Lettre ouverte à l’initiative du Collectif Maquis de Corrèze
Le 10 septembre 2009
Secrétariat général
Pierre Pranchère
2 rue du Puy Salmon
19 800 – Saint-Priest-de-Gimel
À Monsieur François Fillon Premier Ministre
Monsieur le Premier Ministre,
Le Collectif Maquis de Corrèze vous a écrit le 5 juin 2009 en vous joignant un dossier sur l’impunité totale dont bénéficient les apologistes des crimes de guerre d’Oradour-sur-Glane et Tulle. Le 10 juin 2009, présidant le 65e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane, vous avez déclaré : « notre pays n’oubliera jamais » et vous avez fait d’Oradour un symbole universel. Concernant la justice qui, selon votre expression, « a entretenu l’amertume des victimes », nous attendons la prise de position du garde des sceaux que vous avez saisi.
Toutefois, c’est la loi qui détermine une bonne ou une mauvaise justice et vos déclarations du 10 juin dernier seront réduites à néant si le projet de loi d’adaptation du droit pénal français à l’institution de la Cour Pénale Internationale, voté au Sénat, est adopté tel quel par l’Assemblée nationale.
Dominique de Villepin, votre prédécesseur, a déposé ce projet le 15 mai 2007. Le sénat l’a voté en première lecture le 10 juin 2008 en prenant la décision incroyable de refuser l’imprescriptibilité des crimes de guerre et de leur apologie inscrite, comme celle des crimes contre l’humanité, dans la convention des Nations Unies du 26 novembre 1968 et dans la convention du Conseil de l’Europe du 25 janvier 1974.
Inouï ! Oradour et Tulle n’auraient plus le statut de crimes de guerre. Les SS de la sinistre Das Reich blanchis après avoir été impunis ! La cohorte d’apologistes, révisionnistes de tous poils libres d’amplifier l’odieuse réécriture de l’histoire en accusant la Résistance et les victimes du nazisme et de la collaboration ! Lammerding se retournerait de joie dans sa tombe.
À Oradour-sur-Glane, les SS n’épargnèrent ni les enfants ni les bébés, comme en témoigne ce landau fauché par une rafale de mitraillette dans l’église où ils moururent avec leurs mères et les femmes, impitoyablement achevés. À Tulle, la terreur s’exerça sur la population par la pendaison d’innocents, les déportations et les pressions monstrueuses et perverses sur les otages. Sur le chemin de la Das Reich, ce sont toujours les populations civiles avec femmes et enfants qui furent martyrisées et assassinées. Ces crimes furent particulièrement atroces parce qu’ils niaient la personne humaine !
Il est stupéfiant qu’un ancien ministre dans son audition au Sénat ait pu considérer que les crimes de guerre dont ceux d’Oradour-sur-Glane et de Tulle ne méritaient pas l’imprescriptibilité.
La situation qui serait créée si l’imprescriptibilité n’était pas retenue serait d’autant plus honteuse pour notre pays, co-fondateur du Tribunal International de Nuremberg qu’à nos portes, en Italie et en Allemagne, les criminels de guerre sont recherchés, jugés et condamnés. En Italie, les procès des crimes de guerre de Marzabotto en 2007 et de Sant’Anna en Toscane en 2008 ont eu lieu suite aux recherches fructueuses de la police italienne bénéficiant du concours de la police allemande. Voilà qu’en Allemagne, l’officier nazi Joseph Scheungraber, responsable du massacre de quatorze civils en juin 1944 à Falzano di Cartona en Italie vient d’être condamné par le tribunal de Munich à la prison à perpétuité. Faudra-t-il en arriver à se dire que si Maillé était ville italienne la faute morale pourrait être réparée ?
Nous intervenons auprès de vous moralement mandatés pour les 1 500 signataires de l’appel pour l’honneur de Tulle, d’Oradour-sur-Glane et de la France que nous vous avons adressé le 5 juin. C’est unanimement qu’il a été signé par les personnes sollicitées : résistants, déportés, familles des martyrs, enseignants, élus et citoyens.
Nous vous demandons simplement:
Ne cautionnez pas l’incautionnable ! Retirez ce projet de loi indigne de la France des Lumières !
Respectueusement
_ Pierre Pranchère, résistant dès mai 1943 (15 ans) à l’A.S. puis aux F.T.P., croix du CVR et croix 1939-1945. Titre de reconnaissance de la nation. Responsable dans des associations de Résistance et de travail de mémoire. Ancien Député de la Corrèze et au Parlement Européen. Ancien vice-président du Conseil Régional du Limousin et conseiller général de la Corrèze. Co-fondateur du Collectif Maquis de Corrèze.
_ Annie Valade, professeur honoraire, famille de résistants, père mort en déportation, parente de quatre suppliciés par pendaison le 9 juin 1944 à Tulle.
_ Jean-Pierre Combe. Ingénieur polytechnicien, chef d’escadron honoraire. Président délégué du Collectif Maquis de Corrèze.
_ Bernard Vitalis. Fils de Pierre-Louis Vitalis, supplicié par pendaison le 9 juin 1944 à Tulle.
_ Albert Uminski. Résistant A.S., Armée Delattre de Tassigny, Rhin-et-Danube, Président co-fondateur du Mémorial corrézien de la Résistance et de la Déportation.
_ Lucienne Georges. Résistante F.T.P., attachée à l’état-major de Rol-Tanguy, croix du CVR, conseillère municipale de Savigny-sur-Orge.
_ René Fossard. Maquisard des Monédières, dit Grand-Sec. Commandant du bataillon F.T.P., co-fondateur du Collectif Maquis de Corrèze.
_ Jeannette Fossard. Famille de résistants, co-fondatrice du Collectif Maquis de Corrèze.
_ François et Kévin Weil, fils et petit-fils de résistant, petit-cousin et arrière-petit-cousin d’un supplicié par pendaison du 9 juin 1944 à Tulle.
_ Michel Prévôt, Colonel.
_ Guy Lacorre. Médecin-chef, colonel, résistant « Cahiers du témoignage chrétien » en octobre 1943, A.S. en 1944, chevalier de l’ordre du mérite, médaille de la Résistance.
Jacques Chastagnol. Maire adjoint de Gourdon-Murat, famille d’internés de Châteaubriant.
_ Jean Maison. Résistant F.T.P., A.N.A.C.R. Plateau des Etangs, maire honoraire de Clergoux.
_ Michel Trésallet. Fils de résistant-déporté du 10 juin 1944 à Tulle.
_ Georges Bordes. Résistant F.T.P. (1943-1944), croix du CVR.
_ Marcel Boulègue. Résistant F.T.P. au détachement Réchossière, croix du CVR.
_ Christiane Combe. Fille de capitaine F.T.P., Ancien maire de Saint-Martin-la-Méanne.
_ Jean-Claude Bezeau. Fils de résistant F.T.P., ancien combattant.
_ Marius Raze. Professeur honoraire, famille de résistants, A.N.A.C.R. Tulle.
_ La présidence collective du Collectif des auteurs et des amis du livre Maquis de Corrèze, ainsi que tous les membres du collectif.