Alors que le premier tour de l’élection présidentielle approche à grands pas, la mal-nommée « Primaire populaire » a rendu son verdict le 30 janvier 2022 à travers la « victoire » de Christiane Taubira, dont on se demande bien ce qu’elle pourra en faire pour mener une campagne sans aucun fil conducteur. Mais dans le fond, n’est-ce pas le problème majeur pour toutes les forces établies de la « gauche » de plus en plus coupée des classes populaires qui ne votent plus pour elles depuis longtemps ?
À elle seule, cette « Primaire populaire de la gauche » qui, d’office, excluait le candidat PCF Fabien Roussel, les candidatures trotskistes et le PRCF, illustre le divorce absolu entre les soi-disant représentants de « gauche » et les travailleurs et citoyens de France. S’enorgueillissant d’une participation de près de 400.000 votants électroniques – comme l’on vote pour un candidat dans une émission de « télé-fausse-réalité » –, les organisateurs visaient avant tout à « unir la gauche » ; ils ont réussi à donner une pseudo légitimité à une nouvelle candidature européiste et capitaliste, s’ajoutant à la ribambelle des prétendus « socialistes » et « écologistes » encore en lice ou ayant déjà, comme Arnaud Montebourg, capitulé en rase campagne. Une « Primaire populaire » qui aura donné l’occasion de placer également Pierre Larrouturou, le président de « Nouvelle Donne » d’inspiration rooseveltienne qui avait mené une grève de la faim pour réaliser l’union de la gauche (à défaut de participer aux grèves et combats des travailleurs), en 4e position, devant la fantomatique et vide Anne Hidalgo.
Une « Primaire populaire » boudée par Hidalgo, Jadot et Mélenchon fort logiquement et qui aura surtout donné l’occasion aux couches urbaines supérieures surdiplômées, s’affirmant de « gauche » tout en voulant rester dans l’UE, la mondialisation capitaliste, l’OTAN, etc., de participer à une nouvelle farce ridicule pour les forces institutionnelles allant tout droit vers le grand effondrement. Symbole du tragi-comique : Anna Agueb-Porterie, arrivée à la 7e et dernière place de ce scrutin petit-bourgeois, « se réclamant de la pensée libertaire, révolutionnaire, écolo populaire et sociale, communaliste et féministe », déclare le soir même du résultat : « J’ai été candidate à la @PrimairePop car j’ai toujours souhaité le rassemblement. Mais le résultat divise car il rajoute une candidature de plus. Je choisis de soutenir un programme de ruptures capable de gagner. Le seul c’est l’#AEC2022 porté par @JLMelenchon. » Il aura donc fallu une mascarade politique pour que cette nouvelle pioche alter-européo-mondialiste décide de ne pas cautionner son piteux résultat et rallie la candidature de plus en plus en perdition, comme l’a illustré la dernière « prestation » dans l’émission de Cyril Hanouna « Face à Baba » – il n’y pas à dire : l’équipe entourant l’ex-Insoumis déborde d’imagination pour le ridiculiser…
Mais que peut-il rester, si ce n’est de la posture, lorsque l’on ne peut proposer aucun projet radical, clair et cohérent en faveur de la souveraineté populaire et de l’indépendance ? Que l’on songe à cette « photo de famille » avec Jadot et Hidalgo qui, en avril 2021, posaient pour une candidature commune et qui, désormais, s’écharpent pour obtenir le score le moins bas possible en servant la même soupe européiste, atlantiste, capitaliste et anticommuniste (rappelons que le PS et EELV ont adopté l’infâme résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019 en compagnie du RN, des LR et de la Macronie, assimilant le communisme au nazisme). La posture, c’est ce qui caractérisait Montebourg, chantre d’une « Remontada » qui a sombré au même rythme qu’un ancien candidat s’entourant de conseillers ayant gravité autour de Nicolas Sarkozy et réduit à se filmer en train de téléphoner à ses rivaux ; le tout, bien entendu, en promettant la réindustrialisation du pays… en restant dans l’UE.
Ayant logiquement refusé la mascarade pseudo politique, Jean-Luc Mélenchon, lui, poursuit sa campagne aux antipodes de 2017 : s’adressant à un électorat de petits bobos pétris de bons sentiments écologistes, altermondialistes et alter-européistes, il relègue la dialectique bien plus claire de 2017 « l’UE, on la change ou la quitte ! », qui sut séduire les ouvriers et les travailleurs précaires, aux oubliettes et illustre un nouveau retournement de veste symbolisé par l’entourage avec lequel il grenouille. Une pensée particulière à Thomas Portes qui, en une année, a réussi l’exploit de militer pour quatre formations différentes (PCF, Génération.s, EELV via Sandrine Rousseau et l’« Union populaire ») : chapeau, l’artiste ! Mélenchon poursuit en se prêtant volontiers aux « débats » avec les étudiants de Sciences Po, l’ESSEC, HEC – toute la fine fleur de l’ordre établi – et aux mises en scène télévisuelles désastreuses chez Hanouna, tout en se référant perpétuellement à un sondage qui, un jour, l’a accrédité de 13%. Quant à s’adresser aux travailleurs en leur parlant de réindustrialisation (du bla-bla, selon son discours du 5 décembre 2021 à Nanterre), on repassera. Mélenchon, l’altereuropéiste qui va désobéir à l’UE… tout comme le fait le Danemark qui mène la politique monétaire qu’il souhaite puisque ce dernier n’a pas l’euro (oui… mais la France a l’euro, ce pour quoi Mélenchon milita d’ailleurs ardemment en 1992).
Quant à Fabien Roussel, le candidat PCF vient d’expliquer sur France Info : « Nous utiliserons l’argent de la Banque centrale européenne. Il s’agit de réinvestir dans nos services publics, dans notre industrie. Il s’agit de retrouver une souveraineté économique. » Comme chacun sait, souveraineté économique et Banque centrale européenne indépendante, chargée d’appliquer dogmatiquement les « critères de stabilité et de convergence » de Maastricht sanctuarisés par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne, font bon ménage… Mais nous n’en sommes pas à la première ineptie du genre : que l’on se souvienne de Pierre Laurent qui, six ans plus tôt, lors d’une réunion intitulée « Plan A-Plan B », expliquait aux côtés d’un Frédéric Lordon atterré devant tant de bêtise, refusait l’Europe supranationale… tout en voulant rester dans le système euro. Mais pour faire face, voilà que Fabien Roussel promet d’organiser un « référendum au sujet de l’Union européenne » ? Un référendum ? Pour demander quoi ? Pour faire quoi ? N’y a-t-il pas tout simplement urgence à combattre une machine de guerre capitaliste qui détruit les conquêtes sociales, les droits démocratiques et les libertés publiques en claquant la porte unilatéralement et définitivement ?
La conséquence de tous ces atermoiements et de ce spectacle tragi-comique ? Une grande déroute pour la « gauche » se profile désormais dangereusement. Peut-être aura-t-elle au moins le mérite de trier le bon grain du mauvais et, enfin, de placer les véritables sujets centraux pour l’avenir des travailleurs et des citoyens au cœur des échanges politiques, à savoir celui de la rupture avec l’UE du Capital, l’OTAN et la mondialisation capitaliste. En somme, la seule vraie alternative franchement de gauche, œuvrant pour l’émancipation réelle du genre humain et la souveraineté nationale et populaire et nécessitant de reconstruire un parti franchement communiste. Une alternative que porte le PRCF à travers sa campagne Rouge et Tricolore et son combat auprès des travailleurs en lutte. En attendant la potentielle « grande explication » à venir avec l’oligarchie euro-atlantique régnant sur la France…