Un messie : c’est de cela dont avait besoin le PS pour espérer un miracle après le désastreux score électoral d’Anne Hidalgo au premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Tout est réuni pour achever définitivement ou presque un parti qui, un demi-siècle plus tôt, s’érigeait en machine de guerre anticommuniste qui allait prendre la tête de l’union de la gauche. Enfin, nous allions être débarrassés de ces anti-« sociaux »-traîtres, dont l’histoire n’a été qu’une série de compromissions, voire de collaborations, du soutien à « l’Union sacrée » en 1914 aux nombreux ralliements à la Macronie, en passant par la Collaboration (pour une bonne partie de la SFIO), la guerre d’Algérie, le « choix européen », les guerres du Golfe et de Yougoslavie, les euro-privatisations massives de la « gauche plurielle » ou l’euro-démantèlement du Code du Travail. Mais c’était sans compter sur un « inattendu » messie qui, après avoir promis de détruire le PS une décennie plus tôt, est venu au secours d’une formation aux abois : le paléo-« socialiste » et désormais ex-« insoumis » Jean-Luc Mélenchon.
Le PS ressuscité ? Vous délirez ! Au contraire, la NUPES va l’achever ! Du moins, c’est ce que veulent croire les médias aux ordres et le « PS Canal historique » prétendument de « gauche » (Hollande, Hidalgo, Cazeneuve, Cambadélis… et Jospin), effrayés par les positions (de moins en moins) « radicales » de l’ancien « insoumis » et œuvrant, à l’image de la pseudo « socialistes » Carole Delga, pour des candidatures dissidentes aux législatives de 2022. En ce sens, la N.U.P.E.S. contribue à l’explosion du Parti « socialiste » né à Epinay à travers la fuite de ses éléments Macron-compatibles : Manuel Valls, « républicain » en France et royaliste en Espagne, ne dira par le contraire… Car en regardant bien de plus près, un « nouveau PS » est en train de se reconstituer, sous le séduisant vocable de NUPES ; et ce ne sont pas les photos de famille affichant la proximité de Jean-Luc Mélenchon et d’Olivier Faure, tellement heureux de se retrouver, qui démentiront cette divine résurrection.
Une résurrection pas seulement ni même prioritairement symbolique, mais aussi et avant tout politique.
Car outre le fait que le PS, malgré un score inférieur à celui du candidat PCF à la présidentielle, obtient 20 candidatures supplémentaires que le PCF roussélien, comment ne pas voir dans le programme de l’« alliance gouvernementale de gauche », composé de « 650 mesures et 33 « nuances » » (« nuances » et non divergences de fond) une capitulation en rase campagne de l’« insoumission » au profit des thèmes favoris de la « social-démocratie » ? Une exagération, crieront les groupies de Mélenchon, y compris les « marxistes » de pacotille qui, ne jurant que par l’adage « Mélenchon ou le chaos », passent leur temps à aboyer sur leurs blogues insignifiants pour justifier l’injustifiable et expliquer l’inexplicable – aux antipodes de « l’analyse concrète de la situation concrète » dont ils se réclament sans, de toute évidence, en comprendre le sens…
Car concrètement, comment justifier le fait que des anciens macronistes comme Cédric Villani et Aurélien Taché, qualifiés d’« hommes de gauche », se retrouvent investis « candidats NUPES» dans des circonscriptions (comme le fut déjà Matthieu Orphelin dans le Centre-Val-de-Loire pour les régionales en 2021) après avoir, pêle-mêle, approuvé la destruction du Code du Travail et de la SNCF, le « saut fédéral européen » ou la contre-« réforme » des retraites ? Comment justifier le fait que Mélenchon, qui déclarait en 2017 : « l’UE, on la change ou on la quitte ! », s’entend avec EELV en expliquant que « la France ne peut avoir pour politique ni la sortie de l’Union, ni sa désagrégation, ni la fin de la monnaie unique » et, « mieux » encore, appelle à « faire bifurquer les politiques européennes vers la justice sociale, l’écologie, le progrès humain et le développement des services publics » ? La méthode est toute trouvée : la « désobéissance » (comme un enfant qui désobéit à ses parents), ce non-respect de certaines règles de l’UE qui « n’est pas un objectif politique en soi mais un outil ». Ah, « l’Europe sociale », « l’Europe sera socialiste ou ne sera pas » et autres fadaises du genre ! A croire que les travailleurs de France n’ont pas assez goûté à plus de quatre décennies d’euro-reniements « sociaux-démocrates » … N’est-ce pas finalement une fantastique résurrection du mitterrandisme (dont Mélenchon ne cesse de revendiquer l’héritage) et de la « gauche plurielle » (ou plutôt, « gauche » plus rien) jospinienne, avec un ancien lambertiste pour en remplacer un autre ?
Une résurrection du PS euro-atlantique également visible à travers l’un des sujets les plus fondamentaux à l’heure actuelle, celui de la paix mondiale et de la dangereuse escalade à la guerre nucléaire avec la Russie, toujours plus encerclée par une OTAN prête à s’étendre à la Finlande et la Suède. Il a donc fallu l’intervention de la Russie poutinienne en Ukraine pour que l’ancien « insoumis » Mélenchon retourne progressivement sa veste sur la politique étrangère : après avoir affirmé être « du côté de Monsieur Zelensky contre Monsieur Poutine » – cautionnant au moins indirectement l’envoi d’armes massif au gouvernement de Kiev comme le réclame son « partenaire » EELV Julien Bayou et le silence sur le bataillon Azov et autres joyeusetés néonazies grenouillant en Ukraine depuis des années… – fin mars 2022, voilà que Mélenchon, qui ne parlait plus de la sortie de l’OTAN, se veut « rassurant » pour ses partenaires euro-atlantiques en renvoyant cette dernière aux calendes grecques (comme l’a fait avant lui le « communiste » Fabien Roussel) et en jurant, sur un sujet aussi vital, de s’en remettre à… l’Assemblée nationale de la Ve République que le même Mélenchon annonce vouloir détruire ; le tout, naturellement, en s’apprêtant à « cohabiter » avec Emmanuel Macron qui ne veut pas sortir de l’OTAN…
La NUPES signe le triomphe d’une triple ligne faussement « insoumise ». Celle de Manon Aubry, l’eurobéate députée « insoumise » au Parlement européen qui rendait hommage à Robert Schuman le 9 mai 2020 en saluant son travail pour « l’Europe sur la solidarité de fait », qui communiait religieusement au sein du Parlement européen le soir de la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE et qui apporte son total soutien au « démocrate » Zelensky (et tant pis pour les douze formations de gauche interdites en Ukraine depuis le 24 février 2022, le PC ukrainien étant la dernière victime). Celle de Manuel Bompard, autre eurodéputé stratège de « l’union de la gauche » avec des partis de droite et grand artisan de la N.U.P.E.S., appliquant ainsi la ligne de Clémentine Autain, théoricienne du « big bang de la gauche radicale » visant à promouvoir un énième rassemblement d’« insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme » (on repassera cependant pour le côté « anticapitaliste », le NPA – adulé par un renégat isérois ancien membre du PRCF – ayant finalement renoncé à rejoindre ce fatras de « gauche plurielle ») ; Autain qui, elle-même, mit en pratique sa doctrine en s’alliant à Audrey Pulvar et Julien Bayou pour le second tour des régionales en Île-de-France en juin 2021.
Autain, Bompard, Aubry : la ligne A.B.A. a donc gagné au sein de l’ex « France insoumise », où l’on éjecte petit à petit des candidatures pour les législatives les militants trop insoumis au bénéfice des candidats « pragmatiques » et « politiques » – la fidélité ne paie pas chez les « sociaux-démocrates ». Gageons que si par miracle, elle permettait au légaliste Mélenchon – qui ne parle plus de sa « révolution citoyenne » – de parvenir au pouvoir, elle se retrouverait confrontée au dilemme soulevé par le mentor Mitterrand quand il dut, lui aussi, « analyser concrètement la situation concrète » en mars 1983 en étant « partagé entre deux ambitions : celle de la construction européenne et celle de la justice sociale ». Un mentor qui a trouvé son digne successeur, sauveur inespéré d’un PS en voie de recomposition.