C’est par la culture que l’on peut approcher le courant marxiste-léniniste au Pakistan, représenté par le parti Mazdoor Kissan, et plus particulièrement par la musique. Un poème chanté par le groupe musical Laal nous ouvre une fenêtre sur le progressisme pakistanais. La chanson « Aaj Bazaar Main Pa Bajolan Chalo » est un poème écrit par Faiz Ahmed Faiz, l’une des plus grandes figures culturelles contemporaine du Pakistan. Cette chanson est devenue l’hymne des forces progressives de ce pays.
Faiz Ahmed Faiz
L’histoire raconte qu’a une époque où le parti communiste était illégal, un officier interrogea le poète en lui demandant s’il était membre du parti communiste ; question à laquelle celui-ci répondit, non sans ironie, « comment puis-je être membre d’un parti qui n’existe pas » ?
Toute sa vie, Faiz Ahmed Faiz demeura un fervent marxiste. Il reçut le Prix Lénine de la Paix en 1962 et fut mis en nomination pour le Prix Nobel de littérature quatre fois.
Voici une traduction française du poème « Aaj Bazaar Main Pa Bajolan Chalo » à partir de deux traductions anglaises du texte ourdou. Faiz Ahmed Faiz écrivit ce qu’il avait ressenti durant son transfert vers la prison suite à son arrestation lors du cas du complot Pindi en 1951.
Aaj Bazaar Main Pa Bajolan Chalo
Marchons dans le bazar les pieds enchaînés
Les yeux larmoyants, l’âme en détresse ne suffisent pas
L’accusation d’amour caché ne suffit pas
Aujourd’hui, marchons dans le bazar les pieds enchaînés
Les mains écartées, marche de ravissement et d’éblouissement
La tête couverte de poussière, la chemise tachée de sang
Tourbillon, dans les affres frénétiques de l’extase !
Marchons, la ville bien-aimée aspire.
Passez devant le souverain de la ville, devant tous les spectateurs
Passé les flèches d’’accusation, les pierres de l’abus
Après le matin de douleur, le jour de l’échec
Qui d’autre à côté de nous est intime avec eux
Qui maintenant dans la ville de notre bien-aimée est encore entaché
Qui est maintenant digne de la main du bourreau ?
Prenons le fardeau de cœur, allons-y, les cœurs brisés
Proposons-nous, une fois de plus, pour l’exécution.
Laal ou La Musique en Lutte
Ce poème est interprété par le groupe musical « Laal » ou « Rouge » en Ourdou. Comme l’explique le site d’information du groupe, « Laal n’est pas seulement un groupe de musique. C’est un mouvement visant à inculquer et à tonifier des idées et des pensées progressistes dans la société. Poursuivant la voix du Mouvement des écrivains progressistes du Sous-continent, Laal cherche à populariser l’œuvre de Faiz Ahmed Faiz et de Habib Jalib entre autres, en mettant leur poésie révolutionnaire en musique.
[Le mouvement] réveille ceux qui se souviennent de ces grands poètes et écrivains dès leur jeunesse, et les présente à la jeunesse d’aujourd’hui, représentant une nouvelle continuité pour une jeune génération de penseurs, d’activistes et d’artistes qui souhaitent lutter pour la justice sociale.
Après avoir fait de nombreuses tournées à travers le Pakistan, Laal s’est également produit auprès d’un large public à l’échelle internationale, dans plusieurs villes de l’Inde, à Londres, à Dubaï, à Delft (Pays-Bas) et à Francfort. Le grand honneur de Laal a cependant été leur performance à Kaboul, en Afghanistan. Témoigner de ces hommes et de ces femmes dansants et chantants ensemble sur la musique de Laal sous un ciel afghan, fut une nuit inoubliable.
Laal apporte également des idées progressistes aux masses à travers son aile de théâtre de rue. Mise en scène de pièces qui se concentrent sur les problèmes de gens ordinaires, elles sont offertes à tous ceux qui s’arrêtent et écoutent.
À partir du « mouvement des avocats », Laal a été formé en réponse à la lutte pour l’État de droit au Pakistan. Le groupe prêta sa voix lors de manifestations, il chanta dans la « longue marche » et célébra le rétablissement du pouvoir judiciaire. Et Laal continuera de défendre la cause de la démocratie, à lutter pour les droits des opprimés et à chanter pour ceux qui sont divisés.
Lorsque les inondations ont ravagé un cinquième du Pakistan durant l’été 2010, Laal a largement contribué aux efforts de secours aux victimes. Notre chanson « Sab doob Gaya Hai », écrite du point de vue d’une victime des inondations, a également été utilisée par plusieurs organisations à travers le monde comme thème de collecte de fonds.
Laal s’est prononcé avec véhémence contre la menace des violences sectaires qui cherche autant à diviser une multitude de gens par leurs différences qu’à en unir d’autres en prêchant la haine. Notre segment vidéo « Fareeda » était dédié à la diversité de l’islam et a été tourné au sanctuaire du célèbre poète soufi Baba Farid. Laal a participé à plusieurs initiatives transfrontalières pour construire la paix en Asie du Sud. »
Taimur Rahman, porte-parole de Laal, premier guitariste du groupe ainsi que vocaliste, est le secrétaire général du parti communiste Mazdoor Kissan qui persévère aujourd’hui dans la lutte contre l’exploitation capitaliste et le fondamentalisme religieux sévissant dans son pays.
Dr. Rahman, de par sa profession, est professeur à l’université de Lahore, dans le département des sciences de gestion. Il est l’auteur du livre « Structure de classes au Pakistan » (Presse Universitaire d’Oxford) qui remporta le prix commémoratif Akhtar Hameed Khan du meilleur livre en sciences sociale du Pakistan en 2012. Ses présentations en ligne sur le Marxisme-Léninisme, en ourdou et anglais, continuent d’éduquer les nouvelles générations à la cause du socialisme.
Prolétaires et peuples opprimés de tous les pays, plus que jamais, unissons-nous en cette nouvelle année de 2022 !