La question pertinente au plan politique, « dans le moment actuel » comme disait Lénine, serait de comprendre pourquoi le gouvernement ne s’est pas préparé suffisamment à cet afflux de malades en novembre dans les salles de réanimation, afflux qui a contribué au reconfinement avec les implications sociales que l’on sait, sans parler de la restriction de la vie politique et de la parole publique liée aux interdictions de manifestation.
Mais pour comprendre cela, encore eût-il fallu, contrairement à ce que fait le documentaire « Hold up », ne pas s’entêter à nier contre l’évidence le caractère nocif du Covid. Certes, nous serons tous d’accord sur le fait qu’il ne s’agit pas de la peste noire. Mais ce qui rend ce documentaire mort-né quant à son fond, malgré toute sa popularité, est qu’il nous exhibe fièrement des courbes de mortalité déclinantes vu qu’elles s’arrêtent, par force vu la date de parution du film, à fin octobre, sans présenter en rectificatif la mortalité croissante de novembre.
Bien entendu, le débat sur l’intensité de la maladie, sur la nécessité ou pas du confinement, et enfin sur l’arbitrage nécessaire à établir entre la sauvegarde de la production et les impératifs sanitaires a aussi sa légitimité. Il n’y a pas de réponse absolue, dogmatique à ces questions.
Mais s’il y a bien quelque chose qui fait scandale et devrait susciter l’indignation, et que ce documentaire fourre-tout, qualifié à juste titre de mille-feuille argumentatif, se garde bien de dénoncer, c’est que, malgré l’évidence criante du manque de moyens alloués à l’hôpital au début de l’année, l’on n’a visiblement pas fait assez entre-temps pour former le personnel nécessaire aux salles de réanimation, de façon à éviter ce nouveau désastre d’un second confinement.
J’entends bien sûr l’argument selon lequel on ne forme pas un médecin ni même une infirmière en quelques mois, mais il s’agissait là de former en soi mais de réorienter vers la réanimation du personnel déjà qualifié médicalement pour endiguer le débordement. Et force est de constater que le gouvernement se dérobe à toute explication sur ce terrain. Démission qui montre la faillite du système actuel à gérer l’État quand la Chine montre qu’elle peut construire un hôpital en dix jours et que Cuba envoyait généreusement au pire de la crise ses médecins dans les Antilles françaises pour pallier l’absence criante de réponse de notre gouvernement.
L’auteur du documentaire, Pierre Barnérias, qui, dans son précédent documentaire sur les apparitions de la Vierge Marie, se demandait gravement – et sans peur du ridicule – si les séminaires catholiques étaient toujours infiltrés par « les rouges », aurait été mieux cette fois-ci inspiré de s’intéresser aux mêmes « rouges » lorsque ceux-ci apportent des réponses spécifiques à la crise du Covid que les pays capitalistes sont incapables de donner. Le débat aurait gagné en sérénité et en intelligence collective, et les annonces de désolidarisation de la part de participants, comme Monique Pinçon-Charlot, n’auraient alors probablement pas eu lieu.
Aymeric Monville, 17 novembre 2020