n° 41-octobre 2019
Lors du sommet européen de Barcelone en 2002, Lionel Jospin, 1er ministre, et Jacques Chirac, Président de la République, annonçaient une modification profonde des retraites à savoir : l’augmentation de cinq ans de l’âge moyen de la cessation d’activité, la mise en place des fonds de pension, de l’allongement du temps de travail et la fin des préretraites. À l’issue de ce sommet européen, Jospin et Chirac ont ratifié le paragraphe concernant les retraites « Il faudrait rechercher d’ici à 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse dans l’Union européenne, l’activité professionnelle, les progrès a cet égard seront examinés chaque année avant le conseil européen de printemps ».
En juillet 2019, le conseil de l’UE a adressé à la France ses dernières recommandations économiques en précisant qu’il soutenait la réforme des retraites prévue par l’exécutif qui serait de nature à « contribuer à alléger la dette publique à moyen terme ». Elle va plus loin dans son soutien à la contre-réforme Macron puisqu’elle préconise « d’uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite ».
L’objectif principal de cette contre-réforme des retraites est de faire 5 milliards d’économies d’ici 2022 pour rester dans les clous des 3 % budgétaires imposés par l’Union européenne, et tout cela sur le dos des travailleurs et des retraités.
Il faut savoir que la dette de la France n’est pas le fait des régimes spéciaux, pas non plus le résultat de trop de santé, trop de service public, trop de fonctionnaires, trop de retraites, elle est due principalement au fait que l’État a renoncé à plus de 100 milliards d’euros de recettes fiscales (annuelles) en dix ans. La dette publique est un mécanisme de redistribution à l’envers, puisque les intérêts versés aux prêteurs (ceux qui ont des excédents) leur permettent de faire grossir leur magot, au détriment de ceux qui sont contraints d’emprunter et de verser ces intérêts.
La dette publique profite à ceux qui ont pu accumuler des excédents très supérieurs à leurs besoins en matière de consommation grâce à l’explosion des inégalités depuis 30 ans… Elle sert à justifier en permanence la réduction des prestations sociales, ainsi que le démantèlement des services publics au profit du secteur privé lucratif et aujourd’hui, à s’attaquer à notre régime de retraite.
Il est possible de réduire notre dette en s’attaquant aux dépenses nécessaires par une fiscalité sur les très hauts revenus, en rétablissant l’impôt sur la fortune qui a rapporté 5,56 milliards d’euros en 2018… en faisant payer leur cotisations patronales, en arrêtant de verser du CICE aux entreprises alors qu’elles ne font aucune embauches…
Le seul but des contre-réformes des retraites de Balladur, Juppé, Fillon Ayrault, Macron, c’est de faire les poches des travailleurs et de permettre aux grandes fortunes de toujours plus s’enrichir. Oui, c’est aux capitalistes et à l’Etat patron de payer les retraites qui sont en réalité un salaire différé.
Commission luttes du PRCF
Des brèves :
§ – Nouvelle journée de paralysie aux urgences de Purpan
Source : La Dépêche du Midi – 4/10/2019
La grève se poursuit au CHU de Purpan à Toulouse. Les urgences de Purpan sont au service minimum depuis le milieu de la nuit. Pour faire face au manque de soignants et à l’arrivée de nouveaux patients, la direction a décidé de renforcer le dispositif des urgences de Rangueil et invite les patients à contacter le 15 ou le « 39 66 Allo Docteur » pour évaluer la situation avant hospitalisation.
§ – Financement des retraites
Source : CGT
C’est cinq milliards d’euros que rapporterait pour le financement des retraites l’égalité salariale entre les femmes et les hommes
§ – Pauvreté
Source : Ensemble journal de la CGT – 09/2019
La France compte environ 9 millions de pauvres. Avec 630 000 personnes de plus entre 200 et 2016 – si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian en raison surtout de la hausse du chômage.
§ – Douanes
Source : Ensemble 09/2019
Après deux mois de mobilisation et de grève du zèle, La CGT Douanes a signé un accord avec sa direction générale. A la clé, entre autres, une révalorisation salariale (indemnité de risque, heures de nuit…)et une amélioration des conditions de travail. La CGT continue de batailler contre les attaques sur les missions et les effectifs douaniers.
Des luttes gagnantes :
A – Les postiers-es de Montauban, Grisolles, Montech, Caussade, Nègrepelisse ont lutté et gagné, après 48 jours de grève
Source : CGT – 1/10/2019
Le 9 juillet dernier, les syndicats cgt et sud mandaté par les grévistes ont signé le protocole de fin de conflit après 48 jours de grève
En grève depuis le 22 mai, les postier-es ont pu enfin reprendre sereinement le tri et la distribution de leur tournée après avoir gagné :
§ 13 requalifications en CDI d’agents en contrat précaire,
§ L’amélioration de leurs conditions de travail par des bâtiments adaptés à la distribution et au tri,
§ Le choix de ne pas subir les nouvelles organisations (tri et distribution matin/après-midi et/ou distribution toute la journée)
§ le remplacement de toutes leurs absences programmées comme les congés ou les RTT,
§ La possibilité de finir leur tournée en étant rémunérés,
§ La prise en compte par la direction du travail réel,
La lutte légitime menée par les grévistes fut exemplaire en tout point.
Usager-es, élu-es et postier-es sont convaincu-es que La Poste doit rester un service public de qualité et de proximité tout comme le démontre le superbe métier de facteur.
Pendant 48 jours de grève, ils ont lutté toutes et tous ensemble pour maintenir et améliorer ce service public postal dans le Tarn et Garonne.
B- la direction de l’AFP condamnée par la Cour d’Appel de Paris
Source : CGT – 02/10/2019
Dans un arrêt du 19 septembre 2019, la chambre sociale de la Cour d’Appel de Paris condamne la direction de l’AFP à appliquer, pour les salariés de statut Siège, les augmentations SPQN de 2013 (0,4% puis 0,5%) et de 2014 (0,5%).
En cela, elle confirme et amplifie le jugement de première instance, puisqu’elle l’étend aux «accessoires de salaires » tels que, par exemple, la prime de rendement. La décision est exécutoire.
Pour rappel, la CGT et FO, suivies plus tardivement par SUD, avaient saisi la justice après avoir épuisé toutes les possibilités de négociations pour faire appliquer les augmentations, suite au non-respect des accords SPQN par l’ancien PDG Hoog.
Cette décision de la Cour d’Appel était tout à fait prévisible, tant au regard des conventions collectives des ouvriers, employés et cadres, qu’à l’usage constant pour les journalistes.
La CGT toutes catégories se réjouit de cette victoire pour les salariés, et rappelle que les augmentations générales de salaire sont bloquées depuis 7 ans ! La CGT invite la direction à ouvrir des négociations salariales (NAO) sans tarder pour mettre fin à ce blocage. Car le coût de la vie, lui, augmente chaque année.
Des luttes et manifestations :
1 – Christine Renon : marée humaine quand l’Éducation Nationale ne veut pas de vague ;
Source : Rapport de Force – 4/11/2019
La grève lancée par une intersyndicale de Seine-Saint-Denis jeudi 3 octobre a largement dépassé les frontières du 93. Partout en France, la lettre de Christine Renon, directrice d’école à Pantin qui s’est suicidée dans son établissement, émeut et révolte. Elle y met directement en cause l’administration de l’Éducation Nationale et dénonce ses conditions de travail. Or, la manière même dont a été géré l’événement témoigne de la culture du silence qui règne au sein de cette institution.
Ils étaient près d’un millier devant le rectorat de Toulouse, 300 à Montpellier, plus de 3000 personnes devant la DSDEN de Bobigny. Dans 55 départements des rassemblements ont eu lieu, faisant du suicide de Christine Renon un événement national.
Le drame place les enseignants face à leur mal-être, à la surdité d’un gouvernement bulldozer qui passe réforme sur réforme. Il incarne la difficulté d’enseigner en Seine-Saint-Denis, le département métropolitain le plus pauvre, celui qui accueille le plus de REP et REP+ et l’impossibilité d’être directrice dans ce contexte. Quoi de plus normal dès lors, que des milliers d’enseignants réunis qui demandent « justice pour Christine » ? Qu’une grève départementale suivie à plus de 60% dans le 93, obligeant 200 écoles à fermer pour la journée ? Qu’une pétition rassemble plus de 100 000 signataires ?
Les suicides sont loin d’être des événements inédits dans l’Éducation Nationale. D’ailleurs, le samedi 21 septembre, alors que Christine Renon sautait d’un atrium de l’école Méhul, un autre enseignant, Frédéric Boulé, professeur de SVT au Centre International de Valbonne, mettait lui aussi fin à ses jours « cinq jours après avoir rencontré le médecin de prévention du Rectorat », commente le Snes-Fsu de Nîmes.
On se souvient également de Jean Willot, 57 ans, enseignant accusé de violence sur enfant mineur qui a mis fin à ses jours en mars 2019. « Il n’était pas soutenu par sa hiérarchie, déclare Francette Popineau, secrétaire nationale du Snuipp-FSU, alors que l’on sait aujourd’hui que ces accusations étaient fausses. » Ou encore cette enseignante qui, mi-septembre à Fos-sur-Mer, a elle aussi tenté d’en finir. Le sujet est pourtant très mal géré par l’Éducation Nationale : « il n’y a pas de numéro vert, pas de gestion de crise, on demande de ne pas faire de vague, de se taire », ponctue Francette Popineau. Les études portant sur les conditions de travail sont d’ailleurs rares, on en trouve une de la MGEN datant de 2013, une autre de la Depp (Éducation Nationale) en 2017 et un sondage du Se-Unsa en 2018. Leurs résultats soulignent que les enseignants sont plus exposés aux risques psycho-sociaux que les autres professions mais l’administration préfère cacher la poussière sous le tapis. La manière dont a été géré, à Pantin, le suicide de Christine Renon témoigne d’ailleurs de cette stratégie du silence.
Pas de vague à Pantin
Mardi 24 septembre, le lendemain de la découverte du corps de Christine Renon, le directeur académique des services de l’Éducation Nationale (DASEN) Antoine Chaleix, nommé en Seine-Saint-Denis à la rentrée 2019, organise une réunion avec les directeurs des écoles de Pantin. « Une réponse rapide que l’on a appréciée », commente une directrice présente à la réunion qui souhaite rester anonyme. Dans la salle, devant l’inspecteur de circonscription et les directeurs des écoles de Pantin, « il a rapidement évoqué la lettre de Christine Renon, dont nous étions les destinataires, en nous signifiant qu’il fallait la remettre à la police parce qu’elle constituait une pièce à conviction. Quand nous lui avons demandé si cela nous empêchait de la diffuser il n’a pas répondu, nous a simplement fait savoir qu’il ne souhaitait pas connaître le contenu de la lettre, alors qu’il le connaissait sans doute déjà…Il était prêt à faire venir l’officier tout de suite, il a tenté de nous mettre la pression », commente la même directrice. Contacté, Antoine Chaleix n’a pas souhaité répondre à nos questions. Pour Camille Saugon membre de Sud Éducation 93 et du CHSCT, son action reste une « tentative délibérée » de cacher la lettre.
Le même jour, la réouverture de l’école Méhul se fait de manière précipitée. Le mardi 24 septembre, 3 enseignants de l’école sont absents, l’Éducation Nationale fait appel à cinq enseignants contractuels « dont certains ont signé leur contrat seulement lundi, n’ont jamais été face à une classe et se retrouvent avec des élèves qui viennent d’être confrontés à un suicide », déplore Camille Saugon. « Le DASEN a dit qu’il appartenait aux enseignants de reprendre ou non le travail le lendemain…mais que c’était quand même mieux de reprendre vite. J’appelle ça une pression hiérarchique », explique l’enseignante. Selon les enseignantes interrogées, la volonté de faire passer le suicide sous les radars est également manifeste, dans la communication du ministre Jean-Michel Blanquer : « On n’a rien reçu du ministre, jusqu’à jeudi ! Il lui a fallu quatre jours pour trouver la route jusqu’à Pantin, s’indigne Marie-Hélène Plard, co-secrétaire départementale du Snuipp-93, il n’a pas dit un mot sur la lettre et a juste parlé de la mort de Christine Renon, pas de son suicide. J’ai dû faire une minute de silence pour Chirac alors que je n’avais rien fait pour ma collègue ».
“Faire reconnaître sa mort comme un accident du travail”
Jeudi 3 octobre, alors que sept délégués syndicaux se rendaient au CHSCT Départemental extraordinaire, l’objectif était donc clair : faire reconnaitre la mort de Christine Renon comme un accident du travail. « Elle voulait faire de son geste un acte politique, rappelle Marie-Hélène Plard, c’est évident que ses conditions de travail avaient quelque chose à voir avec son suicide ». Pour s’en donner les moyens, les membres du CHSCTD, trois délégués syndicaux FSU, deux de FO, un de Sud et un de la CGT, ont exigé que la commission d’enquête reste au niveau départemental et ne soit pas gérée à l’échelle de l’académie. « En attendant, il n’y a aucune reconnaissance de la responsabilité administrative de la part du DASEN », déplore Camille Saugon, et « il faudra attendre des mois avant que le rapport ne soit rendu. » Le CHSCTD a également voté la révision des rythmes scolaires pour passer à l’école de quatre jours dans la ville de Pantin, selon les vœux de Christine Renon, bien que la décision revienne au maire de la commune. Samedi, une marche blanche aura lieu en la mémoire de Christine Renon à Pantin.
2 – 70 emplois menacés à l’entreprise Dietal, spécialisée dans les luminaires à Saint-Georges-de-Mons (Puy-de-Dôme)
Source : FranceInfo – 3/09/5019
Mardi 3 septembre, la plupart des 210 salariés du groupe Dietal de Saint-Georges-de-Mons, dans le Puy-de-Dôme, était en grève. L’entreprise, spécialisée dans la production de luminaires, entend supprimer un tiers des effectifs, soit 70 postes. La direction invoque la rudesse de la concurrence asiatique.
Mais pour les syndicats, il faut chercher une autre raison en Roumanie. En effet, Dietal propose une filiale dans ce pays de l’est qui emploie 250 personnes. Maryse Chavatte, déléguée CGT Dietal explique : « On va essayer de contrer la direction pour éviter ces 70 licenciements. Il y aura une dizaine de départs volontaires, ce qui en sauvera une dizaine. Notre souci majeur est l’usine en Roumanie : ils ont installé cette usine qui petit à petit nous prend nos emplois et notre travail ».
Une réunion de négociation avec les syndicats et la direction est prévue mardi 3 septembre. Elle devra aboutir à l’établissement d’un calendrier de négociation. La direction explique que tous les corps de métiers seront touchés par ces départs, y compris les cadres. Le Plan de Sauvegarde de l’Emploi devra être présenté devant le tribunal au plus tard le 24 octobre prochain. L’entreprise avait déjà connu 90 licenciements en 2002.
3 – Manifestation de policiers : intersyndicale, une sacrée union
Source : Libération 1/10/2019
Pour la première fois depuis 2001, les syndicats et associations de policiers présentent un front uni. Et ont bon espoir de se faire entendre.
A la veille de la «marche de la colère» des policiers, le syndicaliste Yves Lefebvre manie la menace sur tous les tons. A la tête d’Unité SGP, l’organisation la plus représentative, il apparaît, avec ses confrères et consœurs des autres syndicats, en position de force face au ministère de l’Intérieur. «Sans avoir le droit de grève, on a le pouvoir de bloquer le système», prévient-il entre deux réunions préparatoires à la manifestation. Son syndicat a prévu d’acheminer 36 cars de toute la France. «Aujourd’hui on commence à être respectés car on est craints. Emmanuel Macron ne veut pas de policiers dans la rue», ajoute-t-il.
«La dernière fois qu’on a eu autant d’organisations syndicales réunies pour une manifestation, c’était en 2001, se félicite aussi Philippe Capon, secrétaire général d’Unsa Police. Avec les autres, on s’entend bien, et c’est ce que le gouvernement n’avait pas anticipé.» Fait plutôt rare, même les syndicats d’officiers et commissaires sont de la partie. «Il y a un grand enjeu pour mercredi, car si on n’est que 2 000 dans la rue, on risque de se retrouver à simplement regarder les réformes passer», prévient David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale.
Du côté de Beauvau, Christophe Castaner, ministre, et Laurent Nuñez, secrétaire d’Etat, ont déjà donné des gages de bonne volonté à la veille du rassemblement. L’Intérieur vient par exemple de s’engager à mettre en place un mécanisme de passage de grade automatique au cours d’une carrière, de gardien de la paix à brigadier, se félicite Yves Lefebvre, qui organisait il y a une semaine le congrès d’Unité SGP. Le binôme ministériel était présent. «Je n’avais jamais vu un ministre de l’Intérieur rester dîner à un congrès», s’amuse le syndicaliste, qui voit dans ce détail un signe positif pour les négociations.
En décembre dernier, le trio de syndicats Unité SGP, Alliance et Unsa Police, avait fait plier le ministère de l’Intérieur en deux jours, sur des demandes de revalorisations salariales laissées lettres mortes depuis belle lurette. En pleine crise des gilets jaunes, une journée «commissariats fermés» avait été organisée et l’éventualité d’un mouvement des «gilets bleus» avancée. Un coup de poker qui avait tout de suite payé. «Les manifestations des gilets jaunes nous ont servis dans les négociations avec le ministère et là ils savent qu’avec la réforme des retraites, il va bien falloir des flics pour gérer les manifestations», résume Yves Lefebvre. «Comme on a un gouvernement qui n’est pas dans le dialogue et préfère le rapport de force, il a besoin de la police. Il est comme un toxicomane, accro à la police», analyse Christian Mouhanna, directeur du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales.
Christophe Castaner et Laurent Nuñez ont d’ailleurs pris l’habitude de discuter avec les responsables syndicaux par texto, sans le filtre de leurs cabinets respectifs. Cette situation de dépendance avait déjà été décrite en 2016 par Fabien Jobard, chercheur au CNRS, dans un article consacré aux «colères policières» : «Récurrentes, presque mécaniques, les colères policières sont de celles qui font immanquablement peur au politique. Parce qu’elles s’articulent à une rhétorique systématique de retrait, de vacance de la force publique, les gouvernements leur prêtent d’emblée une écoute inquiète.»
«On est écoutés, mais je ne sais pas si on est entendus», nuance tout de même Philippe Capon. Du côté d’Yves Lefebvre, le verbe est toujours plus conquérant : «Mercredi, ce n’est pas une fin en soi. Avec Castaner, on s’entend bien et quand on discutait lors de notre congrès, il m’a demandé ce qu’on comptait faire de plus après la manifestation. Je lui ai dit : « C’est très simple, si on n’obtient pas ce qu’on veut, je vais aller dans chaque grande ville, l’une après l’autre, pour fermer les commissariats. »»
4 – Une centaine de travailleurs sans papiers en grève
Source : Le monde du 3/10/2019
Cuisiniers, intérimaires, agents d’entretien, ils réclament leur régularisation et de meilleures conditions de travail
Ils sont stewards chez KFC, plongeurs ou cuisiniers chez Léon de Bruxelles ou dans une brasserie chic du 16e arrondissement de Paris, femmes et hommes de ménage dans un hôtel Campanile, un cinéma UGC ou un foyer pour migrants, intérimaires dans le bâtiment…
Ils sont plus d’une centaine et, mardi 1er octobre, ils ont entamé une grève dans douze entreprises. Leur point commun : tous sont des travailleurs sans papiers à Paris et dans sa banlieue et réclament leur régularisation.
Au moment où la préparation du débat parlementaire sur l’immigration – qui se tiendra lundi 7 octobre à l’Assemblée nationale – cible les risques d’abus du système de protection sociale ou de détournement de la demande d’asile, ces hommes et ces femmes, Maliens, Sénégalais et Mauritaniens, mais aussi Togolais ou Ghanéens, rappellent qu’ils « cotis[ent] et contribu[ent] au système de solidarité nationale et de Sécurité sociale ».
«Contrairement à ce que dit la stigmatisation qui a cours, ils sont créateurs de richesse et de développe- ment, martèle Marilyne Poulain, membre de la direction confédérale CGT et pilote du collectif immigration CGT, qui soutient le mouvement. Il faut redonner une visibilité à cette réalité-là. ». Contrats à durée déterminée (CDD) à répétition, heures supplémentaires non payées,
temps de travail inférieur au minimum légal… Beaucoup de ces travailleurs en grève ont aussi des « conditions [de travail] dégradées, voire indignes du fait de leur situation administrative et de leur vulné- rabilité », fait remarquer Mme Poulain.
Payés de la main à la main
le restaurant n’a pas répondu à nos demandes d’explications.
Dans les restaurants KFC de la place d’Italie ou de Tolbiac (13e arrondissement), de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), de Vitry-sur-Seine ou du Kremlin-Bicêtre (Val-de- Marne), les «employés polyvalents» et sans-papiers aimeraient bien, eux, faire davantage d’heures.
La durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à 24 heures par semaine mais – Mahamadou Diakite ne travaille que vingt heures et Mamadou Niakate travaille, lui, quinze heures, tout comme son collègue Boubou Doukoure. « Parfois, on travaille plus, assure ce Malien de 34 ans. Mais on n’est pas payé. Le patron nous dit qu’on a mal compté nos heures. »
« Les employeurs font écrire une décharge aux salariés pour qu’ils disent que c’est eux qui ne veulent pas travailler au minimum légal », ajoute Kande Traoré qui, lui, culmine à vingt-huit heures par semaine. Inter- rogé, KCF n’a pas souhaité faire de commentaires. « Les gens sont dociles alors ils en profitent, s’indigne Boubacar Doucoure, délégué CGT pour l’enseigne KFC. Il y a dix ans de cela, j’étais comme vous, dit-il en s’adressant à ses collègues. J’étais dans la peur. »
Boubacar Doucoure est aujourd’hui manageur et en situation régulière en France, après avoir fait grève
« Ce sont les intérimaires déchargent les camions, constate Jean-Albert Guidou, de la CGT – départementale, à propos des salariés de Haudecœur, une entreprise d’importation de produits alimentaires de La Courneuve (Seine- Saint-Denis), où une dizaine de personnes se sont mises en grève. A la fin de la journée, ils doivent avoir porté autour d’une tonne. C’est l’exemple classique d’une entreprise où on met les intérimaires, a fortiori sans-papiers, sur les postes difficiles avec des risques pour la santé.» Sollicitée, l’entreprise n’a pas donné suite.
Au restaurant japonais New Sukiyaki, en plein quartier de la Bastille, à Paris, Abdourahmane Guiro, 27 ans, embauche six jours sur sept, à raison d’une cinquantaine d’heures par semaine. « Je suis payé 1 500 euros, explique ce Sénégalais. Mais sur le bulletin, c’est affiché 1 100 euros. » Le reste, il le touche de la main à la main. Son collègue Yacouba Dia, 27 ans lui aussi, et chef de cuisine, travaille soixante-six heures par semaine, payées 1 700 euros. Contacté, qui en 2008. « Entre 2000 et 2008, j’ai travaillé sans papiers. J’ai cotisé, j’ai payé des impôts. Et pourtant, je n’aurai jamais de retraite», fait-il remarquer. Quand il entend le discours ambiant qui tend à assimiler les migrants à de potentiels resquilleurs, ça le «révolte».
«On a peur d’être viré»
La plupart des salariés en grève ont été embauchés sous alias, c’est-à- dire en présentant des documents d’identité d’une personne en situation régulière. « Un frère m’a fait une photocopie de sa carte de séjour, de sa carte Vitale et d’une attestation d’hébergement et j’ai amené ça au patron qui m’a fait un contrat à durée indéterminée (CDI), explique Mamadou Niakate. Au travail, on m’appelle Diaby. » Son collègue Mahamadou Diakite arbore, lui, un badge au nom de Mantia.
Quand un travailleur sans papiers veut entamer des démarches de régularisation auprès d’une préfecture, il a besoin – pour remplir les critères d’admission exceptionnelle au séjour que son employeur établisse un certificat de concordance d’identités et, dans tous les cas, qu’il remplisse un formulaire Cerfa de demande d’autorisation d’embauche d’un salarié étrangernon-européen. «On n’ose pas demander parce qu’on a peur d’être viré», confie Moussa Diakite, un Malien de 44 ans qui travaille dans la démolition via la société d’intérim Cervus, basée à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).
C’est peu ou prou ce qui est arrivé à Boubou Doukoure. Pendant sept mois, il a travaillé en CDD dans un abattoir de Lorient (Morbihan). Il accrochait des poulets sur une ligne d’abattage. Lorsque son employeur a voulu lui faire un CDI et qu’il s’est rendu compte de sa situation, il l’a congédié sur le champ.
Moussa Diakite dit avoir «plusieurs fois essayé de demander une régularisation» en déposantun dossier en préfecture. Sans succès.
«Ces travailleurs sont soumis à un double arbitraire, patronal et préfectoral », souligne Maryline Poulain. Moussa Diakite s’est mis en grève pour la première fois de sa vie. Il craint un «durcissement des conditions» de vie des immigrés, lui qui se sent déjà «limité dans [ses] libertés» et «réduit dans [ses] déplacements». En seize ans de présence en France, il n’est retourné qu’une seule fois au Mali, où il a une femme et deux enfants.
Mardi 1er octobre au soir, trois piquets de grève avaient été levés – dans un cinéma UGC, une société de nettoyage et un restaurant du 16e arrondissement – après que les employeurs se sont engagés à accompagner leurs salariés dans leur démarche de régularisation.
5 – Belfort : les syndicats de General Electric préparent la riposte
Source : France Bleu – 04/10/2019
Après la proposition de leur direction de baisser le plan social sous certains conditions, les syndicats de General Electric à Belfort en appellent à l’action. Manifestations, grève du zèle, dépôts de plainte, cette mobilisation pourrait prendre plusieurs formes.
Ils ne veulent pas en entendre parler. Les syndicats de General Electric à Belfort sont vent debout après la proposition ce jeudi de leur direction de revoir le plan social à la baisse, sous certaines conditions. « On nous propose de travailler comme des travailleurs mexicains et on nous parle désormais de problèmes de compétitivité en nous disant qu’il faut qu’on revoit à la baisse les acquis sociaux obtenus ces vingt dernières années pour espérer voir le plan social baisser. On s’est fait berner. C’est totalement inadmissible« , explique Philippe Petitcolin, le délégué CFE-CGC de l’entreprise.
L’intersyndicale va donc réunir les salariés dès lundi pour décider des modalités d’action: « On verra, mais il faut réfléchir à une mobilisation intelligente. Ils disent que nous ne sommes pas assez compétitifs. Ils vont voir ce que c’est, on va s’assurer que les ressources de GE se tarissent« . L’intersyndicale sera également à l’assemblée nationale le 9 octobre prochain pour y déposer un texte. Une grande mobilisation se prépare aussi sur Belfort le 19 octobre prochain.
Un dépôt de plainte contre l’Etat est toujours envisagé
Philippe Petitcolin doit également avoir au téléphone ce vendredi, le ministre de l’économie Bruno Le Maire. De cette conversation dépendra le dépôt de plainte de l’intersyndicale contre l’Etat et General Electric : « Si c’est cela le dernier jet du plan social, leur avancée notable sur le plan social, alors oui nous déposerons plainte« .