115e anniversaire de la loi laïque de 1905 portant séparation de l’État et de tous les cultes, DÉFENDRE ET APPLIQUER VRAIMENT LA LOI LAÏQUE DE 1905 – déclaration du PÔLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE, 9 décembre 2020
Il y a 115 ans, au terme d’une intense bataille sociopolitique à laquelle la classe ouvrière française avait contribué par l’éloquente entremise de Jean Jaurès, la République française donnait corps au projet laïque de séparation de l’État et des Églises, un projet qu’avaient déjà porté successivement, sans pouvoir le mener à son terme, la Révolution française (suppression du budget des cultes par la Convention) puis la Commune de Paris.
LIBERTÉ DE CONSCIENCE PERSONNELLE ET LAÏCITÉ DE L’ÉTAT
Par son article premier, l’État républicain s’engageait à respecter et à faire respecter la liberté de conscience, c’est-à-dire le droit de croire ou de ne pas croire, ainsi que le droit, pour les croyants de toutes confessions, de croire et de prier selon leur conscience, sans ingérence de l’État et sans “droit” pour les cultes existants d’imposer par la force à leurs ouailles la manière de croire et de prier. Héritière de combats séculaires passant par le gallicanisme médiéval, par l’humanisme renaissant, par l’Édit de Tolérance (Nantes,1598), par le rationalisme cartésien, par la philosophie des Lumières, cette loi de liberté visait à affranchir la République et, par là même, chaque citoyen de la tutelle de l’Église catholique alors dominante, une institution cléricale farouchement contre-révolutionnaire et arc-boutée contre le régime républicain. D’où l’article II de la loi de 1905 affirmant que “La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte”. De la sorte étaient protégés de toute forme de totalitarisme clérical non seulement les incroyants, non seulement les minorités religieuses d’alors, notamment les protestants et les juifs, mais les catholiques eux-mêmes, mis en capacité d’opiner librement en tous sujets, sociaux ou sociétaux, selon leur intime conviction.
LAÏCITÉ ET SOUVERAINETÉ POPULAIRE
Loin d’instituer un athéisme d’État, la loi de 1905 donnait en somme forme légale au vieux principe formulé par Victor Hugo à la tribune de l’Assemblée nationale, “L’Église chez elle, l’État chez lui”. Au fond, cette loi n’était que le pendant culturel du principe de la souveraineté du peuple dont l’exigence fut au cœur de la Révolution française, spécialement dans sa phase jacobine et Sans Culottes, tant il est évident que dans un régime clérical, c’est-à-dire dominé par une ou par plusieurs religions d’État, le peuple ne saurait être souverain c’est-à-dire délibérer par et pour lui-même.
UNE LOI SANS CESSE ATTAQUÉE
Depuis 1905, la loi inspirée et parrainée par Briand, Clemenceau et le socialiste Jaurès, n’a cessé d’être attaquée par les pouvoirs réactionnaires : traditionnellement, ceux-ci privent l’école laïque des moyens de fonctionner correctement tout en subventionnant à milliards l’enseignement confessionnel. Mais cette loi est aussi, et de plus en plus, dénigrée par la fausse gauche “socialiste” ralliée à Maastricht; de plus en plus hostile à la souveraineté de la Nation française, et de plus en plus inféodée à une “construction” européenne supranationale, antisociale et nettement cléricale, la social-eurocratie et le PS français prétendent désormais majoritairement “ouvrir” la laïcité à la française pour faire place aux “racines chrétiennes de l’Europe”, pour enseigner “le fait religieux” dans l’école de la nation, pour institutionnaliser le communautarisme religieux à l’anglo-saxonne (c’est-à-dire donner place aux cultes dans la gestion de l’État) et pour imposer le “dialogue institutionnel avec les Églises” aux dépens des athées, des déistes et des agnostiques qui, par définition, n’ont pas de représentant religieux institutionnel.
UNE OFFENSIVE ANTI-LAÏQUE EUROPÉENNE ET MONDIALE
À l’échelle européenne et mondiale, la laïcité est menacée par la montée en puissance de toutes sortes d’obscurantismes et de cléricalismes :
- catholicisme intégriste mâtiné d’anticommunisme d’État en Pologne,
- islamisme sunnite radical porté par l’Arabie saoudite wahhabite, les Frères musulmans en Égypte (avec le soutien du Qatar) ou la Turquie néo-ottomane d’Erdogan,
- cléricalisme affiché d’Israël déclassant ses habitants musulmans ou chrétiens en se déclarant “État juif”,
- hindouisme agressif et brutalement anti-musulman du potentat indien Modi,
- offensive mondiale fascisante des “évangélistes” nord-américains liés à Trump ou à Bolsonaro, etc.
Cette offensive réactionnaire est particulièrement dangereuse pour les droits des femmes et des minorités; elle menace gravement la libre recherche scientifique et l’enseignement des sciences, dont l’acquisition est inséparable de l’apprentissage du doute méthodique, de la démonstration mathématique et de la méthode expérimentale. L’enjeu de cette entreprise ténébreuse d’envergure mondiale à plusieurs têtes est aussi et surtout, pour le grand capital et pour le capitalisme-impérialisme, de diviser la classe ouvrière de chaque pays, de faire diversion aux problèmes sociaux, de diviser les peuples opprimés sur la base de la religion tout en bridant le mouvement mondial des peuples vers le progrès social, l’instruction publique et les Lumières. Cette offensive obscurantiste a été formidablement accélérée par la contre-révolution mondiale des années 1980-1990 qui a détruit la RDA, le camp socialiste et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques sous couvert d’une fausse modernité, en instaurant ou en restaurant des régimes pseudo-démocratiques où prédominent désormais, de manière officielle ou officieuse, des religions d’État ou grossièrement favorisées par l’État (Russie, Pays baltes, Hongrie, Pologne…). De la sorte se reconstitue sous une autre forme, contre les classes et les peuples dominées, l’alliance réactionnaire du Trône et de l’Autel qu’avait abattue la Révolution jacobine.
LA LAÏCITE À LA FRANÇAISE N’A PAS BESOIN D’ÊTRE “OUVERTE”
Car par nature, elle est universaliste puisque, de son point de vue, un citoyen est égal à un autre quelle que soit sa (non-) religion dont l’État n’a pas à connaître. Cette laïcité de visée universelle, à laquelle aspirent notamment les citoyens libanais déchirés par le confessionnalisme d’État, a d’abord besoin d’être appliquée et défendue :
-appliquée par l’abolition du régime concordataire maintenu d’Alsace- Moselle dont les lycées publics continuent de dispenser, aux frais de l’État français, des cours de religion, et dont les cultes (catholique, juif et protestant) sont subventionnés par la République. Sont ainsi violés les droits, non seulement des athées, des déistes et des agnostiques, mais aussi ceux des musulmans qui ne peuvent vivre cette situation de privilège religieux autrement que comme une illustration du principe antirépublicain “deux poids, deux mesures”.
-appliquée contre la pratique constante des présidents successifs de la Ve République qui, de manière sensiblement aggravée depuis Sarkozy, courtisent éhontément l’Église catholique en participant aux Synodes épiscopaux, en se faisant introniser “chanoines du Latran” par les Papes successifs, en subventionnant à milliards l’enseignement privé confessionnel (ce que dénoncent d’ailleurs les catholiques de gauche et autres croyants acquis à la laïcité). De même, les présidents et premiers ministres successifs font-ils littéralement la cour au CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) au repas annuel duquel ils participent régulièrement ès qualités, alors que cet organisme est largement composé d’associations confessionnelles et que son orientation coloniale et anti-palestinienne est arrogamment revendiquée au grand dam des juifs laïques et progressistes.
-défendue contre la prétention de l’État à régenter la religion musulmane tout en soutenant des institutions comme l’UOIF, mise en place par Sarkozy, dont les liens sont patents avec la confrérie internationale réactionnaire des Frères musulmans. Or la loi laïque est formelle, elle n’interdit pas seulement les immixtions de la religion dans la conduite des affaires de la cité, elle prohibe aussi l’ingérence de l’État, celle des Sarkozy, Valls et autre Castaner, dans l’organisation interne des différents cultes. Si certaines institutions religieuses, non seulement musulmanes, mais aussi catholiques, évangéliques, juives et autres, sont encadrées et pilotées à partir de l’étranger, voire par des États étrangers, notamment par la Turquie d’Erdogan s’agissant du culte musulman, il revient à la République française, non de changer la loi laïque de 1905, ni de la “suspendre”, mais de faire respecter la souveraineté du peuple français, musulmans compris, sur le territoire de la République.
-défendue bien entendu contre l’islamisme fanatique qui prétend, par la terreur, imposer ses contenus de pensée à l’école laïque, trier entre les enseignements, corseter la science et imposer le prétendu “délit de blasphème”. Encore faut-il, si l’on veut sérieusement saper l’ancrage de cet islamisme terroriste en France, ne pas ériger en “combattant de la liberté” (comme le fit BHL en Afghanistan) tout individu français ou étranger dont le seul “mérite” est d’avoir combattu l’Armée rouge en Afghanistan, d’avoir soutenu le séparatisme tchétchène en Russie, d’avoir combattu le panarabisme laïque et progressiste (Irak, Syrie, Égypte, Libye, Yémen…). La meilleure arme contre cet islamisme fanatique, qui terrorise à la fois les musulmans du monde entier et les habitants de notre pays, c’est que la France revienne à une politique internationale réellement souveraine, équilibrée, non alignée, privilégiant la paix mondiale et la souveraineté de tous les peuples, qu’elle soutienne les droits nationaux du peuple Palestinien, qu’elle refuse les criminelles “sanctions” frappant le peuple iranien, qu’elle mette fin aux entreprises de déstabilisation des États arabes à tendance laïque ou semi-laïque, etc. Cela implique aussi que notre pays cesse de courtiser d’authentiques tyrans, comme le général égyptien Sissi, sans parler des monarques et autres pétro-monarques ultra-réactionnaires au pouvoir du Maroc à l’Arabie saoudite en passant par le Qatar, etc. Notre peuple a aussi une grande responsabilité dans la mesure où il se doit de soutenir le grand mouvement laïque et démocratique de la jeunesse algérienne aux prises avec un pouvoir corrompu et néocolonial qui continue d’emprisonner pour délit d’opinion.
S’ÉMANCIPER DE LA LAÏCITÉ OU S’ÉMANCIPER PAR LA LAÏCITÉ ?
Loin de devoir “s’ouvrir” en favorisant le “dialogue institutionnel européen” avec les religions établies voulu par Bruxelles et Berlin, la laïcité doit favoriser en France et partout où ce principe sera adopté, l’émancipation de chaque individu, particulièrement celle des femmes, mais aussi l’affranchissement de chaque peuple de toute tutelle impérialiste déguisée en gouvernance religieuse. Au positif, la séparation laïque de l’État et des Églises implique la plus large ouverture vers les sciences, sur la philosophie et la pensée libre, sur la capacité pour chacun de construire son autonomie et de devenir en pratique, par le progrès social, la culture et l’instruction, citoyen de son propre pays et acteur de l’humanité en marche vers la paix et le mieux-être. Bien entendu, la séparation de l’État et des Églises est la condition nécessaire mais non suffisante d’une société fondée sur le partage des Lumières et des avancées scientifiques, où, selon le mot de Marx et d’Engels, “le développement de chacun sera la condition du développement de tous”: cette société, séparée non seulement des dogmatismes de toute nature, mais de la toute-puissance du capital n’est autre que la société socialiste en marche vers la société sans classes, le communisme.
SÉPARATION DE L’ÉTAT ET DES ÉGLISES NE SIGNIFIE PAS SÉPARATION DES COMMUNISTES d’AVEC LES TRAVAILLEURS CROYANTS !
Praticiens du rationalisme critique et du matérialisme dialectique, défenseurs conséquents de la séparation institutionnelle de l’État et de toute Église, opposants résolus à tout dogmatisme, les communistes n’en tendent pas moins fraternellement la main à tous les croyants, catholiques, protestants, juifs, musulmans, qui résident et travaillent dans notre pays comme l’avait déjà fait Maurice Thorez en 1936 dans son discours de “main tendue” aux travailleurs catholiques. Cette politique rassembleuse, qui ne renonce en rien à la séparation institutionnelle de l’État et des Églises, part du constat qu’en chaque religion, il existe des millions de gens qui refusent le fanatisme et le cléricalisme et qui ne veulent que la paix, le progrès social et la liberté.
Face à une société capitaliste, face à une mondialisation impérialiste qui n’apportent plus que fascisation, guerres et régressions sociales, que tous les travailleurs exploités, que tous les peuples opprimés, que tous les humains de bonne volonté s’unissent: c’est indispensable pour combattre le tout-profit capitaliste qui mène l’humanité à sa perte, pour que tous les humains aient accès aux ressources de la nature et du savoir, pour que tous, qu’ils croient au Ciel ou qu’ils n’y croient pas, ou qu’ils croient “autrement”, ils deviennent les acteurs solidaires des nouvelles lumières communes.
Maurice Thorez et la main tendue du PCF aux catholiques, ouvriers, paysans…
Source : L’HUMANITÉ, 10 août 2017