Lorsque France Info osait aujourd’hui présenter l’appel du 18 juin du général de Gaulle comme la réponse à un « appel du 17 juin » du maréchal Pétain appelant à la collaboration, rappelons au peuple français que le 17 juin est celui de l’appel de à la résistance lancé à Gradignan, près de Bordeaux, par Charles Tillon, alors membre du bureau politique du P.C.F. clandestin.
Publié sous la forme d’un tract clandestin, cet appel montre que les communistes – pourtant frappés d’interdiction et menacés de la peine de mort par le décret Sérol – ont lancé les premiers, et ce depuis le territoire national, l’appel à la Résistance.
Cette action n’avait rien d’un acte isolé. Tillon rappellera qu’il se trouvait alors à Bordeaux car Benoît Frachon l’y avait envoyé afin de reconstituer une organisation clandestine. Il fallait d’abord « lancer un premier tract, qui serait à la fois un cri de protestation et de révolte, un cri qui contiendrait en même temps une certaine espérance »
Cette action s’inscrivait dans le droit fil de la ligne antifasciste adoptée sous le Front populaire et au VIIe congrès de l’Internationale communiste, sans oublier l’engagement décisif auprès des Républicains espagnols.
Ce 17 juin donc, c’est avec la complicité de certains kiosquiers communistes, que les tracts rapportant l’appel du dirigeant du Parti communiste étaient encartés dans des journaux bordelais comme la France ou la Petite Gironde. Il atteindra des lecteurs jusqu’aux chantiers de Saint-Nazaire.
Sous l’Occupation, Charles Tillon fut le chef de file des Francs-Tireurs et Partisans Français. A la Libération, il deviendra ministre communiste dans le premier et deuxième gouvernement dirigé par Charles de Gaulle, aux côtés de François Billoux, d’Ambroise Croizat, de Marcel Paul et de Maurice Thorez, Jacques Duclos présidant l’Assemblée nationale.
Pour conclure, à l’attention des auxiliaires de la bourgeoisie, qui continue de nier contre l’évidence la réalité de la présence (majoritaire) des communistes dans la Résistance avant 1941, rappelons la lettre adressée le 11 février 1955 par Jean Brüller dit Vercors, au Général de Gaulle, après la lecture de ses Mémoires de guerre :
Il écrit : « En abordant hier soir la page 231, pourquoi a-t-il fallu que je retrouve sous votre plume les calomnies ordinaires que l’on porte contre les communistes… car mon Général, je mentirais par omission en ne témoignant pas pour eux. La première lettre que j’ai reçue, en août 1940 qui m’appelait à la résistance était signée du communiste jean-Richard Bloch. La première réunion à laquelle j’ai assisté en octobre 1940 chez le poète Arcos, s’était faite à l’initiative du même, accompagné du communiste Frédéric Joliot-Curie du communiste Wallon, du communiste Maublanc et du communiste Francis Jourdain …. La première revue clandestine fondée en décembre 1940 « La pensée libre » était une revue communiste et c’est sur ces cendres que j’ai fondé plus tard « Les éditions de minuit ». Le premier organe clandestin des intellectuels résistants (Comité national des écrivains), fut fondé en avril 1941 par le communiste Jacques Ducour. Il y laissa la vie. L’un des tout premiers résistants, que j’ai « pratiqué » qui fut arrêté presque sous mes yeux, puis torturé à mort, c’était le communiste Holweg. La première « grosse affaire » découverte par la Gestapo fut celle du Musée de l’Homme, conduite par le communiste François Lescure … et qui mena (en compagnie de Francis Cohen tous deux dirigeants des jeunesses communistes) l’affaire du 11 novembre 1940 à l’Arc de Triomphe. [Le 11 novembre 1940, eut lieu une grande manifestation à l’Arc de Triomphe de Paris, organisée par des étudiants qui protestaient contre l’occupation allemande. Parmi les principaux organisateurs il y avait François Lescure et Francis Cohen tout deux dirigeants de la jeunesse communiste].
« C’est justement parce qu’il est évident que nos historiens futurs puiseront presque tout ce qui concerne cette période dans vos mémoires et probablement dans eux seuls, que je me suis attristé d’y trouver une erreur historique qui risque de se perpétuer » et plus loin il ajoute : « Je ne parlais que du court passage (quelques lignes) où vous reprenez contre les communistes français l’accusation courante de s’être abstenus de la Résistance jusqu’à l’entrée en guerre de l’U.R.S.S. Vous objectez à mon témoignage : c’étaient seulement quelques individualités. Mais c’est là justement que gît l’injustice à leur égard …. Cependant quel autre « Parti » a édité clandestinement une revue résistante dès 1940 ? Les radicaux, les socialistes, les modérés ? Quel « réseau » issu d’un « Parti » a fonctionné avant les réseaux communistes ? Penseriez-vous à reprocher aux autres ces longs mois passés à hésité, à se chercher, à s’organiser ? » A l’heure où l’on nous fait passer le C.N.R. pour l’Union sacrée, quand celle-ci visait à écraser les peuples par la guerre et celui-là à les libérer enfin de la guerre et du fascisme, rappelons donc le poids des communistes dans notre Libération et dans l’établissement d’un programme qui parlait enfin de « Jours heureux » comme Saint-Just parlait de la liberté idée neuve en Europe.