Depuis le 21 novembre 2019, les colombiens ont lancé une grève générale. Les manifestations, massives, se multiplient. Et cela malgré la répression, et malgré le déploiement massif de la police, et de l’armée et des paramilitaire aux ordres du régime Duque, un régime d’extrême droite aux pratiques fascistes non discontinuée depuis le plan Condor. Face à la féroce répression, le peuple colombien dans la rue exige désormais le départ de Duque.
Pour étouffer la colère d’un peuple colombien plongé dans la misère – 2 millions et demi de personnes y souffrent de famine – c’est par la répression que le président d’extrême droite Duque répond. Il a imposé un couvre feu sur le pays.
« J’ai décidé de renforce la présence des forces de sécurité et d’augmenter les capacités des services de renseignement. J’ai ordonné le déploiement de la police et de l’armée dans les endroits critiques » a déclaré beliqueux, autoritaire et violent Duque.
#ColombiaDesperto #ColombiaParo #cazerolazo #ParoNacional21N #Bogota
— NiCkY (@MichaelHGil) 22 novembre 2019
Carlos lleras PTE 👊👊👊 pic.twitter.com/zrAy8VDNQB
Ce qui n’empêchait pas la jeunesse du pays de braver l’interdit dans des concerts de casseroles jusque devant la maison du dictateur.
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» C’est un gouvernement qui tue des enfants et qui ne le reconnait pas » explique dans une de ces manifestation Katheryn M. une étudiante, en référence au bombardement qui a tué huit enfant et qui a conduit à la démission du ministre de la défense Guillermo Botero.
Denuncian que la Policía colombiana reprime con rudeza a los manifestantes en Bogotá pic.twitter.com/tnebwZmgF0
— RT en Español (@ActualidadRT) 23 novembre 2019
Vendredi alors que les manifestants défilaient tranquillement sur la place bolivar à Bogota, la police les a violemment attaquée.
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La capitale colombienne s’est couverte de piquet de grève, de manifestation et de barricades bloquant les routes.
https://peoplesdispatch.org/wp-content/uploads/2019/11/por-la-educacio%CC%81n-2-1024×576.jpgLe peuple colombien dénonce tout à la fois le désengagement du régime Duque du processus de paix, et surtout sa politique néo libérale qui détruit le peu de droits et de protections sociales – la retraite et le salaire minimum notamment – des colombiens.
Le candidat de gauche à la dernière élection présidentiel, battu de peu, Gustavo Petro averti que le régime Duque est en train de mettre en oeuvre une opération de ses services secrets pour terroriser les citoyesn
« Le couvre feu décrété par Penalosa à Bogota etait utilisé pour monter une opération afin de panique entre la classe moyenne et les quartiers pauvres. Son but est de saboter le mouvement social par la peur »
Les témoignages se sont effectivement multipliés sur les réseaux sociaux de policiers brisant des vitres et même dans certains cas obligeants des sans abris à ramasser des pierres.
Neuf raisons pour lesquelles les Colombiens sont en grève
Jeudi 21 novembre, la Colombie se prépare à faire grève – l’une des plus importantes de ces derniers temps. Les syndicats, les mouvements sociaux, les associations paysannes, d’Afrodescendants, indigènes, féministes, LGBTQI et les organisations communautaires, les barras des fans de football, les collectifs de prisonniers politiques et de conscience, et même les reines de beauté ont promis de soutenir et de participer à cette grève nationale.
Cette grève fait suite à un grand nombre de manifestations contre le néolibéralisme et l’impérialisme sur tout le continent et dans le monde (Chili, Équateur, Liban) et aux mobilisations permanentes contre le gouvernement du président d’extrême-droite Iván Duque qui ont eu lieu ces dix-huit derniers mois.
Chaque secteur a ses revendications spécifiques, mais un certain nombre de questions communes ont uni les Colombiens contre le gouvernement néolibéral répressif d’Iván Duque.
1. Le génocide
Le refus du génocide en cours des leaders sociaux, des défenseurs des droits de l’homme, des anciens combattants, des autochtones et des Afrodescendants a été l’un des principaux cris de ralliement pour cette mobilisation. Selon des rapports compiles par des organisations colombiennes de défense des droits de l’homme et des mouvements sociaux, ainsi que par des organisations internationales de défense des droits de l’homme, l’estimation actuelle est que plus de 800 dirigeants sociaux, défenseurs des droits de l’homme et anciens combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et leurs proches, ont été assassinés depuis 2016.
Selon l’Organisation indigène nationale de Colombie (Organización Nacional Indígena de Colombia, ONIC), depuis l’entrée en fonction de Duque en août 2018, 134 membres du mouvement indigène, y compris des dirigeants, des autorités et des membres de la Guardia, ont été assassinés.
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La Guardia indigène assiste aux funérailles de Gersaín Yatacué, assassiné le 1er août à Caloto, Cauca. Sur la banderole, on peut lire: « Ils nous tuent ». Photo: Twitter
Les auteurs de ces crimes vont des membres des Forces armées et de la police nationale colombiennes à des membres de groupes paramilitaires ou criminels. De nombreuses victimes ont fait l’objet de menaces et d’intimidations avant leur assassinat, ce qu’elles avaient rapporté aux institutions et aux autorités de l’État, mais elles n’ont pas bénéficié d’une protection adéquate.
Les organisations touchées ont noté que la stratégie de la droite pour l’assassinat des dirigeants a changé. Aujourd’hui, il est rare qu’un dirigeant national très visible et célèbre soit assassiné, car ils savent que la réaction sera très forte. En revanche ce sont des dirigeants communautaires locaux qui sont pris pour cible, ceux qui s’engagent dans la résistance territoriale et constituent des obstacles directs à la progression et au contrôle du territoire, et dont les assassinats peuvent être oubliés et expliqués par « un conflit entre voisins ».
Les mouvements sociaux, les mouvements indigènes, les organisations d’Afrodescendants et de défense des droits de l’homme ont qualifié de génocide l’assassinat systématique de ceux qui luttent pour le changement et la paix en Colombie et ont exigé que le gouvernement d’Iván Duque prenne de véritables mesures pour protéger les vies de leurs leaders en Colombie et pour démanteler les structures paramilitaires qui commettent ces crimes afin d’imposer leur projet économique et politique dans les régions.
2. La paix
L’une des principales craintes lors des élections présidentielles de 2018 était qu’Iván Duque, le protégé de l’ancien président belliciste Alvaro Uribe Velez, n’entraîne un recul des efforts de paix en Colombie et une intensification de la guerre. En effet, cela s’est révélé vrai. Bien qu’un accord de paix ait été signé entre les FARC et le gouvernement national dirigé par Juan Manuel Santos en 2016 à La Havane, à Cuba, le gouvernement de Duque a systématiquement cherché à le saper.
Par exemple, en mars 2019, Duque a soulevé des objections à six des articles fondamentaux de la Juridiction spéciale pour la paix, le système judiciaire transitoire créé par les accords de paix, dans un effort pour affaiblir ce mécanisme important.
Les restrictions budgétaires imposées aux projets productifs créés par l’accord de paix pour aider à la transition économique et sociale des anciens combattants ont empêché qu’ils soient totalement mis en œuvre, laissant de nombreux anciens combattants dans l’incertitude et sans ressources économiques. Avec pour résultat que beaucoup d’entre eux ont réintégré des groupes armés, qui vont des fractions dissidentes des FARC à des groupes criminels.
Le processus de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN) a également été confronté à de sérieux défis. Depuis l’entrée en fonction de Duque, son gouvernement a refusé d’envoyer une délégation à La Havane pour poursuivre le cycle de pourparlers entamé avec le gouvernement de Juan Manuel Santos. Enfin, après une attaque contre une école de formation de la police à Bogotá, Duque a annoncé que le gouvernement suspendait les négociations et a émis des mandats d’arrêt contre les membres de la délégation de paix, violant les protocoles établis. Depuis lors, les attaques contre l’ELN et les régions qu’elle contrôle se sont intensifiées.
3. Le « paquetazo » néolibéral de Duque
S’inspirant des mouvements en Équateur, les confédérations syndicales et les organisations sociales colombiennes sont passées à l’offensive contre les réformes du travail, des retraites et de la fiscalité que la droite colombienne cherche à imposer et qui, selon elles, aggraveraient les conditions de vie des travailleurs, privatiseraient les retraites et offriraient encore plus de privilèges fiscaux aux entreprises multinationales, entre autres choses. Bien que les projets de loi pour ces réformes n’aient pas encore été soumis en totalité au Parlement, des déclarations de ministres du gouvernement et de députés du Parti démocratique du centre de Duque indiquent clairement quel est le genre de réformes que le gouvernement souhaite faire passer.
Ces organisations ont dénoncé que la réforme du travail, par exemple, pourrait comprendre un modèle de contrat à base horaire, des différences salariales en fonction des régions, un salaire minimum différent pour les jeunes et l’intensification du régime où les entreprises ont moins de responsabilités de participer aux cotisations sociales des travailleurs.
Les organisations ont identifié que les organisations économiques internationales, telles que l’OCDE, le Fond monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, étaient déterminantes dans l’imposition de ces réformes.
4. Les brutalités policières
La montée des protestations sociales depuis l’entrée en fonction de Duque a provoqué une réponse extrêmement militarisée et violente. La Brigade mobile anti-émeute (ESMAD dans son acronyme espagnol) a été la protagoniste de cette violence et a été responsable, l’an dernier, de plusieurs morts, de manifestants éborgnés et d’autres blessures graves dues à leurs tirs arbitraires de grenades lacrymogènes, de grenades assourdissantes, d’armes non conventionnelles et de matraques.
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Les manifestations étudiantes en Colombie ont été lourdement réprimées par la police nationale et l’ESMAD. Photo: Colombia Informa
Les organisations étudiantes qui ont payé le plus lourd tribut à cette répression violente pendant leurs mobilisations massives ont appelé au démantèlement de cet organisme, puisque sa principale fonction est de réprimer violemment le people.
Lors de la mobilisation sociale en mars et avril, qui a vu des dizaines de milliers de paysans, d’indigènes et d’Afrodescendants se mobiliser sur la route panaméricaine dans la région sud-ouest de la Colombie, les unités de l’ESMAD ont incendié des camps de manifestants et attaqué violemment les manifestations.
5. Le massacre de 18 enfants
Le 5 novembre, le sénateur Roy Barreras du Parti social d’unité nationale a donné des informations sur un bombardement pratiqué le 29 août par l’armée colombienne contre un prétendu camp dissident des FARC à San Vicente de Caguán dans le département de Caquetá. Après le bombardement, des responsables gouvernementaux ont annoncé qu’il s’agissait d’une opération réussie au cours de laquelle « 14 criminels ont été tués », mais comme Barreras l’a dénoncé, les représentants du gouvernement avaient dissimulé que huit enfants mineurs avaient été tués dans le bombardement, ce qui avait été clairement établi dans le rapport du médecin légiste après le bombardement.
La semaine suivante, l’agence de presse Noticias Uno a révélé que selon des témoignages de la communauté locale, le nombre des enfants tués lors du bombardement pourrait atteindre 18. Elle a rapport que trois d’entre eux auraient survécu mais qu’ils auraient été poursuivis par des chiens et abattus par l’armée alors qu’ils couraient pour se mettre en sécurité.
Bien que l’étouffement du scandale ait débouché sur la démission forcér du ministre de la Défense Guillermo Botero, il est clair que le président Iván Duque était aussi impliqué dans la dissimulation de l’information sur les enfants et dans l’ordre et la justification donnés pour le bombardement.
6. La militarisation des territoires
Malgré la rhétorique de paix au niveau international et la signature d’un accord de paix, la réalité est que la Colombie continue à agir comme si elle était une zone de guerre avec un ennemi intérieur extrêmement dangereux. Comme elle l’a toujours fait dans l’histoire, la réponse de l’État colombien à la protestation sociale, aux revendications de changement structurel du modèle social, économique et politique et à la violence pratiquée par des acteurs non étatiques est la militarisation. Cela ne se manifeste pas seulement par la présence constant et visible de soldats, de bases de l’armée et de véhicules blindés dans les villes, sur les routes, dans les montagnes, dans les petits villages et dans les campagnes, mais également en termes de dépenses. La Colombie possède la deuxième armée d’Amérique latine et, avec le Brésil et le Mexique, est l’un des trois pays qui dépensent le plus pour la défense.
Les organisations sociales dénoncent que non seulement la militarisation continue des territoires menace la vie des communautés, mais que si l’État dépensait moins pour la défense et la lutte contre ses propres citoyens, il serait peut-être en mesure d’offrir aux Colombiens ce dont ils ont désespérément besoin, comme la santé et l’éducation.
7. La criminalisation des mouvements sociaux
La criminalisation des mouvements sociaux est une autre tactique pratiquée par l’État colombien pour combattre la force et organisations sociales et populaires dans le pays et faire naître un climat de peur et de suspicion. Des douzaines de dirigeants d’organisations populaires en Colombie ont été arrêtés, emprisonnés, accusés de terrorisme, de rébellion et d’autres charges graves alors que leur seul crime est d’être un leader social et de lutter pour la paix, la justice et la dignité.
Les procès de Julián Gil, Alix Miriam Aguilar et José Hermes Burgos, membres du Congrès des peuples, ainsi que de Sara Quiñonez et Tulia Maris Valencia du Black Communities Process, qui n’ont presque aucune preuve matérielle à avancer à l’appui des accusations contre ces leaders, ont mis en évidence la tentative désespérée de l’État de briser la résistance populaire.
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Des membres de la Brigade mobile anti-émeute (ESMAD) postés dans un village. Photo: Colombia Informa
Ces derniers jours, les mouvements colombiens ont également annoncé que la force publique avait pris pour cible des organisations et des dirigeants actifs dans la dénonciation du régime de Duque et qui ont participé à l’organisation de la grève actuelle. Le Congrès des peuples a dénoncé que le mardi 19 novembre à l’aube, la police nationale a fait 27 perquisitions presque simultanées dans les maisons de dirigeants du Congrès des peuples, de membres de collectifs d’artistes, de groupes d’étudiants et dans le bureau du projet de média alternatif Cartel Urbano.
Ces descentes avaient pour but d’enquêter sur des crimes tels que « le terrorisme et la fabrication, le trafic ou le transport d’armes ou de munitions à usage privé des forces armées, ou d’explosifs ». La police a confisqué des objets comme des drapeaux, des foulards palestiniens, des chapeaux, des bocaux de verre, des gants, de la peinture, des affiches et du ruban adhésif, tous objets utilisés dans les manifestations sociales.
Le Congrès des peoples a dénoncé les perquisitions et a déclaré : « Il est évident que ces actes irréguliers et ouvertement antidémocratiques … cherchent à faire pression, à susciter la peur, à criminaliser et, en fin de compte, à dissuader la large participation des mouvements sociaux et de leurs membres à la grève nationale du 21 novembre, cela en abusant de leur pouvoir politique, économique et militaire, qui est directement contrôlé par le régime d’Iván Duque et de son Parti démocratique du centre. »
8. Pour une vie digne
Malgré la forte militarisation, la répression violente et la criminalisation, les Colombiens continuent à prendre tous les risques pour lutter pour le droit à une vie digne, l’accès aux soins de santé, à une nourriture saine, à un logement digne, à la terre et à la paix. La Colombie est l’un des pays les plus inégaux de la région, seuls Haïti et le Honduras la dépassent, et ses habitants sont nombreux à ne pas avoir accès à ces droits fondamentaux.
Les étudiants colombiens se sont mobilisés très activement pour l’accès à une instruction publique de qualité alors que le gouvernement est déterminé à restreindre les budgets des institutions publiques et encourage la privatisation.
Légende: Les étudiants colombiens se mobilisent pour défendre l’instruction publique. Photo: Colombia Informa
Les rebellions contre les mesures néolibérales en Équateur et au Chili, ainsi que la résistance courageuse des Boliviens contre le coup d’État raciste de droite, ont donné aux mouvements colombiens non seulement l’élan pour poursuivre le soulèvement du continent, mais aussi la confiance en eux et la volonté d’affronter la violente répression de l’État. L’énergie qui parcourt tout le continent est celle de la solidarité, de la révolte et de la force, et à la suite des soulèvements, des mouvements populaires ont répondu partout par la solidarité active, organisant des rassemblements et des mobilisations massives pour soutenir leurs frères et sœurs dans les rues, écrivant des articles et des déclarations pour partager la réalité de ce qui se passe. C’est un moment historique, de changement et de défiance à l’égard des élites du continent et des forces impérialistes.
21 novembre 2019 – par Zoe PC – Source : peoplesdispatch.org
traduction DG pour www.initiative-communiste.fr