaient d’une certaine tolérance, une conférence des principaux donateurs refusa au Zimbabwe, en septembre 1998, les crédits nécessaires à la réforme agraire : sur les 357 millions de dollars sollicités, il n’obtint que 1 million à peine. Depuis 1999, le Zimbabwe, naguère cité en exemple, n’est plus en mesure d’honorer ses obligations vis‑à‑vis de ses créanciers extérieurs. Privé de tout crédit extérieur, le pays fait face à une pénurie de devises, à une inflation qui dépasse les 100 % ; l’approvisionnement en carburant n’a été rétabli récemment que grâce à une assistance de la Libye (moyennant des participations dans des sociétés locales et des achats de terres).
L’échec du référendum constitutionnel de février 2000 et le succès du MCD aux élections législatives de juin 2000 (57 sièges contre 62 à la ZANU‑PF) confirment l’aspiration au changement. Une fois de plus, le régime réagit en mettant en place une « réforme agraire accélérée », qui prévoit la redistribution de la quasi‑totalité des fermes commerciales, soit 8,3 millions d’hectares sur un total de 11 millions. Cependant, les bénéficiaires ne sont pas des cultivateurs en manque de terres cultivables, mais des vétérans de la guerre de libération, ou supposés tels, qui apparaissent plutôt comme des commandos téléguidés par le parti ou des militants du régime. Plusieurs fermiers blancs sont victimes d’attaques violentes. En outre, faute de moyens, les nouveaux venus se contentent de pratiquer une agriculture de subsistance sur les riches terres des fermes commerciales, où les jachères se multiplient. Malgré ses modalités plus que douteuses et sa finalité essentiellement politique, la redistribution des terres demeure un atout du régime, tandis que le MCD, prisonnier du soutien que lui accordent les fermiers blancs, ne se prononce pas clairement sur la question. La campagne électorale de 2002 révélera les ambiguïtés du mouvement d’opposition, et le caractère hétéroclite sinon douteux de ses alliances: depuis Londres, la Fondation Westminster l’appuie financièrement, la droite sud africaine de Anthony Léon n’est pas en reste, aux côtés de la nébuleuse des organisations non gouvernementales du Zimbabwe. Nombre d’entre elles, récemment créées, sont en bonne part financées depuis l’Europe ou les Etats‑ Unis et s’emploient, à juste titre mais de manière assez unilatérale, à dénoncer les violations des droits de l’homme commises par le régime.
Risquant d’être entraînés
dans la dérive économique d’un Zimbabwe où un début de famine touche 550 000
personnes, les pays de la région redoutent aussi la contagion de la réforme
agraire : même si l’opération devrait pouvoir être renégociée ‑ le Programme
des nations unies pour le développement (PNUD) a proposé ses bons office ‑, le
principe de la redistribution paraît irréversible. Cette situation fait rêver
en Namibie, où 4 000 fermiers blancs dominent toujours le secteur commercial,
et surtout en Afrique du Sud, où deux tiers des meilleures terres sont toujours
aux mains de 60 000 Blancs sans que rien ne change pour 14 millions de petits
cultivateurs noirs.