Le 25 Mars 2020, en réponse à la crise sanitaire dû au COVID-19, démarra le confinement de l’Inde. La plupart des industries ainsi que les services furent fermés. Des millions de personnes – personne ne connait le nombre exact, se sont mis en route à pied, marchant des centaines de kilomètres. Privés de travail, ces migrants économiques internes à l’Inde, qui travaillent dans l’industrie du bâtiment, dans les services, qui sont des petits travailleurs indépendants dans les villes, des journaliers dans de grands domaines agricoles, ont tenté de regagner leurs villages natals, retrouver leurs familles et tenter de survivre.
Le chanteur indien Aadesh RAVI nous fait ressentir avec force toute la douleur de cette lutte pour la survie de ces travailleurs indiens marchant sur les routes, sous un soleil de plomb, dans des situations extrêmement précaires.
Voici les paroles, traduites depuis le Télougou :
Comment les petits tiennent-ils à la maison ?
Je me demande comment et avec quoi ma vieille mère les nourrit.
Nous travaillons dur pour survivre,
Forcés de migrer pour joindre les deux bouts
La nation est peut-être grande,
Mais nos vies sont misérables.
Cette maladie maudite nous a frappés,
Et détruit nos vies,
Mais qu’est-ce donc que cette vie ?
Une vie misérable, une vie pathétique
Une vie abjecte, une vie broyée
Y-a-t’il une maladie pire que la misère ?
Le réconfort d’être avec sa famille n’est-il pas le plus grand ?
Être chez soi en ces temps troublés nous aurait suffi,
Nous aurions survécu ensemble, avec un reste de sauce et de gruau.
Les enfants voltigent et passent dans mes yeux tout le temps
Les lamentations de ma femme me pourchassent sans cesse,
Que devrais-je faire ? Que suis-je pour faire ?
Que faire ? Que puis-je faire ?
Sans bus, sans train, O’saaru
Laisse-moi aller, maître ! Je rentrerai à pied à la maison !
Sans bus, sans train, O’saaru
Laisse-moi aller, maître ! Je rentrerai à pied à la maison !
Comment les petits tiennent-ils à la maison ?
Je me demande comment et avec quoi ma vieille mère les nourrit.
Comment les petits tiennent-ils à la maison ?
Je me demande comment et avec quoi ma vieille mère les nourrit.
Sans bus, sans train, O’saaru
Laisse-moi aller, maître ! Je marcherai jusqu’à la maison !
Comment les petits tiennent-ils à la maison ?
Je me demande comment et avec quoi ma vieille mère les nourrit.
Nous travaillons dur pour survivre,
Forcés de migrer pour joindre les deux bouts
La nation est peut-être grande,
Mais nos vies sont misérables.
Cette maladie maudite nous a frappés,
Et détruit nos vies,
Mais qu’est-ce donc que cette vie ?
Une vie misérable, une vie pathétique
Une vie abjecte, une vie broyée
Y a-t-il une maladie pire que la misère ?
Le réconfort d’être avec sa famille n’est-il pas le plus grand ?
Être chez soi en ces temps troublés nous aurait suffi,
Nous aurions survécu ensemble, avec un reste de sauce et de gruau.
Les enfants voltigent et passent dans mes yeux tout le temps
Les lamentations de ma femme me pourchassent sans cesse,
Que devrais-je faire ? Que suis-je pour faire ?
Que faire ? Que puis-je faire ?
Sans bus, sans train, O’saaru
Laisse-moi aller, maître ! Je rentrerai à pied à la maison !
Sans bus, sans train, O’saaru
Laisse-moi aller, maître ! Je rentrerai à pied à la maison !
Source : https://ruralindiaonline.org/articles/the-long-march-of-the-locked-down-migrants/
La petite Jamlo et les travailleurs migrants
L’un des malheurs le plus emblématiques de cette catastrophe est la mort de la petite Jamlo. Cette petite fille de 12 ans, ouvrière agricole, dans les champs de piments. En février, sans le dire à ses parents, elle était partie travailler dans les champs de piments du Telangana avec d’autres jeunes de son village. Le 18 avril, après avoir marché trois jours avec d’autres travailleurs tentant de rentrer chez elle, Jamlo est morte d’épuisement.
Source : https://ruralindiaonline.org/articles/we-dont-fear-coronavirus-or-the-heat-now/
L’histoire de Jamlo est emblématique, mais c’est un arbre dans une forêt de travailleurs héroïques tentant de survire, de rentrer chez eux, vers leurs proches, où il n’est pas forcément dit qu’ils y survivront plus aisément. Ces migrants, qui avaient perdu leur travail, ont été soumis à des persécutions policières pour infraction au confinement. Mais où se confiner quand son lieu de travail, où on dormait aussi certainement, ferme ? Sans travail, sans argent, de nombreux travailleurs sont morts d’épuisement. Le gouvernement Modi ordonna aux propriétaires de ne pas demander de loyer et aux employeurs de payer les salaires sans déductions. On doute que cela fût suivi d’effets. Finalement certains Etats comme l’Uttar Pradesh décidèrent d’arranger des bus allant chercher les migrants à Delhi. Le premier mai, le gouvernement Modi autorisa la réouverture des lignes de trains pour les migrants, mais les tarifs furent augmentés. Malgré la réouverture de ces lignes, les travailleurs ne les attendirent pas et partirent quand même à pied par leurs propres moyens, probablement pour ne pas mourir de faim.
Les distributions de produits de première nécessité
Le 26 Mars 2020, le gouvernement indien annonça un plan de 22.6 milliards de dollars pour aider les plus pauvres. Le plan devait bénéficier aux travailleurs migrants, avec des transferts d’argent, et des distributions de nourriture. Néanmoins il apparaîtrait que des millions de travailleurs indiens n’ont pas pu accéder à ces services.
Selon la Cour Suprême indienne, les gouvernements des Etats indiens ont ouvert 22 567 refuges pour travailleurs migrants. 15 541 ont été ouverts par le Kerala socialiste, le reste se partageant entre ONG et autres États indiens. Sans organisation séculaire pour s’occuper des travailleurs, ce sont les organisations religieuses qui en ont profité : l’organisation d’extrême droite hindouiste Rashtriya Swayamsevak Sangh a fourni énormément de services, en termes de masques, savons, et nourriture partout dans l’Inde. Les organisations sikhes telles que le Shiromani Gurdawara Parbandhak Committee ont offert des soins aux patients positifs au coronavirus. Le CPI (m) (Parti communiste d’Inde (marxiste)) a aussi participé à diverses distributions de nourriture dans la mesure de ces moyens.
Le prétexte de la crise sanitaire, de la crise économique pour détruire les conquis sociaux des travailleurs indiens
En Uttar Pradesh, État peuplé de plus de 200 millions d’habitants, le gouvernement conservateur BJP, l’un des fiefs les plus importants pour le premier ministre Modi, suspend le droit du travail pour une durée de 3 ans. Dans l’espoir de faire redémarrer l’économie, 32 des 34 lois relatives au Code du travail encadrant les droits des syndicats, le salaire minimum, les inspections du travail sont abrogées. Seules les lois sur l’esclavage (sic) continuent de s’appliquer.
Avec la nouvelle guerre froide s’intensifiant entre la Chine et les États-Unis et les éventuels déplacements de production industrielle réalisés pour les marques américaines en Chine, le premier ministre Narendra Modi veut dérouler le tapis rouge aux entreprises américaines. C’est probablement un rêve inatteignable pour les capitalistes et le gouvernement indien. En effet, ce n’est pas le droit du travail qui est un obstacle à la production en Inde, mais les infrastructures insuffisantes malgré les promesses régulières du gouvernent Modi de les améliorer. Les routes, l’un des plus grands réseaux de chemin de fer du monde, le traitement des eaux et des ordures, sont en décrépitude ou n’ont jamais existé. Le gouvernement Modi veut profiter de cette crise pour déployer son programme ultra-libéral économiquement plutôt que de développer rationnellement les infrastructures de son pays. Les travailleurs broyés après 2 mois sans salaire n’auront certainement plus la force de faire grève et de protester.
Malheureusement, ça ne se passe pas qu’en Uttar Pradesh mais dans une dizaine d’autres grands États indiens. On diminue les salaires minimum, on augmente la durée des journées de travail.
Après tant de souffrances, les travailleurs indiens ne sont pas au bout de leur peine. Il leur faudra trouver un courage formidable pour se relever après ces mois de privations et combattre pour leur dignité !
.Rédigé par Collectif international JRCF le 27 mai 2020