Nous publions ci-dessous la juste analyse de l’observateur italien Manlio Dinucci.
Alors que le « débat » euro-verrouillé de la présidentielle contourne globalement la question de la paix, alors que le nouveau gouvernement allemand SPD/FDP/Verts bat des records d’atlantisme et de russophobie, alors que Macron oriente sa présidence temporaire de l’UE vers la dissolution de la défense « nationale » française dans une armée euro-atlantique pilotée par Washington et Berlin, le G7 et l’UE-OTAN se coalisent pour forcer Moscou à accepter l’intégration de l’Ukraine – sous influence directe des néonazis – , au sein de l’Alliance atlantique (et de l’UE: c’est d’ailleurs la même chose de ce point de vue). C’est presque un ultimatum que le récent G7 vient d’ailleurs de lancer à Moscou sur ces thématiques.
Qu’eût-on dit à l’Ouest si, à l’époque de l’URSS, le Pacte de Varsovie avait prétendu s’élargir au Mexique, au Canada ou à l’Italie? En violant les promesses les plus formelles faites à Moscou lors de la « réunification » allemande (pas d’élargissement de l’OTAN aux frontières de la Russie et à l’ « étranger proche »!), les Occidentaux prennent la responsabilité d’un bras de fer avec Moscou qui peut parfaitement conduire à la Troisième guerre mondiale: car la Chine pourrait-elle alors laisser la Russie, soit capituler en abandonnant ses intérêts fondamentaux, soit affronter militairement seule l’Occident, au risque que, par la suite, la Chine reste isolée face à l’impérialisme US, chef de file mondial des guerres d’agression?
Visiteurs de ce site, il n’y a pas de combat plus urgent que celui de la paix: cela ne signifie pas qu’il faille laisser tomber les autres combats, progrès social, indépendance nationale, santé publique, mais qu’il faut absolument faire davantage le lien entre tous ces combats et la défense de la paix. Sans s’aligner sur quiconque, refusons la PROPAGANDE DE GUERRE qui présente la Russie comme un « ennemi stratégique » alors qu’en 1944, le général de Gaulle déclarait que « la Russie soviétique a joué le rôle principal dans notre libération ». Il est plus que choquant de voir le gouvernement allemand proposer, toute mémoire historique enfouie, faire en ce moment la propagande de l’annexion de l’Ukraine à la sacro-sainte « Europe ».
Quant à une guerre contre la Chine, pays le plus peuplé du monde et porteur d’une civilisation trimillénaire, toute guerre contre elle signifie par avance un SUICIDE, ou plutôt, un ASSASSINAT DE L’HUMANITE. – Georges Gastaud
La poudrière ukrainienne et la mèche – Manlio Dinucci
Roger Wicker, membre de la Commission pour les services armés du Sénat des États-Unis, a déclaré dans une interview à Fox News (8 décembre) qu’il n’excluait pas une intervention militaire directe des USA contre la Russie pour “défendre l’Ukraine” et, sans que l’intervieweur le lui ait demandé, a ajouté : “Vous savez que nous n’excluons pas l’action nucléaire en premier usage”, c’est-à-dire d’utiliser les premiers les armes nucléaires. C’est un message transversal à Moscou sur la détermination des États-Unis à soutenir une éventuelle attaque de Kiev contre les Russes du Donbass. Elle serait certainement présentée comme riposte à une attaque effectuée par les Russes du Donbass. Dans l’esprit de qui depuis 2014 a effectué la stratégie de la tension contre la Russie, cette attaque serait de toutes façons un acte vainqueur.
Moscou aurait deux alternatives : ne pas intervenir militairement en défense des Russes du Donbasss, en laissant qu’ils soient submergés par l’attaque ukrainienne soutenue par l’OTAN et obligés d’abandonner la région pour se réfugier en Russie, décision qui serait traumatisante pour Moscou surtout sur le plan intérieur ; ou bien intervenir militairement pour arrêter l’attaque ukrainienne, en s’exposant à la condamnation internationale pour agression et invasion d’un État souverain.
Les généraux ukrainiens ont prévenu qu’ils ne seraient pas en mesure de “repousser les troupes russes sans une massive perfusion d’aide militaire d’Occident”. La perfusion a déjà commencé : les États-Unis, qui ont déjà donné à Kiev une aide militaire de 2,5 milliards de dollars, lui ont fourni en novembre encore 88 tonnes de munitions dans le cadre d’un “paquet” de 60 millions de dollars, comprenant aussi des missiles Javelin déjà déployés contre les Russes du Donbass. En même temps les USA ont envoyé en Ukraine plus de 150 conseillers militaires qui, ayant à leurs côtés ceux d’une douzaine d’alliés OTAN, dirigent de fait les opérations.
La situation est plus explosive encore parce que l’Ukraine -aujourd’hui partenaire mais, de fait, déjà membre de l’OTAN- pourrait être officiellement admise comme le 31ème membre de l’Alliance : et en conséquence, sur la base de l’Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, les 30 autres membres de l’OTAN devraient intervenir militairement sur le front du Donbass en soutien de l’Ukraine contre la Russie. Le Ministère des Affaires étrangères russe a demandé à l’OTAN de ne pas admettre l’Ukraine, pour ne pas accroître ultérieurement la tension militaire et politique en Europe, rappelant que depuis la fin de la guerre froide la Russie a reçu des assurances réitérées que la juridiction et les forces militaires OTAN ne seraient pas avancées d’un pouce vers l’Est, mais que ces promesses n’ont pas été tenues. Le Ministère des Affaires étrangères russe a ensuite proposé à l’OTAN d’ouvrir des négociations pour des accords à long terme empêchant l’ultérieure expansion de l’OTAN à l’Est et le déploiement de systèmes d’armes dans le voisinage immédiat du territoire russe. La proposition a été sèchement repoussée le 10 décembre par l’OTAN, via le secrétaire général Stoltenberg : “Le rapport de l’OTAN avec l’Ukraine sera décidé par les 30 membres de l’Alliance et par l’Ukraine, et par personne d’autre”.
Immédiatement après, hier 13 décembre, les ministres des Affaires étrangères du G7 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Japon) et le Haut Représentant de l’Union Européenne, qui se sont rencontrés à Liverpool, ont déclaré être “unis dans la condamnation du renforcement militaire de la Russie et de sa réthorique agressive à l’égard de l’Ukraine” et que “la Russie ne devrait avoir aucun doute sur le fait qu’une ultérieure agression militaire contre l’Ukraine aurait comme réponse des conséquences massives et de graves coûts”.
Pendant ce temps la Finlande, membre de l’Ue et actif partenaire OTAN contre la Russie, annonce l’achat de 64 chasseurs F-35A de Lockheed Martin pour un prix de 8,4 milliards d’euros qui, avec leurs infrastructures, atteint les 10 milliards, auxquels le gouvernement ajoutera 10 autres milliards d’euros pour leur maintenance et modernisation. Les 64 F-35A d’attaque nucléaires seront déployés aux frontières de la Russie, à 200 km seulement de Saint-Petersbourg, de fait sous commandement des USA qui, comme rappelle le sénateur Wicker, n’excluent pas d’utiliser les premiers les armes nucléaires.
Edition de mardi 1’ décembre 2021 d’il manifesto – https://ilmanifesto.it/la-polveriera-ucraina-e-la-miccia/ – Traduit de l’italien par M-A P