Lettre ouverte du Pôle de Renaissance Communiste en France aux organisations politiques progressistes et aux organisations syndicales au sujet d’une résolution adoptée par le Parlement européen !
Jeudi 19 septembre 2019, le Parlement européen a adopté, en catimini, une résolution intitulée « Importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe ». 535 eurodéputés, parmi lesquels des « socialistes » du PS et des « écologistes » d’EELV, ont approuvé un texte mettant sur un même pied d’égalité le communisme et le nazisme, faisant du pacte germano-soviétique du 23 août 1939 la cause unique du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, proposant de réécrire l’histoire au mépris de la recherche historique et des nombreux travaux déjà rédigés sur cette période, et surtout se disant
« préoccupé par le fait que des symboles de régimes totalitaires continuent à être utilisés dans les espaces publics et à des fins commerciales, tout en rappelant qu’un certain nombre de pays européens ont interdit l’utilisation de symboles nazis et communistes » (article 17).
Comprenons par là, non pas la croix gammée – qui fort heureusement n’est pas réapparue encore à ce point dans le paysage public ! –, mais bel et bien la faucille et le marteau du prolétariat international, l’étoile rouge ou encore la figure du Che.
Depuis plusieurs années, le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) et les Jeunes pour la Renaissance communiste en France (JRCF) ne cessent d’alerter contre la fascisation de l’Europe et l’euro-fascisation – somme toute intimement liées – qui menacent plus que jamais les libertés publiques et politiques fondamentales, notamment en France, et ciblant essentiellement les forces communistes et progressistes. Déjà, le Parti communiste polonais (PKP) est la cible du gouvernement réactionnaire et fascisant de Varsovie, sous la menace constante d’une criminalisation juridique, alors que les forces antisémites et réactionnaires peuvent défiler dans les rues de la capitale en braillant leurs slogans fascistes, comme le 11 novembre 2017. Plus généralement, partout en Europe se déploient et défilent des forces ouvertement nostalgiques du IIIe Reich et des régimes fascistes, de la Lettonie à l’Espagne, de la Grèce à la Suède, quand elles ne sont carrément pas au pouvoir comme en Ukraine, ou très fortement représentées au Parlement et dans les institutions comme en Autriche, en Allemagne ou en Italie.
Parallèlement, la répression anti-associative, antisyndicale et anti-politique, visant avant tout les militants d’un large spectre de la gauche, s’accentue en France. En atteste l’actuelle traque à l’encontre du député de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon (même Libération, qui ne manque jamais une occasion d’attaquer Mélenchon, affirme qu’il s’agit probablement d’un « procès politique » !). Sans compter les violences d’Etat accrues et banalisées à l’encontre des gilets jaunes, des manifestants – y compris lors des « marches pour le climat et la justice sociale » –, des lycéen(ne)s et étudiant(e)s, des sans-papiers, etc., plus généralement envers toutes celles et tous ceux opposés au « Nouveau Monde », qui lui n’hésite pas à employer des milices et des usurpateurs de « l’autorité étatique » comme l’a spectaculairement démontré l’affaire Benalla.
Plus que jamais, sous des formes évidemment différentes de celles des années 1930 mais avec la même volonté d’écraser sans pitié le monde du travail et les forces progressistes, le régime Macron accélère la fascisation du pays, à l’image de ce qui se passe dans le reste de l’Europe.
Et pendant ce temps, l’Union européenne, si préoccupée à promouvoir la « totale liberté de circulation » (avant tout celle des capitaux et des capitalistes), verse dans le négationnisme historique le plus honteux et diffamant, reprenant les vieilles antiennes des historiens allemands (et par la suite français, etc.) de la droite réactionnaire à la suite d’Ernst Nolte – ce que l’on a appelé la « querelle des historiens » – dans les années 1980, à savoir que « nazisme = communisme » et que le pacte germano-soviétique serait une « alliance » entre les « totalitarismes » qui aurait précipité l’Europe dans la guerre, guerre que les « démocraties » (inutile d’indiquer « libérales », cela coule tellement de source !) auraient subie sans pouvoir s’opposer aux desseins machiavéliques des nazis et des communistes.
Mais cette fois-ci, une étape a été franchie vers une criminalisation à grande échelle du communisme, relégué à une simple équivalence du nazisme, cette idéologie et ce régime par essence criminels et anti-Lumières, racistes et antisémites, dont les ennemis majeurs furent… les communistes. Comment en effet oublier les Fronts populaires espagnol et français, la guerre d’Espagne au cours de laquelle les Brigades internationales et l’URSS soutinrent les forces républicaines face aux forces franquistes appuyées par Mussolini et Hitler, la Résistance animée dans toute l’Europe par les partisans communistes de la France à la Grèce, de l’Italie à la Yougoslavie, et évidemment Stalingrad ?! Comment oublier que l’URSS a joué un rôle décisif dans la victoire contre l’Allemagne nazie et les collabos de l’Europe entière, au prix de plus de 25 millions de morts ?! De Gaulle lui-même le reconnaissait quand il signa, en décembre 1944, un traité d’amitié et de coopération avec Joseph Staline : « Les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération » !
Pourtant, le Parlement européen affirme exactement le contraire à travers cette résolution inacceptable pour tout démocrate, quelles que soient les divergences politiques et idéologiques et les différences d’appréciation que l’on peut porter sur l’histoire de l’URSS et du communisme. Ce texte, qui attente tout simplement à la liberté d’opinion et d’expression ainsi qu’aux travaux historiques utilisant la démonstration scientifique et rationnelle, représente un immense danger pour trois raisons :
D’abord, ce texte prétend imposer une version officielle et unique de l’histoire du continent européen au XXe siècle, à travers le seul prisme de l’idéologie dominante, celle des tenants de l’UE et de sa « concurrence libre et non faussée » (de fait, des anticommunistes notoires). Si le texte évoque – arbitrairement et univoquement – le pacte germano-soviétique (qui, rappelons-le, est un pacte de NON-AGRESSION, ayant de surcroît permis à l’URSS de poursuivre sa préparation militaire pour vaincre l’Allemagne nazie dans un conflit inéluctable – il suffit de lire Mein Kampf pour en prendre conscience !), il passe totalement sous silence les honteux et lâches accords de Munich de septembre 1938, lorsque les dirigeants pseudo-démocrates du Royaume-Uni et de la France livrèrent les Sudètes tchécoslovaques aux appétits hitlériens, trahissant au passage les « alliances de revers » sensées garantir la sécurité des pays d’Europe centrale et orientale ; tout ceci sans consulter une URSS jugée tellement plus dangereuse que l’Allemagne nazie… Et bien entendu, inutile pour la dite résolution d’évoquer toute une série d’événements démontrant sans contestation possible que, comme le pensaient si bien tous les anticommunistes de l’époque, il valait mieux avoir « Hitler plutôt que le Front populaire » … D’ailleurs, nous l’affirmons sans ambiguïté : oui, les régimes réactionnaires et fascisants polonais et baltes de l’entre-deux-guerres, par leur haine du communisme et leur antisémitisme, furent aussi complices et responsables de l’immense carnage à l’encontre des Juifs et des résistants de tout poil, communistes en tête. Qu’importe pour l’UE, proclamant une lecture de l’histoire idéologique totalement mensongère et diffamatoire, lecture que n’importe quelle recherche historique un minimum fouillée et honnête suffit à démonter. Pour preuve : l’article 3 « rappelle que les régimes communistes et nazi sont responsables de massacres, de génocide, de déportations, de pertes en vies humaines et de privations de liberté d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de l’humanité, qui auront à jamais marqué le XXe siècle » ; en quoi les régimes communistes d’Europe de l’Est ont-elles participé à des « massacres » et « génocides » au XXe siècle ??!! D’où sort une telle affirmation diffamatoire ??!!
Cette vision de l’histoire, qui prétend devenir vérité officielle et unique pour l’ensemble des pays membres de l’UE, débouche sur une propagande massive pour réécrire les programmes d’histoire enseignés en classe. C’est à quoi incite l’article 12, qui « demande à la Commission de fournir un soutien concret aux projets de travail de mémoire et de souvenir historique dans les États membres ainsi qu’aux activités de la plate-forme pour la mémoire et la conscience européennes, et d’affecter des ressources financières suffisantes, dans le cadre du programme ‘‘L’Europe pour les citoyens’’, au soutien à la commémoration et au souvenir des victimes du totalitarisme, comme demandé dans la position du Parlement sur le programme ‘‘Droits et valeurs» 2021-2027’’ ». Exactement dans la lignée de ce que le sinistre Jean-Michel Blanquer annonçait le 16 mai 2018 à l’Assemblée nationale, affirmant sans ambiguïtés qu’il est « totalement prioritaire d’ancrer l’idée européenne chez les jeunes, en faisant bien comprendre que c’est leur avenir », notamment en s’assurant que l’enseignement de l’histoire fasse « référence à nos racines européennes ». Plus que jamais, la propagande européiste se confond avec la falsification historique et la haine du communisme, au nom des « valeurs de l’Europe » ; et tant pis si parmi les eurodéputés ayant voté se trouvent des réactionnaires du PiS polonais, c’est-à-dire l’extrême droite réactionnaire et fascisante du continent.
Enfin, l’UE formule des menaces à peine voilées à l’encontre des forces communistes, selon une logique de criminalisation juridique et politique croissante. Comment comprendre autrement l’article 17 ainsi que l’article 18 selon lequel « l’UE constate que le maintien, dans les espaces publics (parcs, places, rues, etc.) de certains États membres, de monuments et de mémoriaux glorifiant les régimes totalitaires ouvre la voie à la dénaturation des faits historiques relatifs aux conséquences de la Seconde Guerre mondiale ainsi qu’à la propagation d’un système politique totalitaire » ; à quand l’arrestation de personnes arborant un t-shirt à l’effigie de Guevara ou orné de la faucille et du marteau ?! A quand l’obligation de débaptiser la station de métro Stalingrad ?! Et tant qu’on y est, à quand l’interdiction de la Fête de l’Humanité et des organisations qui, comme le PRCF, refusent de renier la Révolution d’Octobre, l’emblème ouvrier et paysan, la Commune de Paris ou la Révolution jacobine, elle aussi en voie de diabolisation depuis des décennies ?!
Camarades communistes, citoyens progressistes, jeunes et moins jeunes, attachés aux libertés et à l’égalité héritées de la Révolution française, de la Commune de Paris et du Front populaire, patriotes antifascistes fidèles à l’esprit antifasciste du Conseil National de la Résistance, forces syndicales et associatives opposées à la Réaction : l’heure est gravissime et n’est plus à la tergiversation face à l’offensive euro-fasciste, mais bel et bien au rassemblement pour composer un Front unique sur cette question de l’anticommunisme d’État comme fourrier de la fascisation continentale. Ne croyons pas que seuls les communistes seraient victimes de cette mesure ; il s’agit d’un ballon d’essai visant à terme à éliminer politiquement et juridiquement tous les opposants à l’euro-dictature capitaliste et néolibérale en Europe, avec la complicité de l’atlantisme belliqueux cherchant la guerre ouverte avec la Russie. Comme le déclarait déjà le pasteur Niemöller – pourtant peu suspect de philo-communisme ! – au sujet de l’ascension du nazisme en Allemagne :
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
C’est pourquoi nous, militants du PRCF et des JRCF, appelons tous les vrais démocrates de chaque pays européen à se dresser tous ensemble en même temps contre la chasse aux sorcières anticommuniste continentale qui, encouragée par l’UE en marche vers la régression sociale généralisée et par l’OTAN en quête d’aventure militaire contre le peuple russe, fait partout et toujours le lit du fascisme qui frappe ensuite TOUS ses opposants, comme l’a démontré l’expérience historique, en France et partout ailleurs.
Dénonçons et combattons cette résolution mortelle pour les libertés publiques et politiques, et qui fait le jeu de toutes les forces réactionnaires et fascisantes du continent ! Les barricades n’ont que deux côtés, et face à l’offensive actuelle il faut désormais choisir son camp : l’anticommunisme européiste assimilant honteusement le communisme au nazisme et criminalisant les forces progressistes et révolutionnaires ; ou la démocratie et l’antifascisme, nécessitant un engagement sans faille contre l’euro-fascisation galopante sur l’ensemble du continent.
Voilà pourquoi nous vous demandons instamment de prendre position de manière catégorique contre la résolution scélérate du Parlement européen, contre la répression anticommuniste en Pologne, en Ukraine, dans les Pays baltes et dans d’autres pays de l’Est, et de bien méditer la remarque de l’écrivain antifasciste Thomas Mann :
« Placer sur le même plan moral le communisme russe et le nazi-fascisme, en tant que tous les deux seraient totalitaires, est dans le meilleur des cas de la superficialité, dans le pire c’est du fascisme. Ceux qui insistent sur cette équivalence peuvent bien se targuer d’être démocrates, en vérité, et au fond de leur cœur, ils sont déjà fascistes ; et à coup sûr ils ne combattront le fascisme qu’en apparence et de façon non sincère, mais réserveront toute leur haine au communisme. »
Thomas Mann