N’en déplaise aux europhiles libéraux les plus convaincus, les orientations de l’UE sont régulièrement antisociales, mais aussi anti-écologiques. Si, comme disait l’économiste Ultra-libéral et europhile, Alain Madelin, l’Europe est « le vaccin contre le socialisme », cette dernière ne peut prétendre incarner le vaccin contre le réchauffement climatique et la destruction de l’environnement. En effet, les quelques avancées permises par les directives Natura 2000, notamment sur le terrain de la protection de la biodiversité et de ses habitats, ne sont que « l’arbre qui cache la forêt ». La politique énergétique de l’UE, qui repose sur le recours massif à la biomasse comme combustible, constitue un danger majeur pour nos émissions de gaz à effets de serre et plus largement pour les écosystèmes dont la biomasse est issue. De plus, ses politiques libérales, qui prônent toujours moins de contraintes réglementaires pour les acteurs économiques et qui conduisent à baisser sans cesse les moyens des acteurs publics en matière d’action environnementale, et ses dogmes libre-échangistes encourageant la mondialisation (entrainant délocalisation et hausse des transports de marchandises), sont elles aussi des visions stratégiques aux conséquences graves pour l’environnement et le climat. Ainsi, l’action de l’UE semble pouvoir être qualifiée d’une « politique de terre brulée » sociale et environnementale. C’est sur le volet énergétique de cette politique que nous allons nous attarder.
Fin 2017, quelques jours avant que les ministres de l’énergie de l’UE se rencontrent au sujet de la révision des directives sur les énergies dites « renouvelables », 15 scientifiques reconnus par leurs pairs, dont de nombreux membres du GIEC, ont publié une tribune dans le journal The Gardian afin d’alerter sur les dangers de la production d’énergie à partir de la biomasse forestière.
L’Union Européenne préparait une Directive pour doubler la production des énergies dites « renouvelables » d’ici 2030. Cependant, les directives européennes comprennent un problème majeur qui accélèrera le changement climatique. En effet, elles permettent aux États d’affirmer que l’usage du bois comme combustible pour faire de l’énergie peut être pleinement qualifié d’énergie « renouvelable ».
Produire de l’électricité et de la chaleur à partir de sous-produits provenant d’une quantité limitée de déchets de bois et de résidus forestiers peut être considéré comme vertueux d’un point de vue climatique, encore qu’on puisse en débattre. Malheureusement, le projet de Directive va au-delà et incite les pays et les entreprises à couper des arbres supplémentaires en forêt dans le seul but de les brûler pour produire de l’énergie.
Les 15 scientifiques signataires de la tribune vont plus loin :
« L’argument avancé pour le justifier est que, tant que les forêts repoussent, elles finissent au bout d’un certain temps par réabsorber le carbone libéré. Cependant, même si cela est vrai, de nombreuses études ont montré que l’effet net sera finalement une aggravation du réchauffement climatique pendant des décennies – pouvant aller jusqu’à des siècles, même lorsque le bois aura remplacé le charbon, le pétrole ou le gaz naturel. […] Ensuite, par unité d’énergie produite, le bois brûlé dégage plus de CO2 que le charbon et brûle à une température plus basse, produisant donc moins d’électricité. À énergie finale identique, les cheminées d’une centrale qui brûle des copeaux de bois, émettent généralement une fois et demie le CO2 d’une centrale brûlant du charbon et au moins trois fois plus de dioxyde de carbone qu’une centrale électrique brûlant du gaz naturel. »
(voir à ce sujet les actes des assises de la forêt 2019 sur le site de SOSforêt.org)
Malheureusement, cet avertissement n’a pas été entendu et la directive a été adoptée. Depuis, les actions pour revenir sur ces dispositions se succèdent. Le système politique de gouvernance de l’UE n’étant pas très « démocratiques », l’organisation et la conduite de ce débat demeurent très compliqué, et pendant ce temps, les directives s’appliquent.
Cependant, un groupe de plaignants originaires d’Estonie, de France, d’Irlande, de Roumanie, de Slovaquie, de Suède et des États-Unis ont intenté une action en justice contre l’UE pour empêcher l’inclusion de la biomasse forestière dans la directive sur l’énergie renouvelable. L’affaire a été portée devant la Cour de justice de l’UE par des citoyens accompagnés par des ONG.
La « galaxie » d’énergies dites « renouvelables » européenne est constituée à 60% de biomasse utilisée comme combustible. C’est bien cela le problème, l’UE choisit dans ce domaine la solution de facilité, qui se révèle ne pas être une solution du tout. En effet, plutôt que d’investir massivement dans la recherche et le développement de nouvelles méthodes de production durable à partir de l’atome, du sol, du vent, de la mer ou du soleil, les décisionnaires européens préfèrent appliquer le même modèle que l’usage des énergies fossiles, aux ressources de biomasse, c’est-à-dire « récolter plus pour produire plus, jusqu’à épuisement des stocks ». Cette stratégie consiste à conserver un modèle de production identique en remplaçant simplement les combustibles fossiles par de la biomasse, comme pour la conversion de la centrale de Gardanne, avec les effets dévastateurs exposés ci-dessus : ce n’est pas une politique de transition énergétique !
En 2020, le recours devant la Cour de justice européenne a été rejeté. Malheureusement, on ne pouvait en espérer mieux, puisqu’on peut penser qu’il faudra beaucoup plus pour que l’UE abandonne ce qu’elle considère, à tort, comme sa principale piste de « transition écologique ».
Pour finir, une pétition a été mise en ligne contre cette directive, conduite par de nombreuses structures du monde entier, dont SOSforêtFrance et s’intitule : « L’UE doit protéger les forêts plutôt que les brûler pour produire de l’énergie ». (Elle est hébergée sur le site you.wemove.eu)
Cela n’augure pas la fin du combat sur ce sujet, bien au contraire. Ce débat a le mérite de mettre à jour les véritables implications politiques de l’UE. Cette dernière, en plus d’être antisociale, revêt un caractère anti-écologique. Il est plus que jamais urgent de sortir de cette politique de « terre brulée », seule solution pour nous en sortir.