Retour sur une exposition qui à Paris se consacre à la contribution des juifs soviétiques dans la défaite des nazis.
Jusqu’au 10 avril 2020, le centre de Russie pour la science et à la culture à Paris devait accueillir une exposition documentaire interactive, signalée par l’audiovisuel public belge, mais ignorée par les médias en France.
Un travail historique et de mémoire reposant sur la collecte des témoignages des survivants et de leurs descendants, dans le même esprit qu’une initiative en ligne à la mémoire des résistants que nous avons signalée, la Fondation russe « Blavatnik Archiv » présente cette exposition intitulée « Le Chemin vers la Victoire: juifs soviétiques pendant la Seconde guerre mondiale ». Par rapport aux autres expositions historiques consacrées à l’Armée rouge, celle-ci incluait le combat des partisans soviétiques (aspect rarement évoqué) rejoints par d’autres nationalités s’étant réfugiées en l’URSS, en particulier des juifs ayant fui les avancées nazies.
Une exposition qui fait pièce aux insultes et autres formes d’expression et d’insinuations quant à l’antisémitisme prétendu de l’URSS, puisque parmi ceux entendus là nombre d’entre eux vivent toujours en Russie, et portent fièrement les médailles reçues sur les champs de bataille, pas seulement comme simples troufions mais avec de hauts postes d’officiers, hommes ou femmes, dans toutes les armes.
Une exposition qui permet de rappeler qu’au sein même de la résistance soviétique en France se trouvaient des juifs : l’historien René Barchi donne l’exemple du détachement féminin FTP-MOI « Rodina ». Il était composé de 37 jeunes filles soviétiques qui s’étaient évadées d’un camp de travail forcé. Ce détachement a été commandé par deux commandantes successives, élues à l’unanimité par leurs camarades… la deuxième était l’unique juive du groupe. Toutes deux ont reçu le grade de lieutenant FFI/FTPF.
Initiative Communiste revient sur cette exposition.
« Cette exposition ne parle pas des stratégies militaires et n’affiche pas des plans de batailles, son contenu principal sont les témoignages très personnels d’anciens combattants, des faits peu connus de la vie des juifs qui ont combattu le nazisme sur les fronts, dans les rangs de l’Armée Rouge et dans les détachements des résistants (partisans). » écrit la commissaire Maria Tchobanov.
Pour qui s’intéresse un peu à la destruction des juifs pendant la seconde Guerre mondiale, reviennent essentiellement des noms comme le Fonds Yad Vashem (Israël), le Mémorial de la Shoah (France), ou la fondation Spielberg qui s’attachent à recueillir les témoignages des survivants et de leurs descendants à travers le monde (parmi d’autres).
Quant à l’Union Soviétique, c’est bien connu, elle est antisémite d’autant plus que, reproche adressé urbi et orbi, elle n’a pas, à la fin de la guerre, créé la catégorie « victimes juives », incluses dans les victimes civiles et militaires soviétiques. Pays multiculturel et multiethnique, aucune population n’a été extraite de l’ensemble « peuple soviétique ». Est-ce à dire que les massacres de juifs ont été occultés ? Le Livre noir[1] d’Ehrenbourg et Grossman atteste du contraire. Le 6 novembre 1941, Staline, célébrant la Révolution d’Octobre depuis le Kremlin, dénonce les pogroms nazis. Les Polonais juifs de la zone d’occupation soviétique ont bénéficié en priorité d’un déplacement à l’Est de l’Oural, vers la Mer Noire, pour être mis à l’abri de la barbarie hitlérienne. Et de nombreuses familles de 20-30 personnes ont ainsi pu survivre et émigrer vers Israël, ou d’autres pays, au complet. Mais aujourd’hui, cela ne se dit plus et les témoins disparaissent. Les juifs soviétiques n’étaient pas déportés par les nazis, mais exterminés sur place selon des procédés plus ou moins expéditifs et inhumains tels que le raconte l’écrivain et témoin Anatoli Kouznetsov dans son roman-documentaire Babi Yar[2] : le 29 septembre 1941, 33000 juifs furent massacrés dans ce ravin des environs de Kiev, auxquels le compositeur Chostakovitch rend hommage dans sa symphonie éponyme. 55% de la population juive d’Union Soviétique périrent ainsi, 2.7 millions de personnes sur les 7.4 millions de civiles soviétiques.
En Russie, fut créé en 1920, en pleine guerre civile encore, le 1er (et seul) théâtre mondial yiddish d’État à Moscou dans un décor de Chagall. Et, comme dit un combattant apprenant l’extermination des siens « je me suis rappelé qu’après tout j’étais juif ». Faire entendre cette « voix juive » est le premier intérêt de cette exposition interactive. Interactive car elle laisse les témoins raconter selon un plan large qui part des « Motivations de se battre » remises dans leur contexte, puis aborde les « Mémoires du front », « La vie quotidienne », « Les lettres et journaux intimes » pour finir sur « La victoire et l’héritage ». Mais plus encore, et contrairement aux autres recueils de témoignages, il ne s’agit pas d’une vision victimaire. Les témoins se posent en combattants, trichant sur leur âge pour être incorporés, mus tous par la même idée fixe : « Nous nous battions pour notre peuple, pour sauver notre patrie ». Les femmes n’acceptant pas d’être reléguées dans les intendances. On les retrouve aux avant-postes derrière des mitrailleuses – ornées de quelques fleurs pour célébrer le 8 mars, journée de la femme -, pilotes de bombardiers, dans les services médicaux… Même pendant la guerre, l’égalité homme-femme conserve ses droits ! Nombre d’entre elles seront décorées de l’ordre de l’Union Soviétique…parmi 1200 environ et plus de 200 généraux et amiraux. C’est l’une d’elles, Anna Marants, pathologiste en chef sur le 1er front de Biélorussie qui reçoit la mission secrète d’autopsier le corps calciné d’Hitler. On entend ces femmes et ces hommes, juifs, soviétiques, qui ont combattu pour la victoire finale inéluctable. L’un d’eux remarque d’ailleurs : « Jamais nous ne disions « si » nous gagnons, mais « après » la victoire ». À travers les témoignages audio-vidéo et quelques images nous les suivons jusqu’à Berlin, libérant au passage des camps de concentration, découvrant des horreurs sans nom, et racontant sans fioriture ni héroïsme, leurs combats…avec un brin d’humour…juif ? soviétique ? « Si je ne suis pas mort à Stalingrad, réplique l’un d’eux à sa femme, c’est pas toi qui m’aura ! », et de belles histoires d’amour aussi.
GJ pour www.initiative-communiste.fr
[1] Textes et témoignages, Paris, Solin Acte Sud, rééd.2019
« Cette exposition ne parle pas des stratégies militaires et n’affiche pas des plans de batailles, son contenu principal sont les témoignages très personnels d’anciens combattants, des faits peu connus de la vie des Juifs qui ont combattu le nazisme sur les fronts, dans les rangs de l’Armée Rouge et dans les détachements des résistants (partisans). » écrit la commissaire Maria Tchobanov.
Pour qui s’intéresse un peu à la destruction des juifs pendant la seconde Guerre mondiale, reviennent essentiellement des noms comme le Fonds Yad Vashem (Israël), le Mémorial de la Shoah (France), ou la fondation Spielberg qui s’attache à recueillir les témoignages des survivants et de leurs descendants à travers le monde (parmi d’autres).
Quant à l’Union Soviétique, c’est bien connu, elle est antisémite d’autant plus que, reproche adressé urbi et orbi, elle n’a pas, à la fin de la guerre, créé la catégorie « victimes juives », incluses dans les victimes civiles et militaires soviétiques. Pays multiculturel et multiethnique, aucune population n’a été extraite de l’ensemble « peuple soviétique ». Est-ce à dire que les massacres de juifs ont été occultés ? Le Livre noir[1] d’Ehrenbourg et Grossman atteste du contraire. Le 6 novembre 1941, Staline, célébrant la Révolution d’Octobre depuis le Kremlin, dénonce les pogroms nazis. Les Polonais juifs de la zone d’occupation soviétique ont bénéficié en priorité d’un déplacement à l’Est de l’Oural, vers la Mer Noire, pour être mis à l’abri de la barbarie hitlérienne. Et de nombreuses familles de 20-30 personnes ont ainsi pu survivre et émigrer vers Israël, ou d’autres pays, au complet. Mais aujourd’hui, cela ne se dit plus et les témoins disparaissent. Les juifs soviétiques n’étaient pas déportés par les nazis, mais exterminés sur place selon des procédés plus ou moins expéditifs et inhumains tels que le raconte l’écrivain et témoin Anatoli Kouznetsov dans son roman-documentaire Babi Yar[2] : le 29 septembre 1941, 33000 juifs furent massacrés dans ce ravin des environs de Kiev, auxquels le compositeur Chostakovitch rend hommage dans sa symphonie éponyme. 55% de la population juive d’Union Soviétique périrent ainsi, 2.7 millions de personnes sur les 7.4 millions de civiles soviétiques.
En Russie, fut créé en 1920, en pleine guerre civile encore, le 1er (et seul) théâtre mondial yiddish d’État à Moscou dans un décor de Chagall. Et, comme dit un combattant apprenant l’extermination des siens « je me suis rappelé qu’après tout j’étais juif ». Faire entendre cette « voix juive » est le premier intérêt de cette exposition interactive. Interactive car elle laisse les témoins raconter selon un plan large qui part des « Motivations de se battre » remises dans leur contexte, puis aborde les « Mémoires du front », « La vie quotidienne », « Les lettres et journaux intimes » pour finir sur « La victoire et l’héritage ». Mais plus encore, et contrairement aux autres recueils de témoignages, il ne s’agit pas d’une vision victimaire. Les témoins se posent en combattants, trichant sur leur âge pour être incorporés, mus tous par la même idée fixe : « Nous nous battions pour notre peuple, pour sauver notre patrie ». Les femmes n’acceptant pas d’être reléguées dans les intendances. On les retrouve aux avant-postes derrière des mitrailleuses – ornées de quelques fleurs pour célébrer le 8 mars, journée de la femme -, pilotes de bombardiers, dans les services médicaux… Même pendant la guerre, l’égalité homme-femme conserve ses droits ! Nombre d’entre elles seront décorées de l’ordre de l’Union Soviétique…parmi 1200 environ et plus de 200 généraux et amiraux. C’est l’une d’elles, Anna Marants, pathologiste en chef sur le 1er front de Biélorussie qui reçoit la mission secrète d’autopsier le corps calciné d’Hitler. On entend ces femmes et ces hommes, juifs, soviétiques, qui ont combattu pour la victoire finale inéluctable. L’un d’eux remarque d’ailleurs : « Jamais nous ne disions « si » nous gagnons, mais « après » la victoire ». À travers les témoignages audio-vidéo et quelques images nous les suivons jusqu’à Berlin, libérant au passage des camps de concentration, découvrant des horreurs sans nom, et racontant sans fioriture ni héroïsme, leurs combats…avec un brin d’humour…juif ? soviétique ? « Si je ne suis pas mort à Stalingrad, réplique l’un d’eux à sa femme, c’est pas toi qui m’aura ! », et de belles histoires d’amour aussi.
« Cette exposition est une petite partie d’un très volumineux travail, réalisé par les archivistes et les collaborateurs de la Fondation Blavatnik Archive, une organisation à but non lucratif fondée en 2005 par Leonid Blavatnik, entrepreneur américano-britannique et membre de la Russian Jewish Congress Charitable Foundation. Durant 15 ans, 1 200 vétérans ont été interrogés dans 11 pays. Leurs témoignages et de nombreux documents fournis – lettres, cartes postales, journaux intimes, photographies – parlent de la guerre comme aucun manuel scolaire ni livre d’histoire ne saurait le faire. »Exposition exceptionnelle et de salubrité historique à l’heure où le rôle majeur et déterminant de l’URSS contre les fascistes, nazis et collatéraux est mis en cause, où l’histoire est falsifiée. Les juifs, parmi les Soviétiques, se sont battus tant dans l’Armée Rouge sur le front, qu’au sein des groupes de partisans dans les territoires occupés. Le président Poutine veut faire du 75è anniversaire de la victoire sur le nazisme « l’année de la mémoire et de la gloire ». Gloire aux vaillants combattants soviétiques, juifs et non-juifs !
[1] Textes et témoignages, Paris, Solin Acte Sud, rééd.2019
[2] Paris, Robert Laffont, rééd.2019