Che Guevara est incontestablement un des révolutionnaires marxistes-léninistes les plus connus, mais peu de gens ont déjà eu l’occasion de connaître réellement sa pensée. Nous remédions à la situation en publiant un de ses textes sur la jeunesse : Qu’est-ce qu’un jeune communiste ? La traduction n’est pas encore complète mais cette synthèse sera suffisante pour notre propos d’aujourd’hui. Dans ce texte de 1962, le Che s’adresse à l’Union des Jeunesses Communistes – qui jusqu’à aujourd’hui continue d’être l’avant garde de la jeunesse cubaine – pour y exposer sa vision de ce que doit être un jeune communiste.
La JRCF en tant que mouvement de jeunes communistes français en devenir considère comme fondamentale l’étude constante de tous les référents du mouvement communiste afin de mieux aiguiser notre pratique militante quotidienne.
« L’Union des Jeunesses Communistes doit se définir en un seul mot : avant-garde. Vous, camarades, vous devez être l’avant-garde de tous les mouvements. Les premiers dans les sacrifices qu’exige la Révolution, quelle que soit la nature de ces sacrifices. Les premiers dans le travail. Les premiers dans l’étude. Les premiers dans la défense du pays.
Cette tâche ne doit pas apparaître seulement comme l’expression de la jeunesse de Cuba, ni comme une tâche des grandes masses structurées dans une institution, mais comme les tâches quotidiennes de chacun de ceux qui font partie de l’Union des Jeunesses Communistes. Il faut pour cela se donner des tâches réelles et concrètes : des tâches de travail quotidien qui ne peuvent admettre la moindre défaillance.
L’organisation doit être constamment présente dans tout le travail qui s’effectue dans l’Union des Jeunesses Communistes. L’organisation est la clef qui permet de suivre les initiatives qui viennent des chefs de la Révolution, les initiatives que propose en maintes occasions notre Premier ministre1 et les initiatives qui surgissent du sein de la classe ouvrière, qui doivent se transformer aussi en directives précises pour l’action suivante.
Sans organisation, les idées perdent de leur efficacité après le premier moment d’élan; elles tombent peu à peu dans la routine, dans le conformisme, et finissent par n’être plus qu’un souvenir.
Je vous donne cet avertissement parce que souvent, au cours de cette période brève et pourtant si riche de notre Révolution, beaucoup de grandes initiatives ont échoué, sont tombées dans l’oubli faute d’un appareil d’organisation pour les soutenir et les mener à bien.
En même temps vous devez, tous et chacun de vous, être pénétrés de l’idée qu’être un jeune communiste, appartenir à l’Union des Jeunesses Communistes, ce n’est pas une grâce que quelqu’un vous accorde; que ce n’est pas non plus une grâce que vous faites à l’État ou à la Révolution. Appartenir à l’Union des Jeunesse Communistes doit être le plus haut honneur pour un jeune de la société nouvelle. Ce doit être un honneur pour lequel lutter à chaque instant de sa vie. Enfin ce doit être un honneur pour lequel lutter à chaque instant de sa vie. Enfin ce doit être l’honneur de garder bien haut le nom de l’individu au sein de l’Union des Jeunesses Communistes.
De cette manière nous avancerons encore plus vite. En nous habituant à penser en tant que masse, à agir selon les initiatives que nous offre la masse ouvrière et les initiatives de nos plus grands dirigeants; et en même temps à agir toujours comme des individus, toujours soucieux de nos propres actes, toujours soucieux de ne pas souiller notre nom ni le nom de l’Association à laquelle nous appartenons.
Après deux ans nous pouvons récapituler et observer ce qu’ont été les résultats de cet effort. Il y dans la vie de l’Union des Jeunesse Communistes des succès considérables. L’un des plus importants, des plus spectaculaires, a été celui de la défense.
Les jeunes qui d’abord – certains d’entre eux – ont escaladé cinq fois le Turquino2; ceux qui se sont enrôlés dans diverses organisations militaires, tous ceux qui ont empoigné le fusil dans les moments de danger ont été prêts à défendre la Révolution à chaque point où l’on attendait l’invasion ou l’attaque ennemie.
Les jeunes de Playa Giron3 ont eu l’insigne honneur de pouvoir y défendre notre Révolution, y défendre les institutions que nous avions créées à force de sacrifice, les succès acquis par tout le peuple pendant des années de lutte; toute notre Révolution a été défendue là en soixante-douze heures de combat.
L’intention de l’ennemi était de créer une tête de pont suffisamment forte, avec un aéroport, qui aurait permis d’attaquer tout notre territoire, de le bombarder sans pitié, de réduire nos usines en cendres, de pulvériser nos moyens de communication, de ruiner notre agriculture. En un mot, de jeter le chaos dans notre pays. L’action résolue du peuple a liquidé la tentative impérialiste en soixante-douze heures seulement.
Des jeunes qui étaient encore des enfants se sont couverts de gloire. Certains représentent aujourd’hui cette jeunesse héroïque; des autres, il nous reste au moins le nom en souvenir, pour nous stimuler à de nouvelles batailles, à de nouveaux héroïsmes.
Au moment où la défense du pays était la tâche primordiale, la jeunesse a été présente. Aujourd’hui la défense du pays reste au premier plan de nos devoirs. Mais nous ne devons pas oublier que la consigne qui guide les Jeunesses Communistes est intimement liée à elles : la défense du pays ne peut pas résider seulement dans le maniement des armes, prêtes pour la défense; nous devons aussi défendre le pays en construisant par notre travail et en préparant les nouveaux cadres techniques pour accélérer le développement dans les années à venir. Cette tâche prend maintenant une énorme importance et rattrape celle du maniement direct des armes.
Quand se sont présentés des problèmes comme ceux-là, la jeunesse a dit « présente ». Les jeunes des brigades ont répondu à l’appel de la Révolution et ont envahi tous les coins du pays. En quelques mois dans une bataille très dure, qui a eu ses martyrs de la Révolution, ses martyrs de l’éducation, nous avons pu annoncer une situation nouvelle en Amérique : Cuba était le territoire libre d’analphabétisme de l’Amérique.
L’étude à tous les niveaux est aussi une tâche de la jeunesse aujourd’hui. L’étude mêlée au travail de la jeunesse aujourd’hui. L’étude mêlée au travail comme dans le cas des jeunes étudiants qui récoltent le café en Oriente4, qui passent leur vacances à récolter cette graine tellement importante dans notre pays, pour notre commerce extérieur, pour nous qui consommons une grande quantité de café. Cette tâche est semblable à celle de l’alphabétisation C’est une tâche de sacrifice qui s’accomplit dans la joie; les étudiants se réunissent une fois depuis dans les montagnes de notre pays pour y porter leur message révolutionnaire.
Ces tâches sont très importantes parce que dans l’Union des Jeunesses Communistes les jeunes communistes ne font pas que donner; ils reçoivent aussi, et parfois plus qu’ils ne donnent : ils acquièrent de nouvelles expériences, une nouvelle expérience des contacts humains, de la façon de vivre de nos paysans, du travail et de la vie dans les régions isolées, de tout ce qu’il faut faire pour élever ces régions au même niveau que les campagnes les plus habitables et les villes Ils acquièrent une expérience et une maturité révolutionnaire.
Les camarades qui connaissent ces tâches de l’alphabétisation et de la récolte du café, en contact direct avec notre peuple qu’ils aident loin de leur foyer, reçoivent – je peux vous l’affirmer – plus qu’ils ne donnent, et pourtant ils donnent beaucoup !
Telle est l’éducation qui convient le mieux à une jeunesse qui se prépare pour le communisme : la forme d’éducation où le travail perd le caractère obsessionnel qu’il a dans le monde capitaliste, pour devenir un devoir social agréable qui s’effectue avec joie, parmi les chants révolutionnaires, dans la camaraderie la plus fraternelle, au milieu de contacts humains qui fortifient les uns et les autres et les élèvent tous.
Par ailleurs, l’Union des Jeunesse Communistes a fait beaucoup de progrès dans son organisation. Il y a une grande différence entre cet embryon formé comme un appendice de l’Armée Rebelle et cette organisation que nous connaissons aujourd’hui. Partout, dans tous les centres de travail, dans tous les organismes administratifs, partout où ils peuvent exercer leur action il y a des jeunes communistes qui travaillent pour la Révolution.
Le progrès de l’organisation doit être considéré aussi comme un succès important de l’Union des Jeunesses Communistes.
Mais sur ce chemin difficile, camarades, nous avons rencontré beaucoup de problèmes, de grandes difficultés, des erreurs grossières; et nous n’avons pas toujours pu les surmonter. Il est évident que l’Union des Jeunesses Communistes, en tant qu’organisme mineur, en tant que frère cadet des Organisation Révolutionnaires Intégrées doit s’inspirer des expériences des camarades qui ont le plus travaillé à toutes les tâches révolutionnaires, et doit toujours écouter – avec respect – la voix de cette expérience.
La jeunesse doit créer. Une jeunesse qui ne crée pas est une anomalie; je le dis sérieusement. Et l’Union des Jeunesses Communistes a un peu manqué d’esprit créateur. Elle a été, à travers sa direction, trop docile, trop respectueuse et trop peu décidée à se poser ses propres problèmes.
Maintenant elle commence à changer. Le camarade Joel nous parlait des initiatives des travaux dans les fermes. Ce sont des exemples de la façon dont elle commence à briser la dépendance totale – qui finit par être absurde – à l’égard d’une organisation aînée, et à penser avec sa propre tête.
Tout cela s’explique par ce fait que nous sommes, nous-même et notre jeunesse avec nous, convalescents après une maladie qui heureusement n’a pas duré longtemps, mais qui a joué un grand rôle de frein dans l’approfondissement idéologique de notre révolution. Nous sommes tous convalescents après cette maladie qui s’appelle le sectarisme.
Où nous a amené le sectarisme ? À la copie mécanique, aux analyses formelles, à la séparation entre les dirigeants et les masses. Même dans notre Direction Nationale, et l’effet s’est répercuté directement dans l’Union des Jeunesses Communistes.
Si nous – également désorientés par le phénomène du sectarisme – nous n’arrivons pas à entendre la voix du peuple qui est la plus sage et la meilleure orientation si nous n’arrivons pas à entendre les pulsations du peuple pour pouvoir les transformer en idées concrètes, en directives précises, nous pouvions mal donner ces directives à l’Union des Jeunesses Communistes. Et comme la dépendance était absolue, la docilité très grande, l’Union des Jeunesses Communistes naviguait comme un petit bateau à l’aventure, dépendant du grand navire : nos Organisations Révolutionnaires. Mais elles aussi allaient à l’aventure.
Ici surgissait de petites initiatives, les seules que l’Union des Jeunesses Communistes étaient capables de produire et qui se transformaient parfois en « slogans » grossiers, en manifestations évidentes d’un manque de profondeur idéologique.
Le camarade Fidel a critiqué sévèrement certains extrémismes et certaines expressions que vous connaissez bien comme : « L’ORI est la bougie », « Nous sommes socialistes, en avant… ». Tout ce que critiquait Fidel et que vous connaissez bien était le reflet du mal qui opprimait notre révolution.
Nous avons franchi cette étape. Nous l’avons complétement dépassée. Mais les organismes sont toujours un peu lents. C’est comme une maladie qui a rendu quelqu’un inconscient. Quand elle recule, le cerveau retrouve sa lucidité mais les membres ne coordonnent pas encore bien leurs mouvements. Pendant les premiers jours après qu’on s’est levé du lit, la marche est incertaine et peu à peu elle retrouve la sûreté. Nous en sommes là.
Nous devons donc définir et analyser objectivement tous nos organismes pour poursuivre le nettoyage. Nous devons savoir, pour ne pas trébucher et nous retrouver par terre, que nos pas sont encore incertains. Nous devons connaître nos faiblesses pour les surmonter et nous fortifier.
Ce manque d’initiative propre est dû à l’Ignorance, pendant un temps assez long, de la dialectique qui meut les organismes de masses, et à l’oubli du fait que les organismes comme l’Union des Jeunesses Communistes ne peuvent être simplement de direction, qu’ils ne peuvent envoyer constamment des directives vers les bases sans rien recevoir d’elles.
On pensait que l’Union des Jeunesses Communistes et toutes les organisations de Cuba étaient des organisations d’une seule ligne qui allait du sommet aux bases mais qui n’avait pas de système de retour pour rapporter les communications des bases. Alors qu’il faut un échange mutuel constant d’expérience, d’idées, de directives.
Nous avons pu voir les points les plus faibles du travail.
Des jeunes, presque des héros de romans, peuvent donner leur vie cent fois pour la Révolution, marchent en masses vers les tâches concrètes et exceptionnelles qui les appellent; mais cependant ils manquent parfois leur travail parce qu’ils avaient une réunion des Jeunesses Communistes, ou parce qu’ils se sont couchés tard la veille pour discuter une initiative des Jeunesses Communistes, ou bien tout simplement ils ne vont pas travailler, comme ça, sans raison.
Quand on observe une brigade de travail volontaire où l’on suppose qu’il y a des Jeunesses Communistes, bien souvent elles n’y sont pas. Pas un seul. Le dirigeant devait aller à une réunion, l’autre était malade, le troisième n’était pas bien au courant. Finalement, l’attitude fondamentale, l’attitude d’avant-garde du peuple, l’attitude d’exemple vivant qui entraîne tout le monde de l’avant – comme l’ont fait les jeunes de Playa Giron – cette attitude ne se retrouve pas dans le travail. Le sérieux que doit avoir la jeunesse d’aujourd’hui pour affronter les grands engagements – et le plus grand est la construction de la société socialiste – ne se reflète pas dans le travail concret.
Il faut organiser, découvrir où le bât blesse, où les faiblesses doivent être corrigées; il faut s’occuper de chacun d’entre vous pour vous expliquer bien clairement que celui qui ne pense à la Révolution qu’au moment du sacrifice, du combat, de l’aventure héroïque, de ce qui sort du vulgaire et du quotidien, mais qui est médiocre dans son travail, ou pire que médiocre, celui-là ne peut pas être un bon communiste.
Comment pouvez-vous agir ainsi alors que vous avez déjà reçu le nom de jeunes communistes, ce nom que nous, organisation dirigeante, parti dirigeant, nous n’avons pas encore ? Vous qui devez construire un avenir où le travail sera la plus haute dignité de l’homme, où le travail sera un devoir social, un plaisir de l’homme, où le travail sera créateur au maximum et où tout le monde devra s’intéresser à son travail et à celui des autres, dans le progrès de la société, quotidiennement.
Comment se peut-il que vous qui portez déjà ce nom vous dédaignez le travail ? Il y a une faille. Un défaut d’organisation, d’explication, de travail. Un défaut, qui plus est, humain. Nous tous – tous je crois – nous aimons bien mieux ce qui rompt la monotonie de la vie, ce qui soudain, une fois de temps en temps, nous fait penser à notre propre valeur, à notre valeur dans la société.
J’imagine l’orgueil de ces camarades étaient dans une cuarto-bocas5 par exemple et qui défendaient leur patrie contre les avions yankees; soudain l’un d’eux avait la chance de voir que ses balles atteignaient un avion ennemi. C’est naturellement le moment le plus heureux dans la vie d’un homme. Ça ne s’oublie pas. Les camarades qui ont eu la chance de vivre cette expérience ne l’oublierons jamais.
Mais nous, nous devons défendre notre révolution, celle que nous faisons chaque jour. Et pour pouvoir la défendre, nous devons la construire, la fortifier par le travail qui aujourd’hui ne plaît pas à la jeunesse ou, du moins, que la jeunesse considère comme le dernier de ses devoirs parce qu’elle garde encore la mentalité ancienne du monde capitaliste; celle qui considère que le travail est bien un devoir et une nécessité, mais un devoir et une nécessité tristes.
Pourquoi est-ce ainsi ? Parce que nous n’avons pas encore donné au travail sa véritable signification. Nous n’avons pas été capables d’unir le travailleur à l’objet de son travail et de donner en même temps au travailleur la conscience de l’importance de l’acte créateur qu’il réalise chaque jour.
Le travailleur et la machine, le travailleur et l’objet sur lequel s’exerce le travail restent encore deux choses différentes antagonistes. Il faut travailler sur cette contradiction pour former peu à peu des générations qui s’intéresseront le mieux possible au travail et qui sauront y trouver une source permanente et constamment changeante de nouvelles émotions. Nous devons faire du travail quelque chose de créateur., quelque chose de nouveau.
C’est probablement le grand point faible de notre Union des Jeunesses Communistes. C’est pour cela que j’insiste et que dans la joie de la commémoration de cet anniversaire je verse la petite goutte d’amertume pour toucher le point sensible, pour faire réagir la jeunesse.
Aujourd’hui j’ai assisté à une assemblée où l’on discutait de l’émulation au Ministère. Beaucoup d’entre vous ont probablement déjà discuté de l’émulation dans leur centre de travail et ont déjà lu un très long texte là-dessus. Mais quel est le problème de l’émulation, camarades ? Le problème est que l’émulation ne peut être régie par des textes qui la réglementent, l’ordonnent et la moulent. Le règlement et le moule sont nécessaires pour pouvoir comparer ensuite le travail des enthousiastes qui prennent part à l’émulation.
Quand deux camarades commencent l’émulation, chacun avec sa machine pour produire d’avantage, au bout d’un certain temps ils sentent la nécessité d’un règlement qui détermine lequel des deux produit le plus avec sa machine, la quantité produite, les heures de travail effectuées, l’état de la machine en fin d’émulation, les soins qui lui ont été donnés… etc. Mais si au lieu de donner un règlement à deux camarades qui effectivement sont en émulation, vous donnez le règlement à deux autres qui pensent qu’il est l’heure de rentrer chez eux, à quoi sert le règlement, quelle est sa fonction ?
Dans bien des cas nous donnons un règlement et un moule à quelque chose qui n’existe pas. Le moule doit avoir un contenu; le règlement doit être ce qui définit et limite le résultat de l’émulation dans tous les centres de travail de Cuba.
Nous avons abordé plusieurs problèmes de cette façon; nous avons souvent traité des questions d’une manière déformée. Quand j’ai demandé à cette assemblée pourquoi le secrétaire des Jeunesses Communistes n’y était pas, et combien de fois il y avait été, j’ai appris qu’il y avait été rarement, et que les Jeunesses Communistes n’y avaient jamais été.
Mais au cours de l’assemblée, en discutant de différends problèmes, les Jeunesses Communistes, le noyau du parti, la Fédérations des Femmes, les Comité de Défense et le Syndicat se sont pris naturellement d’enthousiasme. Ou du moins, ils ont été pris de scrupules, d’une certaine amertume, d’un désir de se perfectionner, de prouver qu’ils étaient capables de faire ce qui n’a pas été fait : remuer les gens. Ensuite ils se sont tous engagés à ce que tout le ministère entre dans l’émulation à tous les niveaux, à discuter le règlement après avoir établi les émulations et à présenter dans les quinze jours des faits concrets.
Il y a eu là une mobilisation. Chacun a compris et ressenti profondément – car chacun de ces camarades est un grand camarade – que quelque chose n’allait pas dans son travail. Il s’est senti blessé dans sa dignité et a voulu changer la situation. C’est comme cela qu’il faut réagir. Se rappeler que le plus important c’est le travail. Excusez-moi de tellement insister, mais voyez-vous, sans travail il n’y a rien qui vaille. Toute la richesse du monde, toutes les valeurs de l’humanité ne sont que du travail accumulé. Sans le travail supplémentaire que l’on fournit pour créer davantage de surplus pour de nouvelles fabriques, de nouvelles installations sociales, le pays n’avancera pas. Sans ce travail, quelle que soit la force de nos armées, notre rythme de croissance restera lent. Il faut rompre avec toutes ces vieilles erreurs; il faut les rendre publiques, les analyser partout, et ensuite les corriger.
Je veux maintenant vous dire, camarades, quelle est mon opinion; quelle est la vision d’un dirigeant des ORI sur ce que doit être un jeune communiste, pour voir si nous sommes tous d’accord.
Je crois que la première caractéristique d’un jeune communiste doit être l’honneur qu’il ressent à être un jeune communiste. Cet honneur qui le pousse à montrer à tout le monde sa condition de jeune communiste, non pas à se cacher dans la clandestinité, ni à réduire sa condition à des formules, mais à l’exprimer à chaque instant et à la prouver parce que c’est sa fierté.
En même temps, le jeune communiste doit avoir un sens aigu du devoir envers la société que nous construisons, avec nos semblables humains et avec tous les hommes du monde.
D’autre part, le jeune communiste doit être très sensible à tous les problèmes, très sensibles à l’injustice. Il doit se rebeller devant tout ce qui est injuste, quel qu’en soit l’auteur. Il doit poser des questions sur tout ce qu’il ne comprend pas. Discuter et demander des explications sur tout ce qui n’est pas clair. Déclarer la guerre à tous les types de formalisme. Rester toujours ouvert aux nouvelles expériences, pour accorder la grande expérience de l’humanité, qui avance depuis de longues années sur la voie du socialisme, aux conditions concrètes de notre pays, aux réalités cubaines; et penser, ensemble et individuellement, aux moyens de changer la réalité de la rendre meilleure.
Le jeune communiste doit vouloir être toujours et partout le premier, lutter pour être le premier et se sentir mal à l’aise quand il occupe une autre place. Naturellement, vous ne pouvez pas tous être le premier, mais vous devez être parmi les premiers, dans le groupe d’Avant-garde. Le jeune communiste doit être un exemple vivant, le miroir où se regardent ceux qui n’appartiennent pas aux Jeunesses Communistes; l’exemple que peuvent contempler les hommes et les femmes le plus âgés qui ont perdu un certain enthousiasme juvénile, qui ont perdu la foi dans la vie et qui réagissent toujours bien à l’impulsion de l’exemple. C’est là une autre tâche des jeunes communistes.
Il doit joindre à toutes ces qualités un grand esprit de sacrifice, pas seulement pour les grands jours héroïques, mais à tout moment. Se sacrifier pour aider un camarade dans les petites tâches, pour qu’il puisse faire son travail, faire son devoir au collège, pour qu’il puisse se perfectionner d’une manière ou d’un autre. Être toujours attentif à tous ceux qui l’entourent.
Autrement dit, le devoir de tout jeune communiste est d’être essentiellement humain, tellement humain qu’il se rapproche du meilleur de l’humain, de purifier le meilleur de l’homme par le travail, l’étude, l’exercice de la solidarité permanente avec le peuple et avec tous les peuples du monde; de développer sa sensibilité au point de ressentir de l’angoisse quand on assassine un homme quelque part dans le monde et d’être exalté quand se lève quelque part dans le monde un nouveau drapeau de la liberté.
Le jeune communiste ne doit pas être limité par les frontières d’un territoire : il doit pratiquer l’internationalisme prolétarien et le ressentir personnellement. Il doit se rappeler, comme nous tous à Cuba qui aspirons à être communistes, qu’il est un examen réel et palpable pour toute notre Amérique, et plus encore que pour notre Amérique, pour d’autres pays du monde qui luttent sur d’autres continents pour leur liberté, contre le colonialisme, contre le néocolonialisme, contre l’impérialisme, contre toutes les formes d’oppression des systèmes injustes. Il doit toujours se rappeler que nous sommes un flambeau allumé, que tout comme nous sommes, chacun de nous individuellement, un miroir pour le peuple de Cuba, nous sommes aussi un miroir pour les peuples d’Amérique, pour les peuples du monde opprimés qui luttent pour leur liberté, Et nous devons en être dignes à tout moment et à toute heure.
Voilà ce que nous pensons que doit être un jeune communiste. Et si l’on nous dit que nous sommes presque des romantiques, des idéalistes invétérés, que nous pensons des choses impossibles et que l’on ne peut pas demander à la masse d’un peuple d’être presque un archétype humain, nous devons répondre avec certitude que si, que c’est possible, que tout le peuple peut progresser, se débarrasser des mesquineries humaines, comme nous l’avons fait à Cuba pendant les quatre années de Révolution; se perfectionner comme nous nous perfectionnons de jour en jour, se débarrasser sans transiger de tous ceux qui restent en arrière, qui ne sont pas capables de marcher au rythme de la Révolution cubaine. Il doit en être ainsi, camarades, et il en sera ainsi. Il en sera ainsi parce que vous êtes de jeunes communistes, créateurs de la société parfaite, des êtres humains destinés à vivre dans un monde nouveau d’où aura disparu définitivement tout ce qui est caduc, tout ce qui est vieux, tout ce qui représente la société dont les bases viennent d’être détruites.
Pour atteindre cet objectif, il faut travailler tous les jours. Travailler au sens profond de nous perfectionner, d’accroître nos connaissances, de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Rechercher, vérifier et bien connaître le pourquoi des choses, et considérer toujours les grands problèmes de l’humanité comme des problèmes personnels.
De cette façon, à un moment donné, un jour des prochaines années – après de nombreux sacrifices, après nous être trouvés peut-être plusieurs fois au bord de la destruction – après avoir vu peut-être nos usines détruites et après les avoir reconstruites, après avoir assisté à l’assassinat, à la tuerie de plusieurs d’entre nous, et reconstruit ce qui aura été détruit, après tout cela, un jour, presque sans nous en rendre compte, nous aurons créé , avec les autres peuples du monde, la société communiste, notre idéal.
Camarades, c’est une grande tâche de parler à la jeunesse. On se sent capable à ce moment-là de communiquer certaines choses. Je voudrais parler longuement de tous nos efforts, de tous nos travaux. De la façon dont malgré tout certains se brisent sur la réalité quotidienne et nous forcent à recommencer. Des moments de faiblesses et du contact avec le peuple – avec son idéal et sa pureté – qui nous inspire une nouvelle ferveur révolutionnaire.
Il y aurait beaucoup à dire. Mais nous devons aussi faire notre devoir. J’en profite pour vous expliquer pourquoi je dois vous quitter maintenant; vous aller penser que je suis plein de mauvaises intentions : je vous quitte maintenant pour aller au travail volontaire dans une fabrique de textiles. Nous y travaillons depuis déjà un certain temps. Nous sommes en émulation avec l’Empressa Consolidada de Hilados y Tejidos Planos qui travaille dans une autre fabrique, et avec la Junta Central de Planificación.
Je veux vous dire, honnêtement, que le ministère de l’Industrie est le dernier dans l’émulation, et que nous devons faire un effort plus grand constamment répété, pour avancer, pour pouvoir réussir à être les meilleurs, comme nous l’avons dit nous-même, chercher à être les meilleurs parce que nous souffrons d’être les derniers dans l’émulation socialiste.
Il nous arrive simplement ce qui est arrivé à beaucoup d’entre vous : cette émulation est froide, un peu inventée, et nous n’avons pas su entrer en contact direct avec la masse des travailleurs de l’industrie. Demain nous aurons une assemblée pour en parler et pour essayer de résoudre tous ces problèmes, de chercher les points de contact, d’instaurer le langage commun d’une identité absolue entre les travailleurs de cette industrie et nous, les travailleurs du ministère. Quand nous y serons arrivés, je suis sûr que notre rendement augmentera beaucoup et que nous pourrons au moins lutter honorablement pour les premières places.
En tout cas, à la prochaine Assemblée l’année prochaine, je vous donnerai le résultat. »
Ernesto Che Guevara
- Fidel Castro.
- Le pico Turquino, littéralement le pic Turquoise, est la plus haute montagne de Cuba (1974m d’altitude), situé dans la Sierra Maestra.
- La Baie des Cochons, où les mercenaires pro-américains tentèrent un débarquement le 17 avril 1961.
- Province cubaine située à l’Est du pays.
- Véhicule blindé armé de quatre canons anti-aériens.