Pour des raisons pratiques, Guillaume Suing n’a pas pu assister à la conférence en Sorbonne donnée dans le cadre du Séminaire Marxisme au XXIe siècle par Georges Gastaud. Scientifique, spécialisé en biologie et fin connaisseur de l’histoire des sciences naturelles, il nous a fait parvenir cette contribution à la réflexion.
On ne parle que de crise ces derniers temps. Crise économique, crise écologique, crise sanitaire… et bien entendu, la superstructure ne fait pas défaut dans le mouvement global : crise philosophique, crise idéologique, et même, comme on le voit assez facilement ces dernières semaines, crise scientifique.
Car, oui, même dans ce domaine du « temps long » la lutte des classes détermine au moins la vitesse, le rythme du développement des connaissances.
C’est bien entendu au sens de Lénine qu’on peut y voir, au-delà des freins politiques et idéologiques à la science, une « crise de croissance », nécessaire jusqu’à un certain point à son développement.
L’ontologie matérialiste dialectique, version la plus aboutie et conséquence du matérialisme qui a fondé la philosophie
Cette crise touche tous les domaines, de la biologie à la physique en passant par les sciences humaines, et montre s’il en était encore besoin que les avancées scientifiques suivent une route de progrès sinueuse, complexe, non « positiviste », autrement dit un cheminement dialectique, un automouvement semé d’embuches ou d’opportunités, jamais de « hasard » pur.
La bataille sur le plan philosophique, et même épistémologique, qui s’est déroulée depuis des décennies contre le matérialisme dialectique en Occident s’est faite au nom de philosophes comme Karl Popper, ou au nom de post-modernes et autres « nouveaux philosophes », contre cette forme de « totalitarisme » philosophique qu’a représenté dans les pays capitalistes, effrayés par l’élargissement d’une prise de conscience des lois qui nous sont imposées, l’ontologie matérialiste dialectique, version la plus aboutie et conséquente du matérialisme qui a fondé la philosophie.
Il a fallu attaquer le marxisme de l’extérieur, sur tous les plans, dans tous les domaines de la production intellectuelle, y compris dans celui des sciences dites exactes, mais il a aussi fallu l’attaquer « de l’intérieur » avec de nombreux courants relativistes donnant le marxisme comme une « manière de voir » socialement construite, plutôt que comme une « science », donc une « ontologie ».
Aujourd’hui c’est pourtant bien la « matière », ce système en crise généralisée qui se répercute aussi sur les modes de pensée dominants, qui vient ouvrir enfin la possible critique marxiste à cette vieille critique antimarxiste.
»Lumières Communes » démontre son incontestable valeur révolutionnaire
Dans tous les champs du savoir, révolutionnés par des techniques nouvelles, les dogmes fixistes, métaphysiques, dualistes, antidialectiques tombent les uns après les autres et c’est un champ d’étude considérable qui s’ouvre aux intellectuels et scientifiques marxistes.
C’est bien l’ambition du travail considérable et magistral de Georges Gastaud dans ce coup de boutoir que représente Lumières Communes, œuvre qui, dans le marasme idéologique actuel, démontre son incontestable valeur révolutionnaire y compris par le silence médiatique qui l’entoure, totalement injuste mais ô combien prévisible (et qu’il faut combattre).
Il faut donc s’atteler à cette lecture essentielle pour les communistes de ce siècle, et véritablement reprendre le flambeau un temps délaissé avec le reflux contre révolutionnaire des années 90, d’une hégémonie marxiste-léniniste sans laquelle toute lutte, (donc toute conquête, tout progrès) ne saurait être durablement victorieuse.
Guillaume Suing – agrégé de biologie
auteur de « Évolution la preuve par Marx » aux éditions Delga