Nous publions cette expression de notre camarade Jean-Christophe qui dénonce la manière inhumaine dont sont traités les non titulaires de l’Éducation nationale.
Pour autant, le PRCF défend fermement le statut de la fonction publique mis en place par Thorez en 1946 et consolidé par Le Pors en 1983. Son corollaire est le recrutement par concours. Affaiblir ce principe républicain irait dans le sens de Macron, lequel a affiché à Marseille sa volonté de permettre aux chefs d’établissement de recruter sur place qui bon leur semble: règne de l’arbitraire assuré et fin de l’Éducation nationale…
La solution n’est alors, ni d’accompagner la mise en extinction blanquérienne des concours, ni de laisser les non-titulaires végéter dans l’angoisse du chômage ou des parachutages improbables, mais d’élargir le CAPES interne aux profs non titulaires ayant exercé depuis une durée définie en accord avec les syndicats, par ex. en les dispensant de l’écrit et en leur accordant un temps de formation et des décharges de service suffisantes pour leur permettre de passer l’oral avec toutes les chances de succès (intégration directe pour ceux qui exercent depuis très longtemps?).
C’est assez proche ce qui fut fait en 1981 pour liquider l’auxiliariat sans renoncer aux concours.
Bref, titulaires et non-titulaires, à l’action tous ensemble et en même temps!
L’armée de réserve de l’Éducation nationaleAvec le Ministre et le Ministère, Blanquer, l’une des principales difficultés pour les citoyens en France est qu’ils passent leur temps à mentir, déformer les faits, biaiser.Il y a 3 ans, la Cour des Comptes rendait un rapport selon lequel les contractuels dans la Fonction Publique sont un million et dans l’Éducation Nationale, près de 40.000. À l’instar des chiffres des manifestations dont le total est systématiquement minoré par le Ministère de l’Intérieur, tout nous pousse à considérer que les contractuels dans l’Éducation Nationale sont plus nombreux, entre 50.000 et 100.000, selon, les années, les périodes. Mais quand on dit qu’ils sont entre 50.000 et 100.000, chaque citoyen qui ne connaît pas l’Éducation Nationale pense que ce sont les mêmes personnes. Mais il n’en est rien.Qu’est-ce qu’un contractuel ? CDD ou CDI ?Un contractuel dans la Fonction Publique est, par définition, un travailleur en CDD. Le tropisme de l’État pour les CDD en dit long sur sa pseudo lutte contre les CDD dans le privé, puisqu’il prétend lutter contre leur « abus » par des sanctions financières contre les entreprises qui les multiplient. C’est précisément ce que l’État fait lui-même. Ces CDD sont de durée variable : la plus longue est d’un an, et toutes les autres sont inférieures, y compris pour quelques jours. La loi Sauvadet a prévu qu’un contractuel qui a travaillé pendant six années (à condition que, pendant ces six ans, ses contrats n’aient pas connu une interruption supérieure à 4 mois) doit passer en CDI – mais le CDI est un cheval de Troie pour imiter le privé, puisque, à la différence d’un titulaire, fonctionnaire, un enseignant en CDI n’a pas non plus une absolue garantie d’emploi (des rectorats ont licencié des enseignants en CDI). Étant donné ces principes contraignants, peu d’enseignants qui ont atteint ces 6 ans peuvent prétendre à un tel CDI, et il y a fréquemment des cas où un Rectorat qui sait qu’il va devoir CDiser un enseignant s’il donne un nouveau contrat à celui-ci impose une interruption de plus de 4 mois, laquelle, comme par magie, efface toutes les années effectuées, comme si elles n’avaient pas eu lieu (l’enseignant revient à zéro et doit refaire six années pour…). Pour les autres qui ou sont loin des 6 années ou les ont dépassées mais avec des coupures supérieures à 4 mois, chaque fin de CDD est synonyme de chômage.La rentrée 2021/2022 : une hécatombe de postes et des pions sous-payésAvec cette rentrée scolaire 2021/2022, nombre de contractuels qui ont eu, dans les années antérieures, un contrat, n’ont eu aucune proposition de réemploi. Pourquoi ? Parce que les contre-réformes Blanquer, et c’est ce que la Cour des Comptes appelait de ses vœux, a empilé les mesures par lesquelles les titulaires ont vu leur temps de travail augmenter, le nombre de classes diminuer par l’augmentation des effectifs (autour de 35 et parfois plus), et des matières ont perdu des heures (ex : la philosophie). Cette année, le Ministère a ajouté une mesure supplémentaire, avec le recrutement de contractuels « alternants », à savoir que, à l’attention des étudiants inscrits en master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation), le contrat prévoit que, alors qu’ils continuent leur année de master 2, un Rectorat les place dans un établissement, en tant que non titulaire, et ce pour un tiers temps. Pour ce tiers temps, ils sont payés 660 euros nets par mois. Autant dire que pour faire face à la difficulté de trouver des enseignants contractuels qui acceptent de travailler seulement quelques petites heures par semaine, le Ministère a trouvé la parade, en s’appuyant sur des jeunes, qui, ainsi, deviennent de nouveaux contractuels par lesquels ils remplacent les autres, plus âgés, plus expérimentés, plus coûteux. Ainsi, le Ministère met en place un « turn over », par lequel il a à sa disposition des enseignants, à moindre coût et pour une courte durée – et dès lors que des contractuels s’approchent d’une situation de simili titularisation, avec un CDI, ils et elles ne sont pas prolongés.Blanquer, un bilan désastreux, notamment pour le Lycée ProAucun Ministère n’avait attaqué à ce point l’Éducation Nationale dans toutes ses dimensions : humaines, matérielles, pédagogiques, statutaires. Blanquer aura été le pire Ministre de l’Éducation Nationale, depuis Fillon (un modèle pour lui), Chatel, Allègre. Il faut être concret : des enseignants qui ne peuvent plus enseigner, doivent nécessairement changer de vie professionnelle. Le macronisme impose donc des reconversions forcées, à des milliers de travailleurs, parce qu’il méprise, déteste même les enseignants (à gauche ! communistes !), parce qu’il fait sur leur dos des économies budgétaires, exigées par l’Union européenne, parce qu’il veut casser l’Éducation Nationale en la régionalisant au maximum (des enseignants en lycée pro ont été « conviés » à accepter une transformation de leur statut en tant que formateurs en CFA), en externalisant/privatisant au maximum une part de ses prérogatives historiques (ce qui se passe contre le lycée pro, au profit de l’alternance avec les CFA privés).Défendre ou ne pas défendre les contractuels ?Les parutions, rares, sur le sujet des contractuels, comme celle, récente de Bastamag, ont l’habitude de parler des contractuels comme s’ils étaient des bouche-trous, des travailleurs qui ne seraient pas aussi compétents et sérieux que les titulaires, ce qui justifierait finalement qu’ils ne soient pas titulaires comme les autres, parce qu’ils n’ont pas eu, eux, un concours. Mais l’obtention d’un concours d’enseignement n’a jamais garanti qu’un enseignant soit un bon enseignant. Mais il n’y a que pour les contractuels que ce défaut de qualité est systématiquement évoqué, mis en avant. Est-ce que l’on parle de chaque métier en évoquant celles et ceux qui le font mal, ne sont pas fait pour ? ! En outre, il est fréquent que nombre de contractuels aient plus de diplômes que leurs collègues titulaires. Il ne viendrait pas à l’esprit de ces contractuels de se dire que leurs collègues titulaires valent moins qu’eux – mais hélas, l’inverse n’est pas vrai. Il est donc certain que les règles françaises, anciennes, concernant la titularisation en tant que fonctionnaire, sont dépassées, inadaptées, injustes. Pendant longtemps, les titulaires bénéficiaient d’une multitude d’avantages-privilèges (pour l’avancement et donc la rémunération, pour le changement d’établissement). Désormais, les titulaires sont également fragilisés, attaqués. Mais celles et ceux qui subissent en premier le mépris du Ministère sont les contractuels. Les organisations syndicales les défendent-elles vraiment ? Les associations nationales de professeurs les défendent-elles vraiment ? Nous laissons cette réflexion à chacun mais nous devons constater qu’il n’y a aucun contractuel, notamment au chômage, dans une des équipes dirigeantes de ces OS ou de ces associations nationales. On parle des contractuels, on ne parle ni aux contractuels, en tant que tels et on ne leur donne pas la parole, par une présence reconnue dans ces organisations. Par exemple, au SNES, le secteur non-titulaires est animé par des titulaires, est squelettique (la dernière publication date de mars 2021). Concernant cette rentrée 2021/2022, seul le SNALC a publié un article sur le non renouvellement massif des contractuels.Le programme néo-libéral européen sur le long terme en France et ailleurs.Pour terminer, il faut revenir aux préconisations de la Cour des Comptes : factuellement, celles-ci ont un objet, supprimer des emplois. Le néo-libéralisme à l’œuvre est un champion de la paupérisation. Dans aucun des pays industriels, les enseignants n’ont été, ne sont, attaqués, comme ils le sont en France – à partir de ce que leur situation matérielle et juridique a pu être de la Libération à la fin des années 70. Mais, hélas, parce qu’il n’y a pas une opposition déterminée et active à ce processus, acté dans le Traité de Lisbonne, la France suit le chemin des autres pays où le statut et les conditions des enseignants se sont aussi dégradés, sévèrement. En Angleterre, les enseignants sont interdits d’engagement politique public. En Allemagne, ils n’ont pas le droit de grève et dans les classes, les élèves sont rois. Dans la plupart des Länder (l’éducation étant une compétence régionale), ce sont là aussi les directeurs qui recrutent, donc renvoient, leur équipe en choisissant sur une liste de reçus au concours: celui-ci ne donne pas droit à un emploi, seulement à une possibilité de candidater. En Pologne, comme en Lettonie, Estonie, Hongrie, Lituanie, les enseignants communistes ont été « purgés », autrement dit, virés – ce dont rêve de faire l’extrême-droite en France. En Suisse, le statut de la fonction publique a été récemment supprimé. Aux USA et au Canada, les directeurs recrutent et renvoient à merci les enseignants et les associations de parents d’élèves, le plus souvent réactionnaires, font la loi. En Russie aussi, l’école est terriblement malmenée et les « régions autonomes » font ce qu’elles veulent. Ce qui est clair, c’est que la situation des enseignants français s’est archi-dégradée depuis le traité de Maastricht avec la pluie de contre-réformes (Allègre, Fillon, Darcos, Chatel, Vallaud-Belkacem, Blanquer).Ce rouleau compresseur dans tous les secteurs.La liquidation de ce qui reste de l’ « exception française » (ce capitalisme mâtiné de conquêtes laïques et sociales, spécialement celles de 1905, 1936, 1945 et 1968) inflige aux enseignants français une double peine : ils étaient très mal payés mais majoritairement protégés par un statut dans les années 45/2000 (à l’époque, les précaires finissaient, à l’époque appelés MA, à force de luttes syndicales, par être intégrés comme « AE », par ex. des dizaines de milliers l’ont été en 81). Maintenant, ciblés à la fois par l’euro-austérité salariale, par la réduction des moyens (= conditions de travail) et par l’ajustement néolibéral de l’école (« new public management »), ils perdent sur TOUS les tableaux. Comme à la Poste, à France-Télécom devenu Orange, à la SNCF, à EDF, les précaires et les CDI (dans un premier temps) deviennent peu à peu majoritaires, après quoi ce sera la suppression du statut pour tous, puis AUSSI celle des CDI (qui ne sont provisoirement concédés que pour minoriser les statutaires) avec, pour tous, des « contrats de mission » renouvelables ou pas par les chefs d’établissement. Ce que nous subissons est un alignement néolibéral général (« stratégie de Lisbonne », « économie de la connaissance » où on peut faire de plus en plus l’économie de, se passer de, la connaissance, donc des professeurs). Bien que le Royaume Uni ait officiellement quitté l’UE, le tout-anglais a gagné rapidement l’ensemble de l’UE sous la férule d’Ursula von der Leyen. Dans moins de 15 ans, au rythme où vont les choses, l’anglais sera la langue d’enseignement normale des facs et des seconds cycles en attendant de descendre vers le collège et le lycée. Les profs ne parlant pas bien l’anglais deviendront subitement « inemployables ».Le « grand remplacement » de ce que fut la France par l’américanisation – que les Zemmour et consorts soutiennent.L’idéologie dominante scolaire française a longtemps été imprégnée chez nous de traditions jacobines, anticléricales, donc venues de Rousseau et de la Révolution bourgeoise démocratique française (jacobinisme = alliance antiféodale de la bourgeoisie « bleue » et des couches populaires); alors que l’UE est imprégnée à la fois d’ordo-libéralisme allemand (Bismarck, voire pire), et de révolution bourgeoise élitaire à l’anglo-saxonne. Les révolutions bourgeoises anglaise et américaine sont d’inspiration typiquement libérale: Smith, Ricardo, etc. Loin de chercher l’alliance à gauche avec le peuple, ces bourgeoisies ont grossièrement fait alliance avec les esclavagistes, la bourgeoisie anglaise a rétabli la monarchie et elle a férocement combattu la révolution française, au grand étonnement des révolutionnaires français majoritairement anglophiles). De ce fait, le choc est particulièrement violent en France, à l’école mais aussi dans tous les secteurs (cf la vague de suicide dans les campagnes, à France-Télécom/Orange, etc.). Ce conflit politico-culturel n’est cependant pas aussi violent et violeur que l’énorme viol de masse qu’ont dû subir les salariés et les ex-fonctionnaires de toute l’Europe de l’est (où l’acte I de la contre-révolution a été d’araser la puissante industrie russe, bulgare, roumaine, polonaise, yougoslave, etc., c’est-à-dire de déclasser les ouvriers industriels par dizaines de millions pour en faire les bouche-trous et autres « travailleurs détachés » de la Grande Europe. Et aussi, pour priver de base sociale la restauration éventuelle du socialisme. Mais, désormais, les masques sont tombés. Les contractuels dans l’Éducation Nationale en font l’expérience, avec un Ministre dont les vraies idées comme intentions sont transparentes – ce qui fait de lui le Ministre de l’Éducation Nationale le plus détesté et rejeté, ce qui est en soi un exploit, puisque, jusqu’ici, Claude Allègre, nommé par Lionel Jospin, était le grand vainqueur de ce pénible « concours »…