Source: Rue 89.
Photo: Nicolas Sarkozy, Bernard Thibault et François Fillon à l’Elysée le 29 mai 2007 (Philippe Wojazer/Reuters)
En pleine torpeur estivale, le délégué CGT des « Conti » de Clairoix, Xavier Mathieu, a violemment attaqué le patron de son syndicat, Bernard Thibault, ce lundi matin sur France Info :
« Les Thibault et compagnie, c’est juste bon qu’à frayer avec le gouvernement, à calmer les bases. Ils servent juste qu’à ça, toute cette racaille. »
Visiblement, l’emblématique leader de la lutte contre le plan social chez le fabricant de pneus de Clairoix, près de Compiègne (Oise), avait décidé de vider son sac :
« Ça fait quatre mois que je ronge mon frein, que je dis rien parce que je suis obligé, par rapport à mon conflit, par rapport aux ouvriers, par rapport aux collègues. Thibault, on l’a jamais vu, on n’a jamais eu un appel. […] Trouvez-moi un interview écrit, ou verbal, où il cite le mot “Continental” ? Ja-mais ! »
Bernard Thibault est actuellement en vacances, et Xavier Mathieu n’a pas retourné nos messages téléphoniques. La CGT « ne réagira pas » à cette interview, dit un porte-parole. Quand on lui demande si le syndicat réagirait en cas de déclaration erronée de la part de Mathieu (sur les interviews données par Thibault), la CGT fait la même réponse : « Pas de commentaire ».
La direction de la CGT a tout de même répondu à France Info, disant que c’était à l’union locale et à la fédération de la chimie de se mobiliser, et pas au secrétaire général. La radio souligne que son homologue de la CFDT, François Chérèque, s’était déplacé à Clairoix. Comme par ailleurs certains responsables politiques.
L’« ingérence » du NPA dans les affaires du syndicat
Ces déclarations de Xavier Mathieu s’inscrivent dans un contexte de changement pour la CGT. Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, le syndicat dirigé par Bernard Thibault est souvent qualifié de « réformiste » : fin 2007, le secrétaire général avait ainsi surpris sa base, et particulièrement la CGT-Cheminots dont il est lui-même issu, en acceptant de négocier avec le gouvernement sur la réforme des régimes spéciaux.
Autre reproche fait à Bernard Thibault, l’évacuation, en juin (à coup de gaz lacrymogène), des sans-papiers qui squattaient la Bourse du Travail, à Paris, par des gros bras du syndicat.
La semaine dernière, la CGT a refusé de participer à l’université d’été du Nouveau parti anticapitaliste. Le syndicat a refusé l’invitation d’Olivier Besancenot, taxant à mots couverts le parti d’ingérence. Un des patrons de la CGT, Alain Guinot, avait reproché au NPA de « prétendre donner des leçons aux responsables syndicaux ».
Coïncidence, sans doute : les « Conti » de Clairoix, boudés par Thibault, ont été soutenus par Lutte Ouvrière et le NPA lors de leur procès pour le saccage de la sous-préfecture de Compiègne…
En décembre, Bernard Thibault remet en jeu son mandat
La base de la CGT serait-elle en train d’échapper à sa direction ? Difficile à dire, hormis les déclarations de Mathieu. Une source haut placée dans la direction du syndicat déclare que ces différents changements mettent à mal Bernard Thibault, qui remet en jeu son mandat de secrétaire général (il l’est depuis 1999) devant le « comité confédéral national » de la CGT, lors du congrès triennal de décembre.
Mais le porte-parole de la centrale donne une information qui tendrait à montrer le contraire : dernièrement, le même comité confédéral a proposé, à « l’unanimité moins trois voix » (sur environ 130 votants), la candidature de Thibault à sa propre succession.