Les Chinois font la fête dans des piscines transformées en discothèques à Wuhan, débarrassée du Covid-19 par un effort collectif important et la mobilisation de l’ensemble des moyens du pays à la main non pas « du marché » c’est-à-dire de la dictature de la classe capitaliste mais bien du peuple à travers le Parti Communiste chinois.
Souvenons-nous de la présentation apocalyptique de la Chine et de ses mesures « liberticides » qu’en faisaient en février les médias des milliardaires en France. Cette France, qui après un confinement lié à une gestion catastrophique de l’épidémie, en est réduite par la nouvelle perte de contrôle de l’épidémie à un très difficile reconfinement. Pour sortir, il faut alors se justifier pour travailler de l’autorisation accordée par son patron, ou se signer une autorisation… Sans garantie d’échapper au Covid-19 d’ailleurs, les recommandations de l’OMS (dépister, soigner, isoler) n’étant toujours pas d’application réelle et organisée. Au lieu de permettre le test massif des personnes, le régime Macron communique pour massifier l’installation d’une application sur téléphone de traçage de chaque personne ! La liberté à l’aune de ces exemples n’est à l’évidence pas en France capitaliste, mais plutôt en Chine se réclamant du socialisme.
Et tandis que le régime Macron fait voter – priorité montrant bien ses priorités qui ne sont à l’évidence pas vraiment sanitaires – en urgence une loi pour accroitre la surveillance et l’impunité policière, son Premier ministre ne sait pas répondre ce que sont les mesures de son gouvernement pour sortir du reconfinement, déconfiner de façon planifiée pour une vraie sécurité sanitaire, mais il sait affirmer en écho à son maître proclamant, sourire aux lèvres, le « retour de l’attestation » que « ce n’est pas la fin de l’attestation« . Comment ici ne pas s’interroger – en mettant de coté les questions sanitaires et leur questionnement scientifique inhérent – sur ce que cela révèle de la tendance et de la nature profonde de ce régime et de ce système capitaliste ? La tribune ci-après est une contribution au débat, exposant ce mot d’esprit de Brecht à propos de la « démocratie » selon le capitalisme » Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise… «
Fin des “Années Molles” et Adieu aux Lumières…
Pandémie sous gestion policière en régime de post-libertés !
Pour qui veut spéculer sur le regard que pourraient porter d’éventuels historiens sur les deux dernières décennies, on peut imaginer que les années 2000 et les “années 10” soient dépeintes comme celles de l’élaboration progressive d’une étouffante atmosphère liberticide. Cette élaboration s’est faite notamment par le biais d’une guerre totale contre l’amour de la raison, du bonheur et du plaisir de vivre.
Plus encore, une humanité future pourrait retenir les années 2000-2020 comme “Les Années Molles”, transition par laquelle s’est effectuée l’implacable braderie de nos infrastructures stratégiques, en même temps qu’une restriction du champ des libertés, suscitant dans la population un savant mélange d’apathie nihiliste, de confusionnisme idéologique, d’impitoyables luttes des places et, il faut le noter, d’héroïques résistances. Le recul dont nous disposons sur les évènements est bien mince, mais on peut se risquer à émettre l’hypothèse selon laquelle le moment historique que nous traversons est nécessaire à notre classe dominante. Sous l’effet des contradictions du capitalisme mondial, la caste exécutive semble poussée à l’établissement d’un État policier entièrement dévolu aux intérêts matériels de la corporatocratie (Perkins) transnationale.
Il peut nous être profitable de nous décentrer du territoire hexagonal, car le monde dans lequel la France est prise se trouve modelé par trois secousses telluriques majeures. D’abord la destruction de l’URSS en 1991, ensuite les métamorphoses du terrorisme intégriste à partir du 11 septembre 2001 et, enfin, l’actuel recul de l’appareil militaro-industriel nord-américain face à la Chine, au terme d’une intense période d’hyperpuissance étasunienne mortifère.
Entre autres malheurs, ce monde-là se caractérise, dans la sphère européenne, par une fonte progressive des libertés publiques et individuelles, qui s’est étalée sur une vingtaine d’années, et dont les récents épisodes ne sont qu’une conclusion à visage découvert. Nous assistons à la résurgence désormais institutionnalisée d’un fascisme 2.0, dont le libéralisme-libertaire fut le terreau anthropologique nécessaire. En la matière, il faut rendre hommage aux analyses préfiguratives menées dès les années 1970 par Michel Clouscard, un auteur qui restera désormais, dans l’histoire du marxisme, comme un redoutable psychosociologue.
Régi par la gouvernance technocratique et la pression des trusts, le capitalisme de notre siècle n’a plus besoin du moindre compromis représentatif, ce qu’il conserve de tradition parlementaire n’est maintenu que par habitude et pour la forme. Parallèlement, la haine qui s’exprime diffusément sur les réseaux sociaux à l’égard de la moindre contradiction peut être analysée, pour employer un vocabulaire marxiste, comme une conséquence superstructurelle (idéologique) de l’évolution infrastructurelle (matérielle).
En effet, ce dernier aspect des choses se conçoit si on accepte l’idée que les tabous idéologiques et la criminalisation des irrévérences s’accentuent au fur et à mesure où l’économie financiarisée et post-fordiste se heurte à ses propres limites. Formulé autrement, les bouleversements matériels et les drames que suscite une économie instable tendent à radicaliser le discours qu’une société porte sur elle-même, et tout se passe comme si celle-ci désirait finalement faire disparaître de son langage les contradictions qui la traversent pourtant.
Cette impossible entreprise névrotique de purification des mots de la Cité est certainement à l’origine du fanatisme diffus que l’on retrouve d’un bout à l’autre du spectre social, sous ces différents masques que sont le politiquement correct, l’identitarisme gauchiste, l’intégrisme religieux, le nationalisme racialiste, le néo-féminisme bourgeois et “l’effondrisme” pseudo-écologiste (que dénoncent notamment des philosophes comme George Gastaud, ou encore Dominique Pagani).
Cet aspect des choses à l’esprit, il faut également considérer, sur un plan juridico-légal, que la dissolution des libertés paraît désormais suffisamment irrémédiable pour concevoir que les “élites” occidentales aient achevé leur oraison funèbre des droits fondamentaux, et fait leurs adieux à l’humanisme issu des Lumières. Prendre acte de ce basculement, sans mélodramatisme paniqué, consiste à cerner les ressorts du basculement anthropologique actuellement en cours, dans la transmutation du libéralisme-libertaire en puritanisme sécuritaire.
Cette introduction générale amène une série de thèses qui peuvent choquer, et même susciter plusieurs interrogations auxquelles on doit accorder une certaine légitimité. D’abord, peut-on sérieusement parler de “néofascisme” à l’endroit d’un gouvernement prétendument centriste comme celui d’Emmanuel Macron ? Ensuite, l’urgence de la situation ne justifie-t-elle pas ces mesures ? Par ailleurs, ne demeurons-nous pas dans un Etat de droit à même de garantir les libertés formelles et les droits de sa population ? Enfin, n’est-ce pas contradictoire de s’indigner du recul de l’Etat face au marché, pour mieux s’insurger de ses initiatives sanitaires ?
On essaiera de répondre ici point par point à ces objections.
Pour commencer, il nous faut dresser un état des lieux des mesures restrictives issues de ce second confinement, comme du premier. Désormais, sur l’ensemble des communes des Ardennes, l’accès est interdit aux sentiers pédestres, aux chemins de randonnées, aux forêts et aux parcs, sans oublier les berges de canaux, les cours d’eaux, les pistes cyclables et les bases de loisir. En Haute-Savoie, les autorités ont interdit de se déplacer à plus de 100 mètres de dénivelé du domicile. Au premier confinement, hélicoptères et drones ont allègrement patrouillé sur les bois de Boulogne et de Vincennes, également au-dessus de la forêt de Fontainebleau. Ces moyens furent également mobilisés à Saint-Malo, et sur de nombreuses plages méditerranéennes, ou encore à l’île de Ré.
De façon absurde, des hélicoptères munis de lunettes infrarouges ont également survolé de nuit, en avril dernier, la Loire-Atlantique, épisodes qui eurent également lieu à Nantes, en Haute-Garonne, dans les Vosges et dans les Landes, permettant l’interpellation courageuse de contrevenants alcoolisés, aux frais du contribuable. Pour ce qui relève de la journée, une capture vidéo a mis en scène, au premier confinement, un promeneur solitaire sur le bord de mer, un hélicoptère au-dessus de lui, et dont l’un des occupants vociférait de bruyantes remontrances au moyen d’un mégaphone.
L’emploi de tels dispositifs laisse songeur sur la réelle capacité de l’appareil répressif à faire régner l’ordre. S’interroger sur cette capacité revient à questionner le sérieux de ses intentions pacificatrices car, en temps de “paix”, sous l’emprise d’une curieuse et inexplicable sélectivité, les commanditaires de la police et de la gendarmerie nationale nous avaient davantage habitués à gouverner le crime qu’à le combattre. Certaines hybridations de la tête de l’appareil policier et des milieux financiers avec le « gratin » du crime organisé pourraient-elles expliquer cette prudence ? Non, non, il s’agit bien plutôt d’un ineffable mystère. Les voies des seigneurs de la guerre et du crime nous sont impénétrables.
Pendant ce temps, les travailleurs s’entassent dans les RER, comme dans les trains du métro, les bus et les escaliers des grandes villes, on ferme les bars, les restaurants, les théâtres et les salles de sport mais bien entendu pas les hangars où sont exploités à la chaîne les manutentionnaires d’Amazon. Les écoles primaires, les collèges et les lycées voient leurs classes se remplir tandis que les activités périscolaires (pourtant en effectifs réduits) disparaissent, et l’unique liberté qu’on laisse aux travailleurs est d’aller perdre leur vie à la gagner, d’acheter en grande surface, de s’entasser dans les rayons de produits “essentiels”, de se taire et de rentrer chez eux. A domicile, il est encore recommandé de se masquer, et on ne peut approcher ses proches sans un frisson de culpabilité.
Sur le plan du contrôle policier, une gigantesque inégalité de traitement s’est manifestée au cours du premier confinement, et le second ne déroge pas à ce traitement inégalitaire des territoires, en exprimant insidieusement une terrible violence de classe. Il suffit d’avoir vécu à Paris lors du premier confinement, lieu où Balzac nous a enseigné comment l’extrême opulence côtoie l’extrême pauvreté, pour constater comment, d’un arrondissement à l’autre, les interpellations musclées, les passages à tabac et les amendes s’abattent ou se retiennent. Mais à présent, sur le plan légal, le reconfinement que nous traversons est une sorte de festival liberticide.
Considérons le tout récent projet de loi n°494, adopté par l’Assemblée Nationale, et qui permet ce qui suit : “ (…) les personnes mises en examen, prévenues et accusées peuvent être affectées dans un établissement pour peine”. De simples personnes accusées peuvent donc être mises en détention provisoire “sans l’accord ou l’avis préalable des autorités judiciaires compétentes” et “être incarcérées ou transférées dans un établissement pénitentiaire à des fins de lutte contre l’épidémie de covid-19”. A cela s’ajoute que le 20 octobre 2020, les députés LREM ont légalisé dans leur proposition de loi de “sécurité globale” la surveillance par drone, tout en interdisant la prise et la diffusion d’images photographiées de policiers en intervention. En revanche, les drones des forces de l’ordre sont à même, pour leur part, d’enregistrer des images en temps réel et, par la reconnaissance faciale, de renseigner les forces de l’ordre sur l’identité des manifestants. Deux poids, deux démesures. Il nous faut également soulever le fait que soit désormais sanctionné de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amendes : “le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement supérieur sans y être habilité […] ou y avoir été autorisé […], dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement”.
Ajoutons encore à cela la récente discussion médiatique autour du Conseil de Défense, que résume ainsi Jean Mathieu Pernin dans un papier de “fact-checking” publié sur le site de RTL, en rappelant que “Jusqu’en 2015, le conseil de Défense se réunissait 2 à 3 fois par an mais la vague terroriste a provoqué une augmentation du nombre de réunions : on en comptait 10 en 2015, 32 en 2016, 42 en 2017 et plus de 40 depuis le début de l’année 2020. L’utilisation massive de cet outil peut alerter sur une concentration du pouvoir ”.
On peut saupoudrer l’ensemble de ces éléments de l’article 1 de la loi Blanquer pour l’Éducation Nationale, article qui peut avoir l’air a priori innocent dans sa formulation mais qui, en fait, produit un énième flicage déguisé du corps professoral (une surveillance qu’il est intéressant de mettre en parallèle à la domination de la pédagogie dite “non directive”).
En effet, dans cette configuration, l’enseignant est responsable par ses actes, ses propos et ses prises de position, à l’extérieur du lycée et notamment sur Internet, de la réputation de l’Éducation Nationale. Notons que c’est bien l’enseignant qui, répétons-le, est responsable par sa conduite, y compris en dehors de ses heures de travail, de la respectabilité de l’institution. Ce n’est pas le proviseur, ni les familles, ni l’État, ni les résultats pédagogiques ou le contenu des formations qui fait la respectabilité de l’Éducation Nationale, mais ce qui séjourne dans l’intime conscience de l’enseignant, et son opinion politique. Quelle pitrerie !
Certains avancent que le gouvernement est contraint à ces mesures en raison de la dangerosité de l’époque, de la complexité du monde et de l’irresponsabilité des individus. Mais le monde n’a-t-il pas toujours été dangereux et complexe ? Et où réside l’irresponsabilité ?
À ce sujet, la collaboration pathétique de l’appareil médiatique à la propagande gouvernementale s’est merveilleusement illustrée dans “les Échos”, qui a récemment titré “Covid : deux Français sur trois ne respectent pas les règles du confinement”. On ouvre l’article, que constate-t-on ? Que la réalité est que deux Français sur trois ont utilisé au moins une fois une attestation de déplacement pour un autre motif que celui indiqué sur la feuille. Ce qui n’a manifestement rien à voir avec l’idée selon laquelle deux tiers des Français en feraient à leur guise dans l’actuelle chienlit sanitaire. Cet argument pitoyable n’est pas neuf, outre la confusion qu’il jette dans le débat public, il se déshonore définitivement en reprochant aux citoyens leur irresponsabilité collective.
Il est non seulement impardonnable de substituer frauduleusement de la culpabilité à une colère légitime, mais encore dégoûtant d’autoriser notre gouvernement à se rassurer de cette manière, au détriment de ses nombreuses impérities. Culpabiliser, diviser, flatter, surveiller et punir. Le gouvernement de notre appareil d’État est semblable à celui d’une mère toxique vis-à-vis de ses citoyens qui, il faut bien le souligner, ont trop souvent à son égard un comportement d’enfants abusés, tour à tour apeurés, colériques, perdus, déboussolés et capricieux.
Passons, le dossier est à charge. Mais faisons nous l’avocat du diable et admettons, même à reculons, cette inquiétante coercivité. On peut encore objecter, même en étant choqué par le déploiement inégal et disproportionné de moyens de surveillance grotesques et obscènes, que cela ne suffit pas à parler de “fascisme”, et donc à extirper d’outre-tombe un vocable aussi lourdement marqué par l’histoire.
Pour bien répondre à cette dernière objection, il nous faut encore historiciser le contexte actuel, et retracer le fil de ces vingt dernières années de dilution homéopathique de l’autoritarisme policier dans le corps social. À ce titre, il faut rendre hommage aux ouvrages de François Sureau, l’un des derniers mohicans d’une bourgeoisie progressiste révolue, et dont le talent permet à un certain kantisme républicain de sombrer avec élégance.
De quoi donc nous informe François Sureau dans ses interventions et ses essais d’une précision chirurgicale ? Dans son bref essai “ Sans la liberté ”, l’auteur démontre que le principe de l’État d’Urgence a, à plusieurs reprises, mis en danger la liberté d’information et de consultation. Analysant la gestion policière des Gilets-Jaunes, il insiste sur le fait que la liberté de manifester a été mise en péril au moyen d’un filtrage individuel des manifestants sur la base de leur dangerosité supposée. L’avocat situe ces éléments dans toute une série de mécanismes, comme la rétention de sûreté, qui permet d’être détenu après l’expiration de sa peine sur la seule base de sa “dangerosité sociale”, thème récurrent et douteux, abondamment porté sous la présidence de Nicolas Sarkozy (un individu qui, peu de temps avant d’atteindre le sommet des fonctions exécutives, se demandait si la pédophilie et le suicide chez certains jeunes n’étaient pas d’origine “génétique”).
Pour revenir à François Sureau, il évoque encore, dans son essai, un rassemblement à la mémoire de Steve Caniço, mort noyé au terme d’une charge policière. Témoin de ce rassemblement, il écrit:
“Les forces de l’ordre étaient trois fois plus nombreuses que les manifestants (…) elles étaient surtout armées en guerre, le fusil d’assaut barrant la poitrine”. Il poursuit: “Ce fusil était le HK G36 allemand, qui équipe la Bundeswehr depuis 1997 et qui, largement exporté, a servi aux forces déployées au Kosovo, en Afghanistan et en Irak”. Notre juriste augustinien conclut: “Il s’agissait à l’évidence moins d’encadrer que d’intimider, d’exercer une pression de type militaire, comme on le ferait non sur les citoyens de son pays, d’un pays soumis au droit, mais sur les ennemis occupés d’un corps étranger dont on craindrait la révolte, l’embrasement soudain”.
Aussi, au sujet du bilan de l’État d’urgence sous Hollande, François Sureau expose l’évidence de la dérive autoritaire par une simple exposition des faits : “6 000 perquisitions administratives pour une quarantaine de mises en examen, dont vingt pour des faits d’apologie du terrorisme”.
Cela suffit-il à parler de néofascisme ? Ce qui est en jeu, ce n’est pas le simple « mussolinisme », expérience historique sanglante et pitoyable. Ce concept vise plus profondément l’ultime recours de la haute bourgeoisie financière face au mur de ses contradictions, son usage d’une force militaro-policière devenant vitale au maintien de la grande propriété privée des moyens de production.
Il reste encore un point à traiter. Aujourd’hui, est-il raisonnable de reprocher à l’État de faire, sinon de son mieux, tout ce qu’il peut au regard de l’étendue de son domaine de compétences, de ses moyens et de ses impératifs budgétaires, alors qu’il fait face à une situation inédite ?
Ce qu’il faut bien voir, c’est que tout ce fatras législatif, toute cette inflation de décrets et de lois, toute cette intrusion de textes coercitifs, furent le pendant paradoxal d’un sabotage graduel et méthodique des infrastructures étatiques en termes de santé, d’éducation, de transports et d’énergie. Poser une analyse léniniste sur la situation sanitaire, aujourd’hui, nous contraint à mêler indissociablement le combat contre la classe des capitalistes, pour anéantir le régime des classes et organiser une société nouvelle, en même temps qu’une mise à terre de cet appareil d’État policier, auquel se mêle une technocratie supranationale, le néo-féodalisme des corporations et des nouvelles technologies laissées à la poigne de fer de la “Main Invisible”.
En se concentrant sur ce qui est vital et urgent pour la Nation, une avant-garde révolutionnaire n’a pas à compenser son impuissance en s’immisçant dans la vie intime de sa population. Le Covid-19, dont il ne s’agit pas de nier la réalité et la nocivité, n’est toutefois pas une maladie irrémédiablement mortelle. Alors, certes, il faut protéger les plus fragiles d’entre nous vis-à-vis de ce virus, porter un masque pour eux, lorsqu’il s’agit de personnes cardiaques, âgées, de femmes enceintes, ou encore de personnes ayant des complications pulmonaires, ou faisant de l’hypertension artérielle. Mais toute la vie du pays doit-elle pour autant s’arrêter, alors qu’on peut simplement mettre le paquet en termes de moyens et de personnels pour les hôpitaux, d’une part, et simplement confiner les plus fragiles d’entre nous, en attendant un vaccin probant, d’autre part ? En somme, cette gestion du virus ne semble pas s’expliquer par sa gravité, mais par la faiblesse de l’État social et des forces d’organisations spontanées de la société civile française.
Finalement, si on regarde dans l’histoire afin d’essayer de comprendre ce qui se passe actuellement, toutes choses égales par ailleurs, établir un comparatif entre la présente épidémie et celle, par exemple, de 1956 à 1958, de la grippe asiatique, amène de lourdes interrogations. Comment comprendre le degré de légèreté avec lequel fut traitée la grippe asiatique par les autorités sanitaires de l’époque ? On ne peut qu’effleurer le sujet, mais une recherche comparative entre hier et aujourd’hui pourrait être fertile en bien des aspects. Il s’agissait certes d’une époque où le degré de connaissance scientifique, la médiatisation des maladies et les moyens d’actions techniques étaient bien moindres qu’aujourd’hui, mais, outre les dispositions prises par le pouvoir en situation pandémique, la réaction à cette grippe par le corps social ne fut-elle pas décisive ? N’est-ce pas sur le manque de tissus sociaux et de forces politiques qui faisaient vivre autrefois la liberté chère à Sureau, que fleurissent les ravages de la peur, du contrôle et de la contagion ?
Une anecdote révélatrice pour conclure. J’ai mémoire d’une femme de 87 ans qui m’expliquait récemment comment, en banlieue parisienne, dans l’immédiat après-guerre, la mairie communiste de la ville où elle vivait pouvait organiser des tournées de bus pour chercher, au moins une fois dans le mois, les personnes âgées du coin, afin qu’elles puissent rejoindre les bals où les jeunes aller danser, pour s’amuser et se rencontrer. Outre que ce genre de projets à l’humanisme déplacé ne traverserait même plus la caboche d’un politicard “En Marche”, ce genre d’initiatives révolues est intéressant à mettre en relief avec une seconde anecdote. Encore plus récemment, un proche bénévole au Secours Populaire suggérait à sa direction de livrer à domicile les denrées et les produits des bénéficiaires de l’association, plutôt qu’ils se concentrent en file indienne, augmentant ainsi les risques de contaminations. On lui répondit non. Manque de budget? Déficience de moyens humains ? Pas du tout. Simplement, “si on commence à faire ça, ils risquent de prendre l’habitude”.
Quitte à vendre son âme pour quelques deniers, le “Monde d’Après” nous est compté, au sous près.
BL
Tout ce qui est vivre heureuseument et collectivement est interdit pour ne pas dire verboten.