A 10 jours des résultats du premier tour de cette élection présidentielle 2022, qui ont démontré que les 2/3 du pays ne veulent pas du duo Macron Le Pen qui lui est imposé, et alors que se profile le second tour, il est utile de mettre en perspective toute la factualité des chiffres et de ce qu’ils révèleny de la dynamique politique du pays depuis 2017. Car il ne faut se laisser duper en rien par les campagnes de propagandes du régime capitaliste qui anime comme une course de PMU ces élections où sont réduites structurellement les possibilités d’une campagne contestant la domination totalitaire de la classe capitaliste. En témoigne par exemple l’interdiction évidemment non officielle mais objective d’une candidature franchement communiste, via notamment les blocages médiatiques, financiers et institutionnels. Ce bilan est d’autant plus utile qu’il permettra à chacun de comprendre ce que sont les outils possibles pour ouvrir les perspectives politiques populaires, résolument antifascistes, démocratiques et de paix face au duo Macron Le Pen.
Quels sont les enseignements chiffrés du 1er tour de la présidentielles 2022
Il est utile de regarder les rapports de forces exprimés au premier tour, mais également les évolutions en nombre de voix des différents blocs politiques représentés dans l’élection par rapport à 2017. Pour conduire cette analyse, de façon schématique on pourra regrouper :
- le bloc des abstentionnistes : il regroupe tout ceux qui ne participent plus à ces élections qui apparaissent comme une farce, une coquille vide, ou qui sont exclus matériellement de la possibilité de voter. Rappelons que les enquêtes de sociologie électorale rapportent que 12% des abstentionnistes le sont pour des raisons matérielles, et seuls 16% ne votent pas par désintérêt de la politique.
- le bloc des refus d’expression : les électeurs se déplaçant aux urnes mais refusant d’y porter le bulletin d’un candidat, pour voter blanc ou nul
- le bloc ultra libéral pro UE et pro fédéralisation européenne : en 2017, il regroupait Macron et le parti socialiste avec Hamon, ainsi qu’une partie de l’électorat de la droite parlementaire, Fillon. En 2022, outre Macron et Pécresse, on retrouve une candidate du PS, Hidalgo, et un candidat libéral peint en vert, Jadot, investi par EELV.
- le bloc d’extrême droite pro UE, regroupant Le Pen et Dupont Aignan, une partie de l’électorat Fillon en 2017, l’électorat de Zemmour en 2022. Pro UE également, ultra libéral, ce bloc se distingue du premier par les visées ouvertement xénophobes de leurs campagnes
- le bloc de la gauche de progrès social : s’exprimant par les seuls bulletins de votes Mélenchon à la tonalité eurocritique en 2017. Mélenchon et Roussel en 2022, cette fois ci alignés sur le discours social démocrate et pro UE du PS mitterandien et de la gauche plus rien, mais toujours seul exutoire pour ceux voulant refuser par un bulletin de vote le duo Macron Le Pen.
- le bloc euro-trotskyste , avec la rituelle candidature Poutou Artaud
- le bloc divers : Asselineau, Cheminade Lassale en 2017, seul Lassale en 2022. A noter que ces trois personnalités ont exprimés des discours résolument euro critiques.
Pour nos calculs, on fera l’hypothèse, comme indiqué par le sondage de sociologie électorale établie par BVA que les électeurs de Fillon se sont réparties à 1/3 vers Le Pen Zemmour, 2/3 vers Macron Pécresse. Par ailleurs, nos comparaisons en nombre de voix tiennent compte de l’augmentation de la population, en prenant pour base le nombre d’inscrits du 1er tour de 2022.
Le graphique suivant permet d’identifier les dynamiques de progression (l’abstention, le vote mélenchon) et de régression (Macron, l’extrême droite) dans l’électorat entre 2017 et 2022.
L’abstention : premier parti de France, en plus forte dynamique
L’abstention s’est encore une fois le premier parti de France. Le parti censuré une nouvelle fois de la soirée électorale. Plus d’un électeur sur quatre a refusé de se rendre aux urnes, approchant de très près le record historique de 2022. Avec presque 13 millions d’électeurs faisant le choix très politique de l’abstention, c’est près de 2 millions d’électeurs de plus qui ont fait ce choix de refuser de cautionner ce jeu pipé qu’en 2017. En très forte augmentation, avec +14%.
35% des ouvriers ont refusé de voter. 51% de ceux se déclarant parmi les classes défavorisées, 1/3 des foyers ayant moins de 2500€ de revenus mensuel.
Le vote blanc et nul est lui totalement stable. Cela montre au demeurant que c’est bien l’abstention qui permet d’exprimer dans son ensemble la plus forte et claire revendication politique.
Macron et le bloc pro UE grand perdant : le violent vote sanction
A l’inverse le grand perdant du 1er tour, c’est le bloc Macron. Alors qu’il a tous les pouvoirs en main, qu’il bénéficie des leviers de la légitimité du président en exercice et des relais des puissances financières capitalistes, le bloc Macron prend une dérouillée électorale.
Un vote sanction très violent, puisqu’il perd 1.8 millions de voix, soit 12% de ses électeurs. Et encore on pourrait considérer cette gifle comme encore plus forte, en remarquant que le quinquennat Macron a puissamment alimenté par sa politique ne cessant de pousser dans une fascisation accéléré discours identitaristes xénophobes, violences policières, actions autoritaires et liberticides , par ses campagnes médiatiques le vote Le Pen Zemmour, précipitant une large partie de la droite extrême qui s’était réunis autour de Fillon, vers l’extrême droite de Le Pen Zemmour.
L’extrême droite puissant second, draine les voix de Fillon, mais ne progresse pas
Grace à ses soutiens médiatiques – imposant Zemmour non stop à la télévision et sur les radios, saturant l’espace informationnel des questions nauséabondes d’une vision xénophobe des identités, et propageant une campagne active de promotion d’une image adoucie de Le Pen, le régime capitaliste a une nouvelle fois imposé au second tour l’extrême droite. Seul argument électoral du bloc Macron, c’est aussi une roue de secours sûre pour garantir sa domination, la perpétuation du système et que rien ne change pour les riches. En termes de voix, le bloc Le Pen recule légèrement lorsque l’on tient compte des apports de la partie d’électorat de droite extrême capitalisée en 2017 par Fillon. Avec une perte de 700 000 voix, le bloc Le Pen perd en réalité 4.5% de son électorat. Une victoire à la Pyrrhus qui lui permet de demeurer au second tour, en verrouillant l’avenir du pays sous la garde de l’infernal duo Le Pen Macron.
Vote Mélenchon ou la mobilisation du vote sanction anti Macron le Pen
C’est le second enseignement du scrutin, avec 8.5 millions de voix dont 7.7 millions pour le seul bulletin de vote Mélenchon, le bloc du vote Mélenchon est la seule dynamique en progression du vote exprimé au 1er tour. Avec une progression de +8.3% et 1.3 millions de voix supplémentaires, c’est une augmentation nette, mais qui reste cependant très loin des près de 11.5 millions de voix réunies par l’extrême droite. La campagne tirant sens ses vers le centre conduite par Mélenchon, mais aussi par Roussel, sans s’adresser réellement à la classe ouvrière et ses revendications, sans mobiliser la souveraineté de la Nation contre le joug de l’Union Européenne du Capital, n’a pas suffisamment mobilisée les larges pans de la classe ouvrières et paysanne qui s’ancre en réaction encore plus dans l’abstention. Elle n’a pas réussi non plus à démasquer le caractère anti patriotique et destructeur du pays des votes Le Pen Zemmour, qui continue d’illusionner une trop grande part de l’électorat populaire. Le seul moteur du vote utile en barrage au duo Macron Le Pen, qui a pourtant fortement agit dans les grandes villes et leurs banlieue, n’a pas entrainé la mobilisation de masse de la classe ouvrière, tout particulièrement dans les cœurs désindustrialisés et paysans de la France des périphéries, même s’il a permis une indéniable progression, menant sans succès au bord du second tour. Ces chiffres tordent notablement le cou à l’idée reçue que ce serait la candidature autonome et sans contenu de Roussel qui serait seule responsable de ce second tour de malheur. Les tenants de la campagne Mélenchon, qui ont refusé rappelons le le moindre dialogue avec les communistes du PRCF, portent dans leur refus d’entendre la nécessité de s’adresser vraiment aux besoins et préoccupations de la classe des travailleurs une lourde responsabilité.
Les réserves de voix possibles du second tour ou comment faire perdre le duo Macron Le Pen
Une fois ce bilan posé et dans la perspective du second tour, il est intéressant d’examiner le rapport de force établis au second tour.
Le bloc Macron, avec 13.7 millions de voix dispose d’une solide avance sur le bloc Le Pen et ses 11.3 millions de voix. 2,4 millions de voix d’avance. Si l’on ne tenait compte que de ce seul rapport de force, et que tous les votants des autres candidats, les abstentionnistes du 1er tour restaient chez eux, l’abstention serait grande gagnante du scrutin avec plus de 48% et 23.7 millions de voix. Macron disposerait de 28.12% des inscrits, Le Pen de 23.27%, soit en termes d’exprimés 54.7% pour Macron, 45.3% pour Le Pen. Peu ou prou ce qui est annoncé par les sondages.
le second tour n’est cependant pas joué et l’on aurait bien tort de regarder en spectateur : en effet la mobilisation menée par Le Pen, activant à fond la colère populaire, pourrait lui permettre de rattraper son retard.
Si 25% des électeurs du bloc Mélenchon, aveuglés par la colère légitime après 10 ans de régime Macron suivant 10 ans de régime Sarko, se saisissaient du bulletin Le Pen, cette dernière réduirait son retard à quelques centaines de milliers de voix. Au risque d’accélérer encore d’avantage la fascisation. Que 20% d’abstentionnistes en colère face le même raisonnement, et là encore Le Pen pourrait sortir en tête. bref la détestation légitime de Macron peut provoquer une tentation de la politique du pire. Pire que stérile, dangereuse pour les travailleurs.
Observons que chaque vote gagné au second tour par Le Pen alimentera donc logiquement en réplique la mobilisation du vote de barrage pour Macron, et n’aurait donc pour seul effet tangible que de renforcer la participation à ce second tour de chantage ignoble menant à la destruction du pays, légitimant d’autant plus l’un des deux affreux.
C’est donc pourquoi tout ceux qui veulent renforcer au second tour l’illégitimité du duo infernal Macron Le Pen, faire perdre ces deux caciques du Capital se doivent d’activement mener campagne pour que pas une voix ne se reportent pour Le Pen, et pour que ceux qui parmi les travailleurs se sont fourvoyés dans cette impasse coupe gorge restent très politiquement chez eux. C’est la meilleure solution pour affaiblir durablement le pouvoir illégitime résultant de ce second tour minoritaire. Et ouvrir à la contre offensive populaire de l’alternative rouge et tricolore le maximum de perspectives, puisant appui dans la résistance populaire des luttes, cœur battant de la Nation bien plus que le carcan des élections verrouillées de la Ve république.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Les résultats du 1er tour de 2022
Nombre | % Inscrits | % Votants | |
Inscrits | 48 747 876 | ||
Abstentions | 12 824 169 | 26,31 | |
Votants | 35 923 707 | 73,69 | |
Blancs | 543 609 | 1,12 | 1,51 |
Nuls | 247 151 | 0,51 | 0,69 |
Blancs et nuls | 790 760 | ||
Exprimés | 35 132 947 | 72,07 | 97,8 |
Liste des candidats | Voix | % Inscrits | % Exprimés |
M. Emmanuel MACRON | 9 783 058 | 20,07 | 27,85 |
Mme Marine LE PEN | 8 133 828 | 16,69 | 23,15 |
M. Jean-Luc MÉLENCHON | 7 712 520 | 15,82 | 21,95 |
M. Éric ZEMMOUR | 2 485 226 | 5,1 | 7,07 |
Mme Valérie PÉCRESSE | 1 679 001 | 3,44 | 4,78 |
M. Yannick JADOT | 1 627 853 | 3,34 | 4,63 |
M. Jean LASSALLE | 1 101 387 | 2,26 | 3,13 |
M. Fabien ROUSSEL | 802 422 | 1,65 | 2,28 |
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN | 725 176 | 1,49 | 2,06 |
Mme Anne HIDALGO | 616 478 | 1,26 | 1,75 |
M. Philippe POUTOU | 268 904 | 0,55 | 0,77 |
Mme Nathalie ARTHAUD | 197 094 | 0,4 | 0,56 |
les résultats du 1er tour de 2017
Nombre | % Inscrits | % Votants | |
Inscrits | 47 582 183 | ||
Abstentions | 10 578 455 | 22,23 | |
Votants | 37 003 728 | 77,77 | |
Blancs | 659 997 | 1,39 | 1,78 |
Nuls | 289 337 | 0,61 | 0,78 |
Blancs et nuls | 949 334 | ||
Exprimés | 36 054 394 | 75,77 | 97,43 |
Liste des candidats | Voix | % Inscrits | % Exprimés |
M. Emmanuel MACRON | 8 656 346 | 18,19 | 24,01 |
Mme Marine LE PEN | 7 678 491 | 16,14 | 21,3 |
M. François FILLON | 7 212 995 | 15,16 | 20,01 |
M. Jean-Luc MÉLENCHON | 7 059 951 | 14,84 | 19,58 |
M. Benoît HAMON | 2 291 288 | 4,82 | 6,36 |
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN | 1 695 000 | 3,56 | 4,7 |
M. Jean LASSALLE | 435 301 | 0,91 | 1,21 |
M. Philippe POUTOU | 394 505 | 0,83 | 1,09 |
M. François ASSELINEAU | 332 547 | 0,7 | 0,92 |
Mme Nathalie ARTHAUD | 232 384 | 0,49 | 0,64 |
M. Jacques CHEMINADE | 65 586 | 0,14 | 0,18 |
les comparaisons 2017 – 2022
2017 | 2022 | 2017 | 2022 | |||
voix redressées | voix | % des inscrits | % des inscrits | évolution voix | évolution % | |
Inscrits | 48 747 876 | 48 747 876 | 100,00% | 100,00% | ||
Bloc Macron ( Macron Hamon 66% Fillon / Macron Hidalgo Jadot) | 15482142,4 | 13 706 390 | 31,76% | 28,12% | -1 775 752 | -11,47% |
Bloc Le Pen (Le Pen 33% Fillon NDA / Le Pen Zemmour NDA) | 12041729,5 | 11 344 230 | 24,70% | 23,27% | -697 500 | -4,51% |
Bloc Mélenchon (Mélenchon / Mélenchon Roussel) | 7 232 909 | 8 514 942 | 14,84% | 17,47% | 1 282 033 | 8,28% |
Bloc trotskyste (Artaud Poutou) | 853 852 | 465 998 | 1,75% | 0,96% | -387 854 | -2,51% |
Bloc Divers (Lassalle, Asselineau, Cheminade / Lassalle) | 853 852 | 1 101 387 | 1,75% | 2,26% | 247 535 | 1,60% |
Bloc Abstention | 10 837 611 | 12 824 169 | 22,23% | 26,31% | 1 986 558 | 12,83% |
Bloc Blancs & nuls | 972 591 | 790 760 | 2,00% | 1,62% | -181 831 | -1,17% |