Ce 19 septembre, les agents d’EDF étaient appelés à une journée d’action pour stopper le plan Hercule, de privatisation et de démantèlement d’Electricité de France. EDF c’est l’entreprise publique historique de production et de distribution d’électricité en France.
Un service public issu des nationalisations à la libération, édifié par le ministre communiste Marcel Paul, en application du programme du conseil national de la résistance.
Un service et monopole public qui a fait la preuve de son efficacité, en électrifiant la France détruite, en développant tous les types d’énergie, et en assurant une production d’électricité parmi les moins cher dans le monde. Un service public unifié avec la distribution de gaz qui au mi temps des années 1990 a volé en éclat sous l’effet des directives européennes. D’abord avec la libéralisation du marché de gros, puis la séparation d’EDF et GDF, leur transformation en société anonyme, puis le bradage de GDF à Suez Lyonnaise des Eaux, puis l’ouverture du capital de EDF. Le plan Hercule vient parachever cette entreprise de démolition, renvoyant la France dans les années 1930, pour le seul profits des capitalistes qui vont s’emparer des richesses de l’entreprise publique, notamment nos barrages hydroélectriques et notre réseau de transport, de distribution et de commercialisation. A la Nation, ne restera que les dettes et des centrales nucléaires en fin de vie avec leurs déchets nucléaires. Privatisation des bénéfices, nationalisations des bénéfices. Tout ce contre quoi les communistes avec le PRCF alertent depuis des années se réalisent tragiquement. La mobilisation des électriciens montre cependant qu’il est encore possible d’agir. Et si on s’y met tous ensemble et en même temps, en appelant à sortir de l’UE, de gagner, ce qui ne sera pas possible si les travailleurs des IEG se battent seuls et sans mettre en cause la principale arme utilisée pour la privatisation, l’Union Européenne.
Le Plan Hercule qu’est ce que c’est
Le plan Hercule vise à séparer les activités rentables d’EDF de celles qui ne le sont pas pour ouvrir au privé le capital des premières. C’est une opération malheureusement désormais classique de démantèlement du service public, c’est par exemple la même qui vient d’être faite avec la « réforme ferroviaire », filialisant toutes les activités de la SNCF. La spécificité d’EDF c’est l’importance du parc nucléaire français. Une activité qui n’intéresse que peu le secteur privé. D’abord car aux prix actuels fixés pour permettre l’ouverture à la concurrence en France elle n’est pas rentable, l’électricité électronucléaire étant bradée aux nouveaux acteurs privés. Ensuite car le parc nucléaire est vieillissant et nécessite des centaines de milliards d’euros d’investissements, mais également d’opération de déconstruction. Sans compter le risque financier qu’il représente en cas de catastrophe. De fait, seul la puissance publique est capable de le supporter. En revanche, le Capital veut mettre la mains sur les centrales hydraulique et les barrages, après avoir déjà mis la mains sur quelques centrales thermiques ou les énergies renouvelables. De fait, sans séparation de l’électronucléaire des autres activités d’EDF, pas de privatisation possible. Hors c’est ce qu’exigent à travers l’Union Européenne, les multinationales capitalistes.
La solution trouvée par Macron, c’est que l’Etat va garder les centrales nucléaire d’EDF et même renationaliser l’activité nucléaire, y compris avec la dette d’AREVA issu des spéculations et magouilles de l’entreprise privatisée notamment en Afrique. L’essayiste Aurélien Bernier souligne « On « isole le risque nucléaire », comme on le fait dans la finance lorsqu’on crée une « structure de défaisance » pour y héberger des actifs dont plus personne ne veut. »
Toutes les autres activités, rentables, seront démantelées, vendues à la découpe pour être petit à petit privatisées : la production stratégique par les barrages hydroélectriques, la distribution, la commercialisation, les services énergétiques, les énergies renouvelables… Et ces filiales, on peut ensuite les brader en Bourse comme on l’a fait à l’époque (2008) pour Gaz de France, et comme c’est en train d’être fait pour le réseau de distribution du gaz GRT.
C’est exactement comme cela que Tatcher a privatisé l’électricité à partir de 1984 en Grande Bretagne. En 1996, au bout du processus, le nucléaire a été vendu à … EDF.
les explications du CCE EDF
Derrière Hercule les grandes banques capitalistes….
Cette mécanique de privatisation et d’explosion d’EDF est mis au point par un groupe de grandes banques (dont JP Morgan, la Société générale…). Le comité central d’entreprise d’EDF révèle ainsi que l’on y trouve notamment le groupe financier franco-allemand Oddo, qui fut l’un des premiers concurrents privés d’EDF via sa filiale Oddo Power qui achetait de l’électricité en Bourse et la revendait aux entreprises françaises. Encore un détail : l’actuel président d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a été directeur général d’Oddo de 1998 à 2002.
… et l’Union Européenne
On le voit, EDF n’était pas directement et très difficilement privatisable. Pour aboutir à cette mise en coupe réglée de ce patrimoine stratégique et essentiel de la Nation, c’est les directives européennes des paquets énergies qui ont imposé à marche forcé à travers un processus de désintrégration verticale l’euro démantellement et privatisation d’EDF GDF.
De fait, comme le souligne A Bernier dans une interview, dans le monopole publique de l’énergie, les activités sont inégalement rentables pour le Capital. Le réseau par exemple, consommateur de Capital et ne permettant donc pas une croissance rapide du taux de profits. C’est la même situation dans les chemins de fer. En revanche la distribution/ commercialisation permet d’introduire rapidement la privatisation à travers un simulacre d’ouverture à la concurrence. Depuis des années, avec pour seul résultat que de faire bondir les prix de l’electricité, la Commission Européenne impose à l’entreprise publique de vendre à bas prix et les kwh produits, et leur distribution sur le réseau à des entreprises privées dont la seule activité est de les refacturer à un tarif supérieur ! C’est cela la « concurrence libre et non faussée » de l’Union Européenne.
Mais pas dupes, les Français ont massivement refusé de céder au chantage. 80% des contrats demeure chez le service public au tarif régulé. D’où l’enclenchement de la vitesse supérieure pour briser EDF.
Rappelons également que la Commission Européenne a imposé à la France de brader ses barrages à des opérateurs privés. Aurélien Bernier explique la situation :
En France, la plupart des installations hydro-électriques sont concédées par l’État à des opérateurs. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont principalement des compagnies privées. Après la nationalisation de 1946, il ne reste que trois concessionnaires: EDF, pour environ 80 % des sites, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydroélectrique du Midi (Shem, ex SNCF). Engie (Suez lyonnaise des eaux) a déjà racheté la Shem et détient 49,97 % du capital de la CNR. Mais EDF contrôle toujours l’essentiel de la production, ce qui est intolérable pour les ultralibéraux et pour l’Union européenne en particulier.
Bruxelles réclame donc qu’il y ait une mise en concurrence pour le renouvellement des concessions. Macron et Philippe négocient dans l’opacité la plus totale, mais nous avons quelques fuites. Et nous savons là encore que la concurrence ne sera pas « libre et non faussée » : le gouvernement et Bruxelles veulent réserver un partie des concessions au privé. Concrètement, ils veulent interdire à EDF de postuler sur une partie des sites. Les candidats déclarés à la reprise sont de grands énergéticiens étrangers (le Suédois Vattenfall, le Suisse Alpiq…) ou français (Total, encore elle).
Quand on sait que le coût de la production hydroélectrique est le plus faible qui soit, bien inférieur à celui du nucléaire, on comprend qu’il s’agit d’une grande braderie. Les gens qui organisent cela sont de purs idéologues. Des rapaces ou des traîtres, selon qu’ils se situent dans la sphère économique ou dans la sphère politique.
Y échapper est impossible, sauf à rompre avec l’Union européenne. Le droit européen, donc les directives sur l’énergie, priment sur le droit national. Si l’on s’y tient, l’ouverture à la concurrence est juridiquement inévitable.
L’Union européenne est au cœur du processus. Dès 1990, elle impose le libre transit du gaz et de l’électricité : un gestionnaire d’un réseau national doit accepter de transporter la production d’un autre pays pour la livrer dans un troisième. On harmonise les normes des réseaux pour faciliter les échanges de flux. A partir de 1992, on autorise les opérateurs privés à concurrencer les monopoles publics et on commence la « dé-intégration verticale », d’abord comptable avant de devenir juridique.
Aurélien Bernier
Aujourd’hui, le projet est de construire « l’Europe de l’énergie » : un grand marché continental dans lequel la production circulerait librement et les transactions boursières se multiplieraient. C’est tout simplement appliquer au gaz et à l’électricité les recettes qui ont provoqué les délocalisations, la désindustrialisation, le chantage à l’emploi dans de nombreux autres secteurs d’activité. Concrètement, l’Union européenne, qui impose aux États des politiques d’austérité d’une violence inouïe, trouve des milliards pour renforcer les réseaux transfrontaliers de gaz et d’électricité. L’idée est la suivante : puisqu’il est compliqué pour un opérateur suédois ou italien de s’implanter sur le marché français, supprimons les frontières ! Permettons à une production effectuée en Suède ou en Italie d’être vendue n’importe où dans l’Union européenne. Permettons à Vattenfall ou Eni de concurrencer EDF sans même avoir à acheter des moyens de production en France.
Cette histoire de la privatisation de l’énergie par l’Union européenne est totalement ubuesque. Et le résultat est extrêmement grave. Non seulement on brade le patrimoine public, non seulement on prend le risque de renforcer les inégalités sociales et territoriales, mais on accepte surtout de transférer au privé la définition des stratégies énergétiques. Alors qu’on nous parle tous les jours de transition énergétique, on en confie la responsabilité à des groupes comme Total, qui agiront en fonction des cours de Bourse et des dividendes qu’ils pourront en retirer. C’est un suicide écologique, industriel et démocratique.
Observons que la responsabilité écrasante de l’Union Européenne est absente du communiqué intersyndicale du 19 septembre. On se demande bien comment les électriciens gaziers pourraient avoir la moindre chance de défendre notre service public si l’ennemi, l’UE du capital, qui le détruit méthodiquement n’est pas désigné. On comprend mieux le pourquoi du comment, lorsque l’on sait que la CES présidée par Berger, le chef de la CFDT, chapeaute également la CGT. Confédération européenne des syndicats, qui n’est pas une organisation indépendante internationale, mais une institution financée par l’UE, à la condition expresse de militer activement pour… la construction de l’Union Européenne…
En matière de syndicalisme, comme de défense des services publics ou de transition énergétique, il y a urgence à sortir de l’Union Européenne.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Le communiqué intersyndical du 19 septembre 2019
Les syndicats de l’énergie se mobilisent aujourd’hui pour demander au
Gouvernement de donner à EDF les moyens d’investir dans la transition
énergétique et le service public, et de renoncer à toute désintégration-privatisation !
Alors que le projet dit Hercule de réorganisation des activités d’EDF demandé par le Président de la République n’en finit plus d’agiter les esprits, l’intersyndicale des fédérations CFE-CGC Energies, FNEM-FO, FNME-CGT et FCE-CFDT se mobilise aujourd’hui pour refuser de voir l’avenir d’EDF réduit à un meccano capitalistique.
Elle s’oppose à une réorganisation financière qui perdrait de vue le projet industriel, l’ambition sociale et l’intérêtgénéral. L’intersyndicale réaffirme tout autant son profond attachement à l’entreprise intégrée EDF qui a fait ses preuves depuis plus de 70 ans. C’est ce modèle intégré qui, en organisant une optimisation technique et économique très fine entre les différents moyens de production et sur l’ensemble des composantes du système électrique, assure à la France un système électrique résilient, compétitif et bas carbone.
Pour l’intersyndicale, le véritable défi d’EDF, ce n’est pas son organisation mais sa capacité à investir dans le système électrique français. Prolongation et renouvellement du parc électronucléaire, investissements dans les réseaux, développement des énergies renouvelables et de leur stockage… EDF doit avoir les moyens de faire face aux besoins d’investissements auxquels le système électrique français est confronté. Aucun démantèlement d’EDF n’est nécessaire pour y parvenir !
C’est la condition pour que la France réussisse la mise en oeuvre de son
modèle de transition énergétique bas carbone, guidé et assuré par le
service public, assurant la sécurité d’alimentation électrique du pays
et garantissant aux consommateurs français la compétitivité des prix de
l’électricité dans la durée. L’intersyndicale souligne que c’est avant
tout par la refondation de la régulation du secteur de l’électricité que
l’on confortera le modèle économique permettant à EDF de relever le
défi de l’investissement industriel.
Personne ne doit oublier que le premier responsable de la situation actuelle d’EDF, c’est bel et bien l’Etat. En exigeant des dividendes démesurés pendant de nombreuses années et en lui imposant de subventionner ses concurrents par la mise en place d’un AReNH mortifère, l’Etat a fragilisé EDF !
L’Etat doit maintenant résoudre l’équation qu’il a lui-même posée en
organisant une régulation juste et équilibrée qui privilégie le long
terme, la capacité à investir et au final la garantie pour les Français
d’un prix de l’électricité durablement maîtrisé. Dans cette perspective,
l’intersyndicale s’oppose à toute évolution mortifère de la régulation
qui serait décidée au détour de la loi Energie & Climat et qui
favoriserait encore un peu plus la concurrence au détriment d’EDF et de
ses investissements industriels, et refuse clairement que soit offerte
aux concurrents d’EDF toute augmentation du volume d’AReNH.
Si l’intersyndicale se mobilise aujourd’hui, c’est pour rappeler que
l’avenir d’EDF et de ses salariés, c’est avant tout une question de
projet industriel, de capacité à investir mais aussi d’ambition
sociétale autour d’un service public de l’électricité plus que jamais
d’actualité pour répondre à l’impératif climatique et à l’intérêt
général.
Ni réorganisation strictement financière, ni fuite en avant dans la libéralisation et la privatisation des biens communs… l’intersyndicale est convaincue que ce n’est pas en vendant EDF « à la découpe » que l’on dessinera l’avenir du service public de l’électricité, bien de première nécessité et clef du défi climatique.
Le démantèlement d’EDF n’est sûrement pas une réponse à la hauteur de l’urgence climatique et de la concurrence stratégique des Etats-Unis et de la Chine. L’Etat doit clairement choisir entre intérêt général et intérêts particuliers d’acteurs opportunistes indifférents aux intérêts long terme du pays.
“Le plan Hercule n’est que la continuité de la destruction de l’outil industriel français”
Concurrence libre et non faussée, privatisation qui engendre mécaniquement la baisse des prix… Au rang des mythes économiques que démonte David Cayla, membre des Économistes atterrés, le plan Hercule ne fait pas exception.
Bio express
David Cayla est économiste, maître de conférences à l’université d’Angers, et membre du collectif des Économistes atterrés. Il est l’auteur, avec Coralie Delaume, de “la Fin de l’Union européenne” (Michalon, 2017), et plus récemment de “l’Économie du réel. Face aux modèles trompeurs” (De Boeck Supérieur, 2018).
Dans votre livre “l’Économie du réel”, vous montrez que l’efficacité des marchés est un mythe. Sur quoi vous fondez-vous pour remettre en cause ce dogme de l’économie moderne ?
L’hypothèse d’efficacité des marchés est fondée sur la manière dont les économistes conçoivent les comportements. Ils estiment que tout agent réagit mécaniquement aux incitations créées par les prix. Lorsque le prix augmente, l’offre est censée croître et la demande diminuer. Ils en déduisent qu’il existe un prix optimal qui égalise l’offre et la demande.
Mais ce modèle est systématiquement pris en défaut. Ainsi, la hausse des prix ne fait pas forcément diminuer la demande. C’est le problème de la taxe carbone : si aucune alternative n’existe, l’automobiliste n’a pas le choix que de payer le gasoil au prix fort et l’incidence sur les émissions de CO2 est nulle (pas celle sur le pouvoir d’achat).
De même, la hausse des prix n’engendre pas toujours une hausse de l’offre. Tant qu’il fait une marge, un producteur est incité à produire un maximum. Rien ne permet d’affirmer qu’une hausse de prix et donc de la marge le fera produire plus. Les producteurs sont toujours incités à produire le plus possible, surtout lorsqu’ils produisent à rendements d’échelle croissants.
En somme, rien de démontre que les hypothèses avancées par les économistes pour justifier les “lois de l’offre et de la demande” soient valides et surtout, rien ne permet d’affirmer que le libre jeu de l’offre et de la demande maximise le bien-être social.
Si l’électricité est ouverte à la concurrence, nous pourrions avoir, d’après la théorie économique, un “marché parfait” : des millions de consommateurs et de nombreux producteurs fournissant la même marchandise. Même dans ce cas, le marché ne fonctionne pas ?
Les libéraux reconnaissent que tous les marchés ne fonctionnent pas comme la théorie les décrit. Ils admettent qu’en réalité la concurrence est souvent faussée. L’une des parties, en général les offreurs, dispose d’un pouvoir de marché qui lui permet de détourner partiellement les effets du marché à son profit. Ils en déduisent qu’il faut multiplier les offreurs et accroître l’intensité concurrentielle – notamment via le libre-échange – pour réduire les pouvoirs du marché et améliorer l’efficacité.
Je montre dans mon livre que la concurrence est tout autant un mythe que les “lois du marché”. Dans un secteur comme celui de l’électricité, où le coût des infrastructures est élevé et les technologies très variées, il est illusoire de chercher à organiser une concurrence parfaite. Pire, lorsque les coûts fixes sont importants et les rendements d’échelle croissants, la multiplication de petits producteurs se traduit par une moindre efficacité.
L’expérience des libéralisations ne démontre pas que l’ouverture à la concurrence engendre une baisse des prix. Si ce fut le cas pour les télécoms ou le transport aérien, on est loin du compte pour l’électricité ou le fret ferroviaire. Fondamentalement, c’est moins la concurrence qui détermine les prix que l’innovation et les ruptures technologiques.
Le plan Hercule vise à séparer les activités d’EDF afin de vendre une partie des actifs. Que pensez-vous de cette opération ?
C’est une opération classique. Derrière l’argument sécuritaire, on cherche à nationaliser les pertes du secteur nucléaire plombé par le rachat d’Areva et les surcoûts de l’EPR… et à privatiser les profits des autres activités d’EDF, notamment ceux de l’hydroélectricité.
Avec le démantèlement d’Alstom, la nonchalance managériale des administrateurs de l’État chez Renault et Airbus, Emmanuel Macron est passé maître dans la destruction de l’outil industriel français. Le plan Hercule n’est que la continuité de cette stratégie.
Pour les libéraux, les services publics et les entreprises publiques manquent d’efficacité. À l’inverse, le risque et les perspectives de profit caractéristiques de la gestion privée garantiraient un fonctionnement économique optimal. Est-ce encore un mythe ou une réalité ?
Le fait qu’une entreprise fasse du profit ne signifie aucunement qu’elle soit efficace. Microsoft est l’une des entreprises les plus profitables au monde. Ce profit ne vient pas de son efficacité à produire des logiciels performants au moindre coût, mais de sa position monopolistique dans le secteur des systèmes d’exploitation pour PC. Microsoft est assis sur une rente qui lui permet de faire payer un prix exorbitant pour des logiciels dont le coût marginal est quasi nul.
De même, lorsqu’un service public comme un hôpital est en déficit, cela ne signifie en rien qu’il soit inefficace car, contrairement à Microsoft, les hôpitaux ne font pas payer leurs usagers. De plus, pour limiter les dépenses de santé, l’État n’a cessé de réduire les tarifs hospitaliers. Ainsi, les déficits sont le produit des seules politiques publiques et non d’une quelconque inefficacité.
L’efficacité du secteur public a été maintes fois démontrée. Dans le domaine de l’eau, les études prouvent que les prix des régies publiques sont plus faibles que ceux des entreprises privées.
Vous êtes l’un des initiateurs du référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP). Pourquoi refusez-vous cette privatisation et quel est l’enjeu du référendum ?
Tant dans ses conditions que dans son principe, cette privatisation est, je l’ai déjà dit ailleurs, un scandale. On entend brader un actif rentable pour abonder un fonds financier qui rapportera moins que les actifs vendus. De plus, ADP étant en situation monopolistique, on risquerait d’aboutir, comme pour les autoroutes, à une hausse des taxes qui se fera au détriment des compagnies et des usagers. Enfin, on laisse à des intérêts privés le soin de gérer des infrastructures stratégiques sans que soient prises en compte les questions liées à l’environnement et à l’aménagement du territoire.
Avec Coralie Delaume, nous avons lancé en février dernier une pétition qui a reçu 300 000 soutiens et a contribué à la prise de conscience citoyenne. Les parlementaires d’opposition ont alors contraint le gouvernement à engager un référendum d’initiative partagée. L’enjeu du référendum est d’empêcher la privatisation d’ADP en en faisant un service public national. Ce serait une première victoire contre le démantèlement du secteur public qui pourrait en appeler d’autres, notamment pour l’énergie.