Octobre 1945 / Octobre 2020,le 75ème anniversaire de la Sécurité sociale.Déclaration du Pôle de Renaissance Communiste en France
Pas de véritable sécurité sociale, pas de grande politique de santé publique sans combat contre Macron-MEDEF, l’UE et le capitalisme !
À qui, en réalité, le peuple français doit-il l’existence de la Sécurité sociale?
Contrairement à ce que ressassent sans fin de pseudo-manuels d’histoire anticommunistes et de pseudo-émissions « historiques » spécialistes du mensonge par omission, la mise en place de la Sécu a principalement été portée par Ambroise Croizat, ministre communiste sorti des prisons de Vichy, ancien député du PCF déchu de son mandat en 1940, dirigeant des Métallos CGT, figure ouvrière du Front populaire. Croizat fut interné durant toute la guerre avec les parlementaires communistes qui, comme lui, avaient choisi le « Chemin de l’honneur » synonyme de répression. Sans lui retirer ses mérites patriotiques et militaires incontestables, il est faux d’attribuer au Général de Gaulle les magnifiques avancées sociales de la Libération. Ce dernier était notoirement en réalité en désaccord avec la politique jugée par lui trop sociale et progressiste qui était appliquée par le gouvernement à participation communiste de 1945, où Maurice Thorez, secrétaire du premier parti de France (29 % des suffrages), avait rang de ministre d’État à une époque où Jacques Duclos, principal dirigeant du PCF clandestin avec Benoît Frachon, présidait l’Assemblée nationale. Du reste, de Gaulle démissionna avec éclat en 1946. Et dès son retour au pouvoir en 1958, les gouvernements gaullistes successifs multiplièrent les « ordonnances » contre la Sécu, instituant le « ticket modérateur » et détruisant l’autogestion des caisses de Sécu par les élus syndicaux (majoritairement CGT) des salariés. Ce sont d’ailleurs ces luttes contre les « ordonnances » qui, au cours de toute l’année 1967, créèrent le terrain propice à la grève historique de 1968.
Quant à attribuer les conquêtes sociales de 1945 au parti socialiste SFIO, c’est une plaisanterie : non seulement les dirigeants socialistes des « mutuelles » étaient vent debout contre la Sécu (qui les court-circuitait puisqu’elle était prévue pour rembourser les soins à 100 %), mais dès 1948, alors que les ministres communistes venaient d’être chassés du gouvernement sur pression de Washington, le gouvernement Ramadier à direction SFIO tentait de supprimer le statut des mineurs, suscitait la légitime réaction des mineurs du Nord–Pas-de-Calais (grandes grèves de 1947-1948) et se livrait contre eux à une répression militaire sanglante, encore associée aujourd’hui dans la mémoire « chti » du bassin minier lensois au souvenir de Jules Moch, le ministre socialiste « fusilleur ».
« De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins »: le principe de répartition proprement communiste de la Sécu à la française
Il faut d’abord noter que dans son principe, la Sécurité sociale de Croizat n’avait rien à voir avec une « redistribution » sociale-démocrate visant à verser quelque argent aux travailleurs malades, à la manière du piteux « Obamacare » américain. D’emblée, la Sécu fut fondée par Croizat sur le principe communiste « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » (formule utilisée par Marx dans La critique du programme de Gotha pour décrire le mode de répartition communiste).
Loin de se résumer à une étatisation de la Santé, comme s’y résolvent parfois la bourgeoisie et la social-démocratie dans certains pays, la Sécu originelle de Croizat était autogérée par les travailleurs puisqu’elle était intégralement administrée par les élus syndicaux des salariés sans la moindre voix accordée à l’État bourgeois ou au patronat : les cotisations des salariés, y compris d’ailleurs ce qu’on nomme improprement les cotisations patronales, qui ne sont en effet qu’un salaire indirect mutualisé, appartiennent à 100 % aux prolétaires. L’État bourgeois et les patrons se comportent donc en INTRUS et en USURPATEURS quand ils prennent la main sur le budget de la Sécu pour lui imposer des exigences résultant du « pacte de stabilité », des « critères de Maastricht » et des autres exigences austéritaires liées à la monnaie unique européenne. C’est pour servir ces sordides intérêts de classe contraire à l’intérêt des travailleurs et à la souveraineté de la nation que Chirac et sa clique ont mis en place le « plan Juppé » en 1995 (le budget de la Sécu est désormais voté par le Parlement sous la supervision permanente des commissaires européens surveillant les « dépenses de santé »), et cela avec l’aimable concours de la jaunisssime Nicole Notat, alors patronne de la CFDT et coauteure du plan Juppé. Travailleurs qui votez CFDT, nous vous le disons en toute franche camaraderie, quand vous votez aujourd’hui pour ce syndicat jaune, vous contrevenez à votre insu à votre véritable intérêt de classe, aux conquêtes passées des travailleurs et à votre dignité de citoyen-travailleur !
Pas de Sécurité sociale digne de ce nom sans une pleine et entière souveraineté du peuple français !
Il faut ensuite noter que la Sécu mode 1945 était rendue possible par le retour plénier à l’indépendance nationale, la France ayant évité, grâce à la Résistance armée des communistes, à l’insurrection héroïque des FFI parisiens et au compromis progressiste et patriotique passé entre communistes et gaullistes en 1945 (« Les Jours heureux », programme du CNR dans lequel on voit à chaque ligne la « patte » communiste) de voir remplacer l’occupation allemande par l’AMGOT, c’est-à-dire l’administration américaine du territoire national telle que voulaient l’imposer Churchill, Roosevelt et leur marionnette « française », le général Giraud. Or, la destruction de la Sécu que nous vivons ne fait qu’un avec la perte continue de souveraineté que subit notre pays du fait de l’asservissement volontaire de leurs élites à une Europe supranationale austéritaire, pilotée par l’impérialisme allemand plus fort que jamais et pilotée par Washington et par l’Alliance atlantique. On se souvient qu’en 1995, alors que le menteur en chef Chirac s’était fait élire président sous la promesse de « réduire la fracture sociale », le premier geste du gouvernement Juppé avait été de filer à Bonn où Kohl, le principal vainqueur et bénéficiaire de la guerre froide antisoviétique et anti-RDA, le sommait aussitôt de réduire les « déficits sociaux » français. Suivait le plan Juppé et la première attaque contre les régimes spéciaux de retraite. Depuis lors, on assiste à de vrais « vases communicants » entre la construction de l’UE supranationale et la démolition de la Sécu, des retraites, des services publics et des grandes entreprises industrielles publiques hérités du Front populaire et de la Libération : SNCF, France-Télécom, EDF-GDF, SNECMA (aviation), etc. Pas moins de 62 directives européennes prenant la forme de sommation, et toutes écrites en anglais soit dit en passant, ont été rédigées par les eurocrates bruxellois pour sommer les gouvernements français successifs, de « réduire les dépenses » de santé : joli résultat quand on voit combien l’hôpital désossé et la médecine de ville débordée sont en difficultés aiguës pour encaisser la pandémie du coronavirus!
AMBROISE, MAURICE, JACQUES, FRÉDÉRIC, MARCEL ET LES AUTRES…
Précisons en outre que la mise en place de la Sécu, et notamment de sa branche maladie, n’était qu’un élément parmi bien d’autres réformes progressistes inspirées des « Jours heureux », ce programme du CNR dont les ministres communistes ont mis en place les principales dispositions dans un temps record malgré l’obstruction qu’ils subissaient alors de la part du grand patronat, de la SFIO (le nom que se donnait alors le parti socialiste) et du MRP, pourtant censés être leurs partenaires gouvernementaux. Sachons d’abord que Croizat ne fut pas « que » le ministre qui créa la Sécu : alors ministre du Travail, Croizat mettait son mandat de ministre à profit pour créer aussi les retraites par répartition (que cherche à détruire la très régressive « retraite par points » chère à Macron et à Berger), généraliser les conventions collectives de branche du secteur privé, conforter un Code du travail protecteur du salarié, et installer les comités d’entreprise : en deux années, Croizat ne parvint cependant pas à faire en sorte que ceux-ci aient droit de regard permanent sur les comptes de l’entreprise et la gestion. Mais il n’y avait pas que Croizat et les véritables communistes se doivent de casser le mensonge par omission qui occulte le travail social acharné des autres dirigeants communistes issus du « Parti des Fusillés » et membres du premier gouvernement de Gaulle, en particulier l’apport de Maurice Thorez et de Jacques Duclos.
Ainsi de Maurice Thorez, que tant d’enseignants d’histoire méconnaissent ou vilipendent dans leurs cours alors qu’ils lui doivent leur statut des fonctionnaires (sans garantie de l’emploi, sans libertés professionnelles garanties, sans concours nationaux de recrutement, pas de laïcité véritable de l’école, pas de « service public » primant sur la docilité répugnante dont avait fait preuve la masse des fonctionnaires, policiers en tête, envers Vichy et sa politique d’aide au génocide), qu’il créa aussi le statut des mineurs (des rangs desquels ce fils du « pays noir » était issu lui-même), qu’il mit en place la première forme du SMIG et qu’il procéda à la nationalisation des Charbonnages de France. Thorez, François Billoux et Marcel Paul, ce fut aussi la juste bataille de la production pour relever un pays ruiné et affamé par quatre années de pillage allemand et, pour relever la France en un temps record, les grandes nationalisations créatrices du secteur public industriel français : Renault, la SNECMA (avions civils), et surtout EDF-GDF, mis en place par Marcel Paul, pupille de la nation, secrétaire général des électriciens CGT, déporté résistant, organisateur d’un réseau clandestin d’entraide à Buchenwald, avec un réseau d’œuvres sociales qui furent longtemps un modèle et un point d’appui pour toutes les luttes sociales en France.
On ne peut pas oublier non plus Frédéric Joliot-Curie, physicien, militant communiste, époux de la grande chimiste Irène Joliot-Curie et gendre de Marie et de Pierre Curie, qui relança le CNRS, œuvre du Front populaire, et qui, avec le CEA, créa la première pile atomique destinée à la production pacifique d’électricité. Comment taire enfin le nom d’Henri Wallon, l’un des fondateurs de la psychologie scientifique moderne, lui aussi résistant et membre du PCF, qui fut en 1944 le Premier ministre de l’Éducation nationale de la République restaurée et qui, avec l’immense physicien Paul Langevin, collaborateur d’Einstein et beau-père de Jacques Solomon (jeune physicien communiste fusillé au Mont-Valérien aux côtés du philosophe communiste Georges Politzer) rédigea le fameux plan de rénovation de l’école dit « Plan Langevin-Wallon » qui inspira après-guerre des éducateurs progressistes du monde entier.
À l’arrière-plan de tout cela, il y avait alors un grand parti d’avant-garde, le P.C.F, NOTRE P.C.F, qui avait conduit la lutte patriotique sur le terrain, une CGT forte de cinq millions d’adhérents (pour 40 millions de Français…) et campée sur les positions de classe, un large mouvement culturel d’inspiration communiste avec des Aragon, Éluard, Triolet, Picasso, Léger, Jean Vilar, etc. Interrogeons-nous sur les immenses dégâts qu’ont causés à notre classe et à notre pays les dérives suicidaires, travesties en « rénovations », qui ont affaibli et dénaturé depuis lors, au moins au niveau des appareils centraux et des états-majors euro-formatés, ces outils de résistance et de reconquête d’une grande efficacité !
1945, UNE « REVOLUTION » ?
Ne disons jamais pour autant, comme le font certains théoriciens communistes contemporains qui « mordent le trait », que ces réformes étaient déjà telles quelles une forme réalisée de communisme. Les ministres de 1945 étaient parfaitement conscients que, dans le cadre des rapports de forces existants alors entre les classes sociales, la France restait fondamentalement un pays capitaliste ; ils savaient qu’il n’y a pas de révolution socialiste sans, au minimum, la conquête et l’exercice du pouvoir politique par la classe ouvrière (or les ministres communistes devaient déjà mener une lutte de chaque instant dans les gouvernements de 1945/47 pour faire adopter la moindre réforme) et la socialisation complète des grands moyens de production et d’échange. Si l’on dit le contraire en croyant honorer la mémoire des ministres communistes de 1945 (leur mémoire n’a besoin de rien d’autre que de vérité !), on obscurcit les tâches de la révolution socialiste à venir. Car à notre époque où quasiment toute la grande bourgeoisie affiche son hostilité à l’indépendance nationale et mène à l’aliénation euro-atlantique et à son adhésion aux pires lois liberticides, la reconstitution des acquis sociaux et de l’indépendance nationale ne peut qu’être intimement liée à la défaite totale de la grande bourgeoisie, à la mise au rebut des illusions sociales-démocrates et « euro-communistes » sur l’UE et à la sortie par la gauche de l’UE (Frexit progressiste), tout cela dans la perspective révolutionnaire du pouvoir des travailleurs et du socialisme pour notre pays.
À L’ARRIÈRE-PLAN DES AVANCÉES SOCIALES, LA VICTOIRE POPULAIRE MONDIALE ET NATIONALE SUR L’IMPÉRIALISME ALLEMAND ET SES COLLABOS « FRANÇAIS »
Enfin n’oublions pas que cet ensemble cohérent de réformes progressistes, que le MEDEF entend sciemment araser aujourd’hui (cf. le tristement fameux éditorial commis par le grand patron Denis Kessler en 2007 : il y somme en toutes lettres Sarkozy fraîchement élu de « démanteler le programme du CNR ») et dont la « construction » euro-atlantique dominée par Berlin et Washington est la stricte antithèse, n’eût jamais été possible sans,
- d’une part, les sacrifices de la Résistance armée française, à 90 % communiste (soit dit sans diminuer les grands mérites et le courage éminent des militants de la France libre basée à Londres et à Alger). Oui les communistes, pourtant interdits et pourchassés dès 1939, avant donc l’invasion allemande, furent les fers de lance de la Résistance sur le sol national, et notamment, de la Résistance armée des maquis et de la guérilla urbaine (que ceux qui en doutent, plutôt que de lire les livres négationnistes écrits à jet continu pour salir les communistes et réhabiliter le grand patronat collabo, fassent un Tour de France de la Mémoire passant par la Citadelle d’Arras, la Carrière de Châteaubriant, le Mont Valérien, etc.) et qu’ils se souviennent entre autres des Maquisards communistes de Corrèze (un département que les Allemands appelaient la « petite Russie »), des bataillons FTP-MOI de l’Affiche rouge ou de Carmagnole-Liberté, de la grande Grève patriotique des mineurs de mai-juin 1941 organisée par le PCF clandestin sous la botte allemande, ou de l’insurrection qui libéra Paris sous le commandement de communistes qui avaient nom Rol-Tanguy, chef des FFI de l’Ile-de-France, ou André Tollet, président du Comité de libération parisien.
- d’autre part, la Résistance héroïque puis la victoire, au prix de 27 millions de morts au moins, de l’Union des républiques socialistes soviétiques qui, durant toute la guerre, alors que Washington refusait jusqu’en 1944 d’organiser un « second front » en Europe, dut affronter et vaincre seule les 3/4 des divisions allemandes combattantes situées sur le front Est. Souvenons-nous de l’exploit de l’Armée rouge ouvrière et paysanne qui brisa l’« invincible Wehrmacht » à Stalingrad, Leningrad, Koursk… puis à Berlin en hissant sur le Reichstag nazi vaincu le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau. Comme l’a déclaré loyalement le Général de Gaulle en visite d’État à Moscou en 1944, « les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ». L’actuelle campagne de criminalisation de l’URSS et du communisme historique menée par le Parlement européen, des « socialistes » à l’extrême droite en passant par les macronistes et les eurodéputés LR, n’en est que plus ignoble par ce qu’elle révèle d’ignorance crasse, de basse ingratitude et de haine de classe recuite.
Quant à nous militants franchement communistes DU PRÉSENT, nous continuons à défendre les conquêtes d’AVENIR de 1945-47, non seulement en combattant la criminalisation honteuse du communisme historique, mais en appelant à construire ou à reconstruire…
- le vrai parti communiste de combat,
- le syndicalisme de classe gagnant de 1936, 1945 et 1968
- un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste,
- le « tous ensemble en même temps » des travailleurs et de la jeunesse indispensable pour stopper les mauvais coups et pour contre-attaquer en déployant l’idée d’un Frexit progressiste, et en rappelant, après Lénine, que l’« on ne peut avancer d’un seul pas si l’on craint de marcher au socialisme », étape vers la société communiste sans classes dans laquelle enfin, la démocratie prolétarienne et populaire permettra d’étendre le principe cher à Marx et à Ambroise Croizat « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » à toutes les activités humaines et à tous les peuples de la Terre.
POUR LE PÔLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE 11 octobre 2020-
- Par Léon Landini, ancien officier des FTP-MOI, Médaille de la Résistance, Grand Mutilé de guerre, Décoré par l’URSS, officier de la Légion d’honneur
- Pierre Pranchère, ancien Maquisard des FTPF de Corrèze, ancien député de la Nation, ancien membre du C.C. du Parti communiste français
- Jean-Pierre Hemmen, fils de Fusillé de la Résistance et Brigadiste d’Espagne, réprimé pour avoir refusé de porter l’uniforme sous le commandement d’un ancien général de la Wehrmacht devenu chef d’état-major de l’OTAN
- Georges Gastaud, fils de Résistant gaulliste, philosophe
- Jany Sanfelieu, fille de combattant antifasciste espagnol
- Annette Mateu-Casado, fille de combattants communistes antifascistes espagnols
- Annie Lacroix-Riz, petite-fille de déporté juif, historienne de la Seconde Guerre mondiale
Auxquels s’ajoutent: Fadi Kassem, agrégé d’histoire, secrétaire national du P.R.C.F., Gilliatt de Staërck, responsable national des Jeunes pour la Renaissance communiste en France, Marie-Claude Berge et Gilda Guibert, professeurs d’histoire retraitées, co-responsables de la rubrique Histoire et mémoire d’Étincelles , Jo Hernandez, secrétaire de la commission Luttes du PRCF, ancien syndicaliste CGT, Gabriel Casadesus, responsable de la commission Santé du PRCF, ancien syndicaliste CGT, Vincent Flament, rédacteur en chef d‘INITIATIVE COMMUNISTE