C’est un nouveau scandale qui éclabousse des ses remugles purulents la recherche en France, celui de la désignation d’un remplaçant pour Michel Cosnard à la présidence du HCERES, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur français.
Le conflit d’intérêts, c’est la règle dans le régime Macron, si l’on se penche sur ses ministres et ministères
- Parlons de l’ex-ministre de la santé Buzin et de son mari ex-président de l’INSERM,
- de la ministre Borne qui en tant que présidente de la RATP était également administratrice d’une institution militant pour la privatisation des grandes infrastructure (IGD)
- de Kholer, l’ex-secrétaire général de Macron et ses amarres avec l’armateur MSC, et son intervention dans l’affaire STX, chantier de l’Atlantique.
- et, très récemment, la désignation, comme secrétaire générale du ministre de la justice Dupond Moretti, de Véronique Malbec qui n’est autre à la ville que la femme du directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux… démontrant dans ce conflit d’intérêts le mépris évident pour le respect, au moins dans la forme, de la séparation des pouvoirs.
- ou encore le cortège assourdissant de casseroles de Delevoye, l’ex-Haut Commissaire aux retraites.
- et sans oublier Macron lui même et les terribles et scandaleuses ramifications de l’affaire Alstom (cliquer pour lire ici).
Ces affaires ne sont que la partie émergée d’un problème systémique : celui du capitalisme. Elle révèle en réalité la collusion et les liens d’intérêts qui sont ceux de la classe capitaliste. Établissant son emprise, sa dictature non seulement sur les entreprises privées, mais bien sur les institutions (non seulement celle de l’État mais surtout celles qu’elle établit à sa main, celles de l’Union Européenne) qui n’en sont que leur prolongement. Népotisme, corruption, conflit d’intérêts… c’est là le cœur même du fonctionnement du système capitaliste.
jbc pour www.initiative-communiste.fr
Népotisme et conflits d’intérêts au sommet de la recherche
Le roi Macron aime à placer ses proches. Voulant imposer par tous les moyens son conseiller personnel à la tête du HCERES, il prend aussi le risque de malmener l’indépendance et l’intégrité de la recherche française, au moment où elle en a le plus besoin.
Il y a assez peu de doute que Thierry Coulhon sera nommé ce 28 juillet à la présidence du Haut Conseil de l’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur français (HCERES). Mais ce sera, une fois de plus, au prix de l’indépendance de cet organisme, qui a justement le statut d’« autorité administrative indépendante ». Car le prix à payer sera très élevé, aussi bien pour le conseiller Coulhon que pour l’Élysée, et plus encore pour toute la recherche. Qu’on en juge :
1. Après qu’un appel à candidature a été lancé courant décembre 2019 pour assurer la succession de Michel Cosnard à la présidence du HCERES – son mandat s’était achevé fin octobre -, des échanges et des « auditions » informelles se déroulent : plusieurs candidats sont entendus par la ministre mais aussi par le conseiller enseignement supérieur et recherche du président, à savoir Thierry Coulhon. Or Thierry Coulhon est également candidat à cette fonction. Un conseiller assurément très particulier, doué de cette aptitude au dédoublement qu’exige la politique dite d’excellence : il aura été l’auteur de sa propre audition. Pour protester contre cette candidature politique qui rend manifeste une situation de conflit d’intérêts et pour se réapproprier le contrôle des valeurs et du sens des métiers de la recherche, le collectif RogueESR lance le 20 janvier une candidature collective à la présidence du HCERES, qui sera rejetée par le ministère malgré les 5400 signatures de soutien.
2. Le conflit d’intérêts est si évident et les protestations si vives que la ministre Frédérique Vidal en est réduite à saisir, début mars, le Collège de déontologie de son ministère, lequel rend son avis le 29 mai. On peut le lire ICI. Dans un langage poli et avec de multiples pincettes, nos savants déontologues reconnaissent ceci : « une apparence de conflits d’intérêts peut naître de la candidature, à une nouvelle étape de la procédure, d’une personnalité qui avait, à un stade antérieur, reçu, dans le cadre de ses attributions, les candidats alors déclarés. » Et ils ajoutent : « L’éventuelle nomination à la tête d’une autorité administrative indépendante d’une personne qui exerçait immédiatement auparavant des responsabilités auprès des autorités du pouvoir exécutif est également de nature à susciter des hésitations ». C’est peu dire …
3. Contrainte par les recommandations du Collège de déontologie, la ministre lance un nouvel appel à candidatures. Parmi les 160 candidatures déposées, dont une majorité suscitées à nouveau par le collectif RogueESR qui a invité les collègues à procéder cette fois à des candidatures individuelles, la haute administration du Ministère parvient à sélectionner en moins d’une semaine quatre candidats qui seront auditionnées mardi 28 juillet. Thierry Coulhon, dont on aurait pu imaginer qu’une fois le masque tombé il serait sagement resté confiné en son palais, a présenté à nouveau sa candidature. Il fait partie des quatre sélectionnés, lesquels doivent être départagés par une commission de quatre membres, dont deux sont possiblement en situation de conflit d’intérêts. Je joins à ce billet un communiqué de RogueESR qui résume bien la situation à la veille du grand oral.
Macron aime privatiser le pouvoir autant que les services publics. Les situations de conflits d’intérêts se multiplient dans l’ESR depuis le lancement de la « Loi liberté et responsabilité des universités » en 2007, dont Thierry Coulhon, il convient de s’en souvenir, avait piloté la mise en application, au cabinet de Valérie Pécresse. Treize ans après, minés par des potentats locaux et parfois de véritables petites mafias, les universités et les organismes de recherche du service public sont devenus un terrain de chasse privilégié pour les cabinets de consultance en tous genres et pour les petites et grandes entreprises du secteur privé. Avec Macron, le sommet de l’État est, de ce point de vue, une véritable école du vice. Mais l’école a aussi ses ratés. Depuis bientôt un an, Macron patine à imposer son conseiller personnel à l’ESR à la tête du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Les 17-18 septembre 2019, le HCERES organisait un colloque sur le thème « Bilan et perspectives de l’évaluation de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation : 2015-2025 ». Cedric Villani devait ouvrir le colloque. Empêché pour cause d’élections municipales, il fut remplacé, au pied levé, par Thierry Coulhon. Convenant que sa prise de parole était contraire à son état de conseiller politique du président qui l’oblige à la mutité, il concéda « le plaisir d’une très légère transgression » (26 :30 dans la vidéo ci-dessous). Plaisir qui se prolongea par un authentique discours de candidat, alors même que Michel Cosnard n’avait pas encore achevé son mandat. Il est vrai qu’en Macronie, où l’impunité rivalise avec l’indécence, le conflit d’intérêts n’est rien de plus qu’une « très légère transgression ». Et le népotisme un pur divertissement.
Pascal Maillard Ouverture du colloque « Bilan et perspectives de l’évaluation de l’ESRI : 2015-2025 » © Hcéres
Lettre du collectif RogueESR en date du 24 juillet
Chères et chers collègues,
La présidence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur français (HCERES) est vacante depuis le 30 octobre 2019. Un premier appel à candidatures avait été annulé sur avis du collège de déontologie de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, du fait de l’opacité du processus et des critères d’évaluation et de sélection des candidatures et du fait des conflits d’intérêts notoires de l’un des candidats, Thierry Coulhon, conseiller auprès du président de la République.
Lors du second appel, le ministère a reçu 160 candidatures en plus de celle de Camille Noûs, soutenue par RogueESR. Il est surprenant que tant de candidatures aient pu être examinées en si peu de temps, sans rapporteurs scientifiquement compétents pour lire les travaux et évaluer leur qualité. Il est très surprenant que Thierry Coulhon se présente à nouveau à cette fonction, malgré l’avis du collège de déontologie de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il est encore plus surprenant que la commission d’audition soit présidée par Claire Landais, secrétaire générale du gouvernement. Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur français (HCERES) est une Autorité administrative indépendante, c’est-à-dire une institution qui agit au nom de l’État et dispose d’un réel pouvoir, sans pour autant relever de l’autorité du gouvernement. L’idéal régulateur de la recherche et de l’Université est fondé sur l’autonomie du monde savant vis-à-vis de tous les pouvoirs — politique, religieux et économique. Les libertés académiques sont ainsi garanties par le préambule de la constitution. Conformément à ce principe, le HCERES est supposé définir « les mesures propres à garantir la qualité, la transparence et la publicité des procédures d’évaluation ». Aussi, un organisme comme le HCERES ne peut se concevoir comme un instrument de pilotage politique. Sous la direction de Jacques Toubon, le Défenseur des Droits a montré ce que devait être la liberté de fonctionnement d’une Autorité administrative indépendante. Il devrait en être de même pour la présidence du HCERES, qui aurait dû être choisie par une instance scientifique indépendante, composée de membres extérieurs. Au contraire, le comité d’audition (Jean-François Bach, Christine Clerici, Suzanne Fortier et Alain Schuhl) comporte deux membres dont les institutions seront évaluées par le HCERES et qui sont donc en conflit d’intérêts notoire.
Quatre candidats seront auditionnés le 28 juillet : Jean-Luc Autran, Véronique Chanut, Thierry Coulhon et Catherine Dargemont. Jean-Luc Autran a été signataire de la tribune parue le 20 janvier 2020 dans le journal Le Monde, qui rappelait les conditions minimales de l’autonomie de la recherche. Il aura la lourde tâche de défendre les principes fondateurs de la recherche et de l’Université, mis à mal depuis bientôt deux décennies.
L’audition par la représentation nationale de la personne choisie, qui précède sa prise de fonction, devrait avoir lieu à l’automne. Nous faisons un appel aux collègues juristes pour fournir une aide dans la rédaction d’une question prioritaire de constitutionnalité et attaquer le décret de nomination devant le Conseil d’État pour irrégularité de procédure, au cas où la personne nommée ne soit pas conforme au principe d’indépendance du HCERES et, surtout, de la science et de l’Université.
Le collectif RogueESR
PS : Le projet de loi de programmation de la recherche modifie le fonctionnement du HCERES en son article 10. Il ne s’attaque pas au principe d’indépendance dont on redoute qu’il soit bafoué. Il réaffirme en revanche le fait que l’évaluation par le HCERES, avec possiblement un retour des « notes », conditionnera fortement la répartition des moyens entre les institutions.
———————–
RogueESR est un collectif de membres de la communauté académique. Il rassemble celles et ceux qui font vivre ses institutions au quotidien, et qui souhaitent défendre un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, ouvert à toutes et tous.
Contact : contact@rogueesr.fr
Twitter : @rogueesr
Site: http://rogueesr.fr